Citation de Pablo Neruda

vendredi 30 novembre 2007

EN SAVOIR PLUS... SUR J'AIME LA MANSUÉTUDE


J'aime la mansuétude poème qui fait partie du "livre événement" Cahiers de Temuco pour tous ceux qui aiment la poésie de Pablo Neruda. Dans cet important volume est présenté un ensemble de poèmes jusque-là inédits en français. Ce sont des poèmes écrits en 1919 et 1920, alors que le jeune poète avait seize ans.

Il vivait à l'époque avec sa famille à Temuco, ville de la province chilienne du sud du pays, dont il fréquentait le collège. C'est aussi là qu'il fit la rencontre de la grande poétesse chilienne, Prix Nobel, Gabriela Mistral.

Ces Cahiers, qui ont été récemment retrouvés et publiés en espagnol, témoignent des années d'apprentissage poétique de Ricardo Neftali Reyes, le futur Pablo Neruda.
On y perçoit une sensibilité aiguë, les émois et le spleen de l'adolescence, mais aussi l'influence des premières lectures, notamment de la poésie française symboliste. Et, même si un grand chemin reste à parcourir pour qu'il devienne le poète du Chant général ou de la Centaine d'amour, s'affirment déjà chez le jeune poète un tempérament, un souffle et une générosité de l'inspiration qui sont peu communs. La traduction a été assurée par Claude Couffon qui a traduit de nombreux recueils de Pablo Neruda.

jeudi 29 novembre 2007

Amo la mansedumbre

Neftalí Reyes -1918-

Amo la mansedumbre y cuando entro

a los umbrales de una soledad

abro los ojos y los lleno

de la dulzura de su paz.

(...)

Yo encuentro en las quietudes de las cosa

un canto enorme y mudo.

Y volviendo los ojos hacia el cielo

encuentro en los temblores de las nubes,

en el ave que pasa y en el viento

la gran dulzura de la mansedumbre.





J'aime la mansuétude



J'aime la mansuétude et lorsque j'entre

sur le seuil d'une solitude

j'ouvre les yeux et les remplis

de la douceur de sa paix.


J'aime la mansuétude par-dessus toutes

les choses de ce monde.


Je trouve dans la quiétude des choses

un chant immense et muet.

Et tournant les yeux vers le ciel


je trouve dans les tremblements des nuages,

dans l'oiseau qui passe et le vent

la grande douceur de la mansuétude.





mercredi 28 novembre 2007

En savoir plus... Madrid 1936

Poème de «Residencia en la tierra 3» Résidence sur la Terre (dite Troisième Résidence) [1934-1945]

Recueil de poèmes écrits pendant les différentes charges consulaires de Neruda, dont celle de Madrid à la veille de la guerre civile espagnole (1935), cet ouvrage au ton ésotérique et aux métaphores surréalistes marque un tournant dans son écriture.

Dans «ESPAÑA EN EL CORAZÓN» L'Espagne au cœur «Himno a las glorias del pueblo en guerra (1936-1937)» Hymne aux gloires du peuple en guerre.

L'assassinat de Garcia Lorca et la Guerre d'Espagne incitent le poète chilien à rejoindre les républicains en Espagne, puis en France où il commence à travailler sur ce recueil. Sa poésie prend une tonalité politique et sociale qui aura un grand impact lors de sa publicatio
n, en plein milieu de la guerre civile espagnole. +

mardi 27 novembre 2007

Madrid 1936

Madrid sola y solemne, julio te sorprendió con tu alegría

de panal pobre: clara era tu calle,

claro era tu sueño.


Un hipo negro

de generales, una ola

de sotanas rabiosas

rompió entre tus rodillas

sus cenagales aguas, sus ríos de gargajo.


Con los ojos heridos todavía de sueño,

con escopeta y piedras, Madrid, recién herida,

te defendiste. Corrías

por las calles

dejando estelas de tu santa sangre,

reuniendo y llamando con una voz de océano,

con un rostro cambiado para siempre

por la luz de la sangre, como una vengadora

montaña, como una silbante

estrella de cuchillos.


Cuando en los tenebrosos cuarteles, cuando en las sacristías

de la traición entró tu espada ardiendo,

no hubo sino silencio de amanecer, no hubo

sino tu paso de banderas,

y una honorable gota de sangre en tu sonrisa.



Poème de «Residencia en la tierra 3» Résidence sur la Terre (dite Troisième Résidence) [1934-1945]

Dans «ESPAÑA EN EL CORAZÓN» L'Espagne au cœur «Himno a las glorias del pueblo en guerra (1936-1937)»

Hymne aux gloires du peuple en guerre


Madrid 1936


Madrid seule et solennelle, Juillet t’avait surprise avec ton allégresse


de ruche pauvre: claire était ta rue,


clair était ton rêve.



Un hoquet noir


des généraux, une vague


de soutanes rageuses


rompit entre tes genoux


ses eaux fangeuses et ses fleuves de crachat.




Les yeux encore tout meurtris de sommeil,


avec escopette et des pierres, Madrid, récemment blessée,


tu te défendis. Tu courais


dans les rues


sillonnant de ton sang sacré,


rassemblant et appelant d’une voix d’océan,


avec le visage changé à jamais


par la lueur du sang, comme une vengeresse


montagne, comme une sifflante


étoile de couteaux.




Quand dans les ténébreuses casernes, quand dans les sacristies


de la trahison entra ton épée flamboyante,


il n’y eut qu’un long silence d'aurore, il n’y eut


que tes pas des drapeaux,


et une honorable goutte de sang dans ton sourire.





lundi 26 novembre 2007

Poema 1

Cuerpo de mujer, blancas colinas, muslos blancos,

te pareces al mundo en tu actitud de entrega.

Mi cuerpo de labriego salvaje te socava

y hace saltar el hijo del fondo de la tierra.


Fui solo como un túnel. De mí huían los pájaros,

y en mí la noche entraba su invasión poderosa.

Para sobrevivirme te forjé como un arma,

como una flecha en mi arco, como una piedra en mi honda.


Pero cae la hora de la venganza, y te amo.

Cuerpo de piel, de musgo, de leche ávida y firme.

Ah los vasos del pecho! Ah los ojos de ausencia!

Ah las rosas del pubis! Ah tu voz lenta y triste!


Cuerpo de mujer mía, persistiré en tu gracia.

Mi sed, mi ansia sin límite, mi camino indeciso!

Oscuros cauces donde la sed eterna sigue,

y la fatiga sigue, y el dolor infinito.


Poème 1 de Vingt poèmes d’amour et une chanson désespérée

Poème 1


Corps de femme, blanches collines, cuisses blanches,

tu ressembles au monde dans ton attitude d'abandon.

Mon corps de laboureur sauvage te creuse

et fait jaillir le fils du fond de la terre.



Je fus seul comme un tunnel. Les oiseaux me fuyaient,

et en moi la nuit pénétrait de son invasion puissante.

Pour me survivre, je t'ai forgé comme une arme,

comme une flèche à mon arc, comme une pierre à ma fronde.



Mais l'heure de la vengeance tombe à pic, et je t'aime.

Corps de peau, de mousse, de lait avide et ferme.

Ah les vases de la poitrine ! Ah les yeux de l'absence !

Ah les roses du pubis ! Ah ta voix lente et triste !



Corps de femme mienne, je persisterai en ta grâce.

Ma soif, mon désir sans bornes, mon chemin indécis !

Lits de rivières obscurs où la soif éternelle continue,

et la fatigue continue, et la douleur infinie.


Vingt poèmes d'amour et une chanson désespérée,

Traduction de Claude Couffon et Christian Rinderknecht.

Gallimard, Collection Poésie

mardi 20 novembre 2007

ANA BELÉN CHANTE NERUDA



THÈME 2. «  TONADA DE MANUEL RODRÍGUEZ » TEXTE PABLO NERUDA PAR ANA BELÉN DANS LE CD-DVD «  NERUDA EN EL CORAZÓN » (NERUDA AU CŒUR), FUT UN PROJET DISCOGRAPHIQUE PRODUIT EN 2004 POUR COMMÉMORER LE CENTENAIRE DE LA NAISSANCE DE PABLO NERUDA, ÉDITÉ PAR BMG-ARIOLA EN COLLABORATION AVEC LA FACTORÍA AUTOR.
 DURÉE : 00:04:29 

Julieta Venegas chante Neruda

Neruda et Allende

Maison de Neruda, "La Sebastiana"




FILM ADHEMAR ORELLANA RIOJA




"La Sebastiana"




Interview à Pablo Neruda

Neruda et le bois

LES MAISONS DE NERUDA AU CHILI


Comme Cadet Rousselle, Neruda a trois maisons. Les trois maisons gérées par la Fondation Pablo Neruda créée de par la volonté de sa veuve Matilde Urrutia, décédée en 1985.

Maison d'Isla Negra, Camino Vecinal S/N, Isla Negra. Maison La Chascona, Fernando Marques de La Plata, 0192, Quartier Bellavista, Santiago. Maison La Sebastiana, Ferrari 692, Valparaiso.

lundi 19 novembre 2007

Discours de Neruda à l'UNESCO 19 octobre 1972

Discours de S. Exc. M. Neruda Ambassadeur et Représentant Permanent du Chile auprès de l’UNESCO - 19 octobre 1972

Nombre d'entre nous auraient peut-être eu plaisir à présider cette grande assemblée de l'Unesco. C'est à l'honorable délégué du Japon, M. Toru Haguiwara, que cet honneur est échu. Je tiens à exprimer la satisfaction que j'en ressens et à dire avec quelle joie la délégation chilienne a accueilli cette désignation. Le Chili voit dans le Japon, qui appartient, comme lui, à la zone du Pacifique, un grand pays dont la haute civilisation – héritée du passé – se trouve aujourd'hui représentée ici par le Président de la Conférence générale. C'est parce que nous apprécions la volonté de paix de votre grand pays et le dynamisme de son développement moderne que nous sommes heureux, Monsieur le Président, que la Conférence générale vous ait choisi pour diriger ses travaux parmi toutes les éminentes personnalités qui représentent ici tant de pays. Qu'il me soit également permis de rendre hommage à notre Directeur général, M. Maheu, auquel incombe, nous le reconnaissons tous, la tâche presque irréalisable de soutenir l'immense édifice qu'est l'Unesco.

En regardant un jour un défilé populaire dans le nord du Chili, je fus surpris de voir que les jeunes gens récemment appelés sous les drapeaux étaient de très petite taille. Il me semblait qu'autrefois les soldats étaient plus grands.

Je me trompe peut-être, dis-je au colonel. Vous avez raison, me répondit-il. Ils sont de plus en plus petits. En une trentaine d'années, la taille des hommes du contingent a baissé de deux pouces environ. Si cela continue, nous aurons bientôt une armée de nains.

Le Chili est un pays où l'enseignement a toujours eu un niveau élevé. Les gens y sont instruits. De grands humanistes y ont passé une bonne partie de leur vie: Andrès Bello, Hostos; Sarmiento, Rubén Dario, Alberdi..., sans parler des nationaux: Valentín Letelier, Gabriela Mistral. Nous sommes une république constellée d'étoiles.

Mais cela ne nous a pas empêchés de connaître la servitude, un régime proche du servage (l’"inquilinaje") et les méfaits de la sous-alimentation.

Les enfants ne buvaient pas de lait. Les paysans et les ouvriers n'absorbaient de protéines que les jours de fête. Tout cela ressemblait à un suicide général. Mais, au fond, il s'agissait d'un génocide insidieux qui, avec son abominable persistance, a fini par priver de sa taille normale une nation tout entière.

Aussi notre oligarchie se moqua-t-elle bien du Dr Allende quand celui-ci, avant de devenir Président du Chili, offrit de distribuer gratuitement un demi-litre de lait par jour à tous les enfants chiliens. La promesse a pourtant été tenue. Aujourd'hui, tous les enfants du Chili reçoivent gratuitement du gouvernement populaire un demi-litre de lait par jour.

Il n'est donc pas étonnant que, sur les 445.000 élèves entrés en 1965 dans les établissements d'enseignement élémentaire, il n'en soit plus resté en 1969 que 231.000. Les autres avaient abandonné leurs études. Les statistiques montraient que 900.000 Chiliens de plus de quinze ans n'avaient jamais fréquenté l'école, ce qui revient à dire qu'il y avait 14 % d'analphabètes. Après le triomphe populaire, l'enseignement de base toucha plus de deux millions d'enfants et, en 1972, il en touche plus de 3.500.000. L'enseignement secondaire classique a d'abord touché 300.000 adolescents et le taux d'expansion est supérieur à 13 %. Pour l'enseignement technique et professionnel, le taux d'expansion a été de 19 % en 1972, et le nombre des inscriptions à l'université a augmenté de plus de 30 %.

Je n'éprouve aucun plaisir particulier à citer ces chiffres, qui, pourtant, nous font honneur, car je n'ai pas le goût des chiffres. Je suis beaucoup plus impressionné par le bidon quotidien de lait, par cette révolution du lait qui a présidé à l'essor des écoles, à l'essor du livre, au développement physique et intellectuel des enfants du Chili.

Je suis convaincu que la lutte à mener en faveur de l'éducation et des objectifs de l’Unesco va de pair avec l'action qui doit tendre à l'élimination du colonialisme héréditaire et du néo-colonialisme de date récente. Le colonialisme existe aujourd'hui encore, qu'il s'agisse d'un colonialisme externe ou de ce colonialisme interne de certaines classes sociales dont les membres s'autorisent de droits héréditaires pour opprimer leurs compatriotes.

Une chose m'a particulièrement frappé quand j'ai lu les instructions des dignitaires nazis en Pologne : ceux-ci se proposaient d'exterminer entièrement la classe des intellectuels pour ne laisser subsister que quelques milliers de Polonais qui travailleraient la terre. Ils voulaient réduire la Pologne à une population de serfs, et l'éducation devint alors l'un des aspects de la lutte clandestine. La nation polonaise tenait à survivre. La même situation s'est présentée dans beaucoup de pays d'Amérique latine, où les seigneurs locaux ne voulaient employer que des "inquilinos" pour l'exploitation de leurs terres ou de leurs mines. Il s'ensuit que le mouvement en faveur de l'éducation en Amérique latine doit être considéré comme un phénomène révolutionnaire, lié à la survie du peuple, à l'âme nationale menacée par ses anciens ennemis.

Le meilleur de ce que l'Unesco a fait ou entend faire risque de disparaître dans les flammes de ce napalm que des gens sans foi ni loi déversent en tel ou tel point du monde sur des populations sans défense.

Ces jours-ci une grande société minière monopoliste, agissant au mépris de la souveraineté du Chili, a réussi, en France, à faire mettre l'embargo sur un lot de cuivre chilien. L'Unesco n'a rien à voir làdedans, me dira-t-on. Eh bien, si! Elle a, en fait, beaucoup à y voir ; car, si ces forces ténébreuses parvenaient à s'emparer du cuivre chilien, les petits Chiliens n'auraient plus ni pain, ni lait, ni livres de lecture, ni écoles. Telle est la dure réalité.

Partout nous voyons apparaître, quand nous parlons de nos idéaux, le spectre de la famine, de la sous-alimentation ou de la guerre.

Cependant, en cette époque désespérément cruelle et belliqueuse, nous avons foncièrement foi dans une institution comme l'Unesco, qui persiste dans ses nobles desseins malgré les déceptions et les incertitudes. Ce combat pour que survive ce qu'il y a de meilleur dans le monde est tout simplement nécessaire ; il répond à un véritable impératif biologique. Je suis loin d'être un individualiste : je crois que l'homme n'est libre que dans la mesure où il est collectiviste. Née d'une entente internationale et chargée, en vertu de son mandat international, d'appliquer de grands principes de construction et de reconstruction, notre Unesco a peut-être beaucoup de points faibles, mais ses efforts et ses réalisations témoignent de la portée géographique et morale de son action.

Messieurs les délégués, il y a bien des années, on me demanda de venir à une réunion d'un syndicat, à Santiago du Chili. Je fis savoir que j'avais l'intention de m'y rendre, mais j'oubliai bientôt de quelle invitation il s'agissait et même quels étaient ceux qui m'avaient invité.

Je me dirigeai vers le lieu du rendez-vous sans avoir la moindre idée de ceux qui m'attendaient. J'entrai dans une sorte de catacombe, passant à travers des restes de légumes et de poissons; je me rendis compte plus tard qu'il s'agissait d'une association de manutentionnaires d'un marché. Grande fut ma surprise en voyant un auditoire aussi primitif.

Ils n'étaient pas plus d'une quarantaine. Tous étaient nu-pieds. Ils croisaient leurs bras puissants sur les sacs qui leur servaient de vêtements.

En voyant ainsi ceux qui m'attendaient, je me sentis intimidé.

Au moment où j'étais sorti de chez moi, j'avais pris au hasard un de mes livres.

La seule chose que je pouvais faire était de leur lire mes vers en leur expliquant un peu ce que j'avais voulu exprimer. Mon livre s'intitulait "España en el corazón"; c'était un ouvrage difficile dans lequel la méditation côtoyait la poésie.

Je suis incapable de réciter de mémoire aucun de mes vers, et je n'avais pas sur moi d'autre livre que celui-là. Faisant contre mauvaise fortune bon coeur, je me mis à le lire, et comme aucun écho, aucun applaudissement ne se faisaient entendre pour m'orienter, je me plongeai de plus en plus dans la lecture de mon propre ouvrage, essayant d'atteindre ces âmes qui me paraissaient si éloignées de moi. Mais vint le moment où mon livre prenait fin. L'ayant refermé, je regardai devant moi. Avec leurs visages de pierre et leurs tabliers de grosse toile, mes auditeurs étaient aussi silencieux et aussi immobiles qu'auparavant.

Puis, au fond de la salle, l'un de ces hommes se leva: "Camarade poète, me dit-il, je tiens à vous déclarer – et sa voix se cassait – que personne ne nous avait jamais dit pareilles choses, que nous ne les savions pas, que nous n'avions jamais éprouvé pareille émotion."

L'homme ne put poursuivre, car sa voix s'étrangla dans un grand sanglot. Je jetai un regard sur la salle : mon rude auditoire n'avait pas bougé, mais tous avaient des larmes dans les yeux.

Je pense que nos projets, le rayonnement de notre Conférence et de notre Organisation doivent s'étendre à tous les recoins de l'oubli.

La parole doit traverser toutes les frontières obscures. Et quand, dans une partie quelconque du monde, une larme du peuple aura rendu hommage à notre action, alors nous aurons atteint notre but et accompli notre destin commun de représentants de la culture universelle.


© UNESCO, Paris, 1972. Actes de la Conférence générale, Dix-septième session, 17 C/VR 5, pp. 99-103.

samedi 17 novembre 2007

Encyclopédie Hachette Multimédia

Pablo Neruda

(Neftalí Ricardo Reyes).
Poète chilien (Parral, 1904 - Santiago du Chili, 1973).

L'enfance de Pablo Neruda, passée à Temuco, est marquée par la présence de la forêt, de la tempête et de la pluie, «la grande pluie australe qui tombe du pôle comme une cataracte».
Politique et poésie

Dès 1917, Neruda écrit ses premiers poèmes. En 1921, il s'installe à Santiago du Chili et suit les cours de français à l'Institut pédagogique. Il participe alors aux manifestations révolutionnaires opposant les ouvriers et la police: «Depuis cette époque et par intermittence, la politique s'est mêlée à la poésie et à ma vie. Il n'était pas possible, dans mes poèmes, de fermer la porte à la rue, de même qu'il n'était pas possible, dans mon cœur…
Neruda (Pablo) >

ENCYCLOPÉDIE UNIVERSELLE LAROUSSE

Neftalí Ricardo Reyes, dit Pablo Neruda Poète chilien (Parral 1904-Santiago 1973).
Pablo Neruda et l'exil
Un chant sombre et solitaire

C’est au contact de la nature que Pablo Neruda fait son apprentissage de la vie. « Mon enfance, ce sont des souliers mouillés, des troncs cassés / Tombés dans la jungle, décorés par les lianes. » À Temuco, petite ville du Chili austral située au pied des volcans couverts de neige, et dans la grande forêt voisine gorgée d’eau, le jeune Neftalí Ricardo découvre « le monde du vent et du feuillage », se grise de cette pluie qui tombe inlassablement, jour après jour, pénètre les secrets de la nature avant de signer avec elle un « pacte poétique » : l’œuvre du poète sera riche d’images empruntées à cet univers primitif, images de pluie, d’humidité, de sel (les fortes lames du Pacifique frappent la côte toute proche), symboles sous sa plume de désintégration, de pourriture, de corrosion.
« Étudiant triste égaré dans le crépuscule », Neruda – il vient de choisir comme pseudonyme le nom du célèbre poète tchèque Jan Neruda (1834-1891), après avoir été visité par la poésie (« ... la poésie / Vint me chercher. Je ne sais pas, je ne sais d’où elle surgit ») – publie à Santiago son premier recueil : Crepusculario (Crépusculaire, 1923), puis en 1924 ses Veinte poemas de amor y una canción desesperada (Vingt Poèmes d’amour et une chanson désespérée), dont les vers sensuels célèbrent la femme et la gloire de son corps : « Corps de femme... mon corps de paysan sauvage te creuse. »
Consul en Extrême-Orient après un passage en France, il connaît à Rangoon, à Colombo, à Batavia des années de pesante solitude et d’angoisse, bouleversé par le spectacle atroce de la foule misérable « au milieu des griffes et des fouets ». De cette période douloureuse, ses poèmes de Residencia en la tierra (Résidence sur la terre, 1933-1935) seront le reflet : poésie terrible, ouverte sur le néant, ruisselante d’images de décomposition et d’horreur. En 1934, Neruda est à Barcelone, et l’année suivante à Madrid, où l’amitié de García Lorca et surtout celle de Rafael Alberti ouvrent pour lui une page de bonheur. Mais soudain... « ce fut la poudre / Et ce fut le sang » : la guerre civile éclate, Lorca est assassiné. Un nouveau Neruda naît alors et España en el corazón (l’Espagne au cœur, 1937) marque un tournant radical dans son chant, qui, de sombre et solitaire, devient solidaire et agissant : « Je regagnais ma patrie avec d’autres yeux. »
Cris de révolte et rêves d’humanité fraternelle
Nommé consul à Mexico en 1940, il est élu sénateur en 1945 sur la liste du parti communiste, mais, déchu de son mandat par le gouvernement de González Videla, il doit entrer dans la clandestinité. En 1950, il publie Canto general (le Chant général), écrit sous le manteau avant un exil forcé : c’est l’épopée de l’Amérique tout entière, une immense fresque qui a pour thème le nouveau continent, ses minéraux, sa flore, sa faune, son histoire. Poésie tellurique écrite dans une langue puissante et riche en métaphores, où les phrases déferlent en vagues successives, le Chant général est aussi un cri de révolte contre toutes les formes d’oppression, depuis celle qu’exercèrent les conquistadores sur les indigènes jusqu’aux dictatures actuelles, et un témoignage en faveur des exploités : le péon, le bûcheron, le travailleur des mines de cuivre ou des gisements de nitrate... Pleinement conscient de sa responsabilité d’homme parmi les hommes, le poète peut définir son public : « J’écris pour le peuple bien qu’il ne puisse / Lire ma poésie avec ses yeux ruraux. »
« Je ne crois pas que la poésie doive être exclusivement sociale, ni non plus exclusivement lyrique. » Si, comme son ami Louis Aragon, Neruda reste d’une fidélité inébranlable envers le communisme, c’est dans la célébration de l’amour, et singulièrement l’amour du couple, que sa poésie va trouver un nouvel épanouissement. Tout comme l’auteur des Yeux d’Elsa, Neruda est l’homme d’une grande passion : Matilde Urrutia, qu’il connut peu après l’éclatant succès du Chant général, lui inspirera quelques-uns de ses plus beaux poèmes réunis sous le titre de Cien sonetos de amor (la Centaine d’amour, 1959).
Dans Extravagario (Vaguedivague, 1958), qui s’achève par un testament, et dans Memorial de Isla Negra (le Mémorial de l’île Noire, 1964), le poète explore son passé, médite sur son itinéraire poétique et ses contradictions (« idéalisme et réalisme je vous aime »), sur son attachement au décor de son enfance, au vaste océan face auquel il possède sa résidence de l’île Noire, et réaffirme sa solidarité avec tous les hommes de son continent. Le rêve d’une humanité meilleure et fraternelle, une certaine angoisse devant le silence du monde des choses (« Il n’y a ni jour ni lumière, il n’y a rien / Que le silence... », dit Neruda dans un autre recueil, La espada encendida [l’Epée de flammes], 1971) donnent plus de profondeur à sa méditation.
En octobre 1971, Pablo Neruda, alors ambassadeur de son pays en France, recevait le prix Nobel de littérature, vingt-six ans après sa compatriote Gabriela Mistral. Couronnement d’un demi-siècle de très féconde création poétique, ce prix allait donner au poète, par-delà les frontières de l’Amérique latine, une audience à la mesure de son chant aux éléments, à la Terre, aux hommes, à l’amour, une dimension universelle. Pablo Neruda devait mourir peu après le coup d’État militaire exécuté contre le régime de S. Allende
© Neftalí Ricardo Reyes, dit Pablo Neruda
Poète chilien (Parral 1904-Santiago 1973).
Un chant sombre et solitaire
C’est au contact de la nature que Pablo Neruda fait son apprentissage de la vie. « Mon enfance, ce sont des souliers mouillés, des troncs cassés / Tombés dans la jungle, décorés par les lianes. » À Temuco, petite ville du Chili austral située au pied des volcans couverts de neige, et dans la grande forêt voisine gorgée d’eau, le jeune Neftalí Ricardo découvre « le monde du vent et du feuillage », se grise de cette pluie qui tombe inlassablement, jour après jour, pénètre les secrets de la nature avant de signer avec elle un « pacte poétique » : l’œuvre du poète sera riche d’images empruntées à cet univers primitif, images de pluie, d’humidité, de sel (les fortes lames du Pacifique frappent la côte toute proche), symboles sous sa plume de désintégration, de pourriture, de corrosion.
« Étudiant triste égaré dans le crépuscule », Neruda – il vient de choisir comme pseudonyme le nom du célèbre poète tchèque Jan Neruda (1834-1891), après avoir été visité par la poésie (« ... la poésie / Vint me chercher. Je ne sais pas, je ne sais d’où elle surgit ») – publie à Santiago son premier recueil : Crepusculario (Crépusculaire, 1923), puis en 1924 ses Veinte poemas de amor y una canción desesperada (Vingt Poèmes d’amour et une chanson désespérée), dont les vers sensuels célèbrent la femme et la gloire de son corps : « Corps de femme... mon corps de paysan sauvage te creuse. »
Consul en Extrême-Orient après un passage en France, il connaît à Rangoon, à Colombo, à Batavia des années de pesante solitude et d’angoisse, bouleversé par le spectacle atroce de la foule misérable « au milieu des griffes et des fouets ». De cette période douloureuse, ses poèmes de Residencia en la tierra (Résidence sur la terre, 1933-1935) seront le reflet : poésie terrible, ouverte sur le néant, ruisselante d’images de décomposition et d’horreur. En 1934, Neruda est à Barcelone, et l’année suivante à Madrid, où l’amitié de García Lorca et surtout celle de Rafael Alberti ouvrent pour lui une page de bonheur. Mais soudain... « ce fut la poudre / Et ce fut le sang » : la guerre civile éclate, Lorca est assassiné. Un nouveau Neruda naît alors et España en el corazón (l’Espagne au cœur, 1937) marque un tournant radical dans son chant, qui, de sombre et solitaire, devient solidaire et agissant : « Je regagnais ma patrie avec d’autres yeux. »
Cris de révolte et rêves d’humanité fraternelle
Nommé consul à Mexico en 1940, il est élu sénateur en 1945 sur la liste du parti communiste, mais, déchu de son mandat par le gouvernement de González Videla, il doit entrer dans la clandestinité. En 1950, il publie Canto general (le Chant général), écrit sous le manteau avant un exil forcé : c’est l’épopée de l’Amérique tout entière, une immense fresque qui a pour thème le nouveau continent, ses minéraux, sa flore, sa faune, son histoire. Poésie tellurique écrite dans une langue puissante et riche en métaphores, où les phrases déferlent en vagues successives, le Chant général est aussi un cri de révolte contre toutes les formes d’oppression, depuis celle qu’exercèrent les conquistadores sur les indigènes jusqu’aux dictatures actuelles, et un témoignage en faveur des exploités : le péon, le bûcheron, le travailleur des mines de cuivre ou des gisements de nitrate... Pleinement conscient de sa responsabilité d’homme parmi les hommes, le poète peut définir son public : « J’écris pour le peuple bien qu’il ne puisse / Lire ma poésie avec ses yeux ruraux. »
«Je ne crois pas que la poésie doive être exclusivement sociale, ni non plus exclusivement lyrique.» Si, comme son ami Louis Aragon, Neruda reste d'une fidélité inébranlable envers le communisme, c'dans la célébration de l’amour, et singulièrement l’amour du couple, que sa poésie va trouver un nouvel épanouissement. Tout comme l’auteur des Yeux d'Elsa, Neruda est l’homme d’une grande passion : Matilde Urrutia, qu’il connut peu après l’éclatant succès du Chant général, lui inspirera quelques-uns de ses plus beaux poèmes réunis sous le titre de Cien sonetos de amor (la Centaine d’amour, 1959).
Dans Extravagario (Vaguedivague, 1958), qui s’achève par un testament, et dans Memorial de Isla Negra (le Mémorial de l’île Noire, 1964), le poète explore son passé, médite sur son itinéraire poétique et ses contradictions (« idéalisme et réalisme je vous aime »), sur son attachement au décor de son enfance, au vaste océan face auquel il possède sa résidence de l’île Noire, et réaffirme sa solidarité avec tous les hommes de son continent. Le rêve d'une humanité meilleure et fraternelle, une certaine angoisse devant le silence du monde des choses (« Il n’y a ni jour ni lumière, il n’y a rien / Que le silence... », dit Neruda dans un autre recueil, La espada encendida [l’Epée de flammes], 1971) donnent plus de profondeur à sa méditation.
En octobre 1971, Pablo Neruda, alors ambassadeur de son pays en France, recevait le prix Nobel de littérature, vingt-six ans après sa compatriote Gabriela Mistral. Couronnement d'demi-siècle de très féconde création poétique, ce prix allait donner au poète, par-delà les frontières de l’Amérique latine, une audience à la mesure de son chant aux éléments, à la Terre, aux hommes, à l'amour, une dimension universelle. Pablo Neruda devait mourir peu après le coup d’État militaire exécuté contre le régime de S. Allende
© Larousse 2005

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Plan de l'article
1

Présentation

Neruda, Pablo (1904-1973), poète chilien, auteur du Chant général.
2

Un symbole littéraire de l’Amérique latine

Né à Parral, Ricardo Neftalí Reyes y Basoalto, dit Pablo Neruda, est fils de cheminot. Influencé par le modernisme, il commence à écrire des vers à l’adolescence, tout en poursuivant des études pour devenir professeur de français. Son premier recueil, Crépusculaire (1923) est édité à compte d’auteur. En 1924, à vingt ans, il publie ses Vingt Poèmes d’amour et une chanson désespérée, qui célèbre le mystère de la femme, associée à la terre féconde et nourricière (1969). Cette œuvre connaît un immense succès que les années ne démentiront pas, faisant de lui l’un des plus célèbres poètes d’Amérique latine.
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Voyages et engagement

De 1927 à 1944, il est en poste diplomatique en Asie, en Amérique latine et en Espagne. Il publie notamment Résidence sur la terre (1933 et 1935), des vers où s'accumulent les images désespérées d'un monde détruit par la civilisation moderne. L'adhésion à des idées révolutionnaires lui redonne bientôt l'espoir en un monde meilleur et il s'engage désormais dans les grands événements de son temps, faisant de sa poésie une des armes de son combat pour une humanité plus fraternelle. Son soutien aux républicains pendant la guerre d’Espagne s’exprimera dans l’Espagne au cœur (1938). Il joue un rôle important au sein du Parti communiste chilien, formation d’opposition, et devient sénateur en 1945. Mais il est contraint à l’exil jusqu’en 1950 par le régime dictatorial en place, en raison précisément de son adhésion au Parti communiste. Chant général (publié au Mexique la même année), œuvre épique, est un vaste tableau de l’Amérique latine depuis les civilisations précolombiennes. La richesse du monde culturel et naturel de cette partie du monde y est opposée à la situation politique et sociale, caractérisée par l’exploitation de l’homme et la misère morale.
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Une œuvre toujours généreuse

En 1970, Neruda est nommé candidat de son parti à l’élection présidentielle et, de 1970 à 1972, il occupe le poste d’ambassadeur du Chili en France. En 1967 est créée sa pièce Splendeur et mort de Joaquin Murieta. Il continue d’écrire : les Mains du jour (1968) où il s’interroge, dans une perspective marxiste, sur la valeur de l’œuvre immatérielle que ses mains ont créée (Encore, 1969), sur la nature chilienne… En 1971, il reçoit le prix Nobel de littérature et le prix Lénine pour la paix. Ses mémoires, intitulés J’avoue que j’ai vécu, paraissent à titre posthume en 1974.


Très imaginatif, Neruda a cheminé d’une poésie symboliste à une poésie surréaliste, et enfin réaliste, renonçant aux structures conventionnelles de la poésie pour adopter une forme d’expression plus simple, toujours habitée par ses convictions généreuses et son souci de l’avenir de l’humanité (Fin de monde, 1969), et son lyrisme où amour charnel et nature se mêlent intimement (l’Épée de flammes, 1970). Son influence sur la poésie de langue espagnole a été considérable.

LA FORÊT CHILIENNE


Photos Copyright de Gerhard Hüdepohl 1999-2007

...Sous les volcans, auprès des glaciers, entre les grands lacs, le parfum, le silence, l'enchevêtrement de la forêt chilienne... Les pieds s'enfoncent dans le feuillage mort, une branche fragile a crépité, les raulis géants dressent leur stature hérissée, un oiseau de la sylve froide passe, bat des ailes, s'arrête dans les branchages noirs. Et puis, de sa cachette, sa voix s'élève comme un hautbois... Mon nez reçoit et transmet à mon âme l'odeur sauvage du laurier, l'essence indéfinissable du boldo ...Le cyprès des Guaïtecas me barre le chemin... C'est un monde vertical : une nation d'oiseaux, une foule de feuilles... Je trébuche sur une pierre, je gratte la cavité découverte, une énorme araignée aux cheveux rouges me regarde de ses yeux fixes, immobile, grosse comme une écrevisse... Un carabe doré me crache son effluve méphitique tandis que disparaît comme un éclair son radieux arc-en-ciel... Poursuivant, je traverse un bois de fougères beaucoup plus grand que moi : celles-ci laissent choir de leurs yeux verts et froids soixante larmes sur mon visage et font frémir longtemps encore derrière moi leurs éventails... Un tronc pourri : ô quel trésor !... Des champignons noirs et bleus lui ont donné des oreilles, de rouges plantes parasites l'ont couvert de rubis, d'autres plantes paresseuses lui ont prêté leurs barbes et, rapide, un serpent jaillit de ses entrailles putréfiées, telle une émanation, comme si s'échappait l'âme de ce tronc mort... Plus loin, chaque arbre s'est séparé de ses semblables... Ils se dressent sur le tapis de la forêt secrète, et chaque feuillage, linéaire, frisé, branchu, lancéolé, a un style différent, comme coupé par des ciseaux aux mouvements infinis... Une ravine ; sous l'eau transparente elle glisse sur le jaspe et granit... Un papillon pur comme un citron vole en dansant entre l'eau et la lumière... A mon côté, des myriades de calcéolaires me saluent de leurs petites têtes jaunes... Là-haut, gouttes artérielles de la forêt magique, ondulent les copihues rouges (Lapageria rosea)... Le copihue rouge est la fleur du sang, le copihue blanc est la fleur de la neige. Dans un frisson de feuilles la vélocité du renard a traversé le silence, mais le silence est la loi de ces feuillages... A peine le cri lointain d'un vague animal... L'intersection pénétrante d'un oiseau caché... L'univers végétal susurre à peine jusqu'au moment où une tempête déclenche toute la musique terrestre.

Qui ne connaît pas la forêt chilienne ne connaît pas cette planète.
C'est de ces terres, de cette boue, de ce silence que je suis parti cheminer et chanter à travers le monde.


J'avoue que j'ai vécu (Mémoires).
Traduit de l'espagnol par Claude Couffon

Dactylographie Odaliz Cruz