Citation de Pablo Neruda

samedi 4 avril 2009

MORT D'UN ANTI NÉRUDISTE PROFESSIONNEL




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RICARDO PASEYRO
Ricardo Paseyro, poète et écrivain franco-uruguayen, est mort le 5 février 2009 à Paris. Né en 1925 à Mercedes, en Uruguay, Paseyro fut Consul dans les villes Françaises du Havre et de Rouen entre 1960 et 1973, et il a été démis de ses fonctions suite au coup d'État de Juan María Bordaberry. Il obtient alors la nationalité française. Il fut rédacteur de la revue Contrepoint (1970-1976), publication trimestrielle de circulation confidentielle, propriété de Patrick Devedjian, actuel Ministre et président du Conseil Général des Hauts-de-Seine. Paseyro fut également collaborateur du journal Minute et de Radio Courtoisie, jusqu’à une date récente.

Paseyro adhère dans sa jeunesse au Parti communiste de l'Uruguay. Il participe, avec la délégation uruguayenne, au "Congrès mondial des partisans de la Paix" qui a eu lieu à Paris en 1949. Durant ce congrès il rencontra Pablo Neruda dont il fut le factotum durant une période.


Après son appartenance fugace à la gauche et sa proximité avec Neruda lors du Congrès de 1949 à Paris, Paseyro est passé de l'autre extrême de l’échiquier politique, et devient un actif anticommuniste, polémiste infatigable lié aux groupes les plus radicaux de la droite de l'Espagne et de la France.


En 1951 il se marie avec Anne-Marie Supervielle, fille cadette du poète français Jules Supervielle, et il s’installe alors à Paris, bien que son activité littéraire est liée surtout à l’Espagne, où il voyage souvent.


Paseyro a publié en Espagne un court opuscule "La parole morte de Pablo Neruda" (H.E. Munuesa Madrid, 1958), véritable pamphlet où il effectue une attaque politique et "littéraire" de l'oeuvre et du personnage Neruda. 
À cette époque, Pablo Neruda jouissait déjà d’un grand prestige international pour son œuvre poétique et ses prises de position humanistes et pacifistes. Ce pamphlet sera plus tard traduit en français et publié à deux reprises, en 1965 et 1972, sous le titre Le mythe Neruda (L'Herne, 1965, 57 pp.).
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EDITIONS DE L'HERNE, 1965 PARIS,
COLL. LES LIVRES NOIRS, 57 PP. 
La campagne personnelle de Paseyro contre Neruda s'est prolongée longtemps et parmi ses motivations apparentes, il semble y avoir un curieux et complexe mélange d'adversité politique et de rancune personnelle. Parodiant Jorge Luis Borges -qui définissait García Lorca comme "Andalou professionnel"-, on peut dire que Ricardo Paseyro a été un "anti Nérudiste professionnel".


Pendant les années 60 du siècle dernier, Paseyro a animé une campagne de presse pour tenter d'empêcher l’octroi du Prix Nobel de littérature à Neruda. Cela a impliqué des articles de presse virulents dans des journaux comme Le Figaro, ou des interventions à la radio, critiquant la mauvaise poésie et l'engagement politique de Neruda.

[…] Neruda et le nérudisme sont la négation de la poésie. La parole est la patrie première de l’homme, la patrie par excellence du poète. Le nérudisme est un expatriation, un phénomène aigu de la corruption des mots. […]
On sait déjà comment Neruda s’est servi des mots que sa langue lui avait prêtés. Il ne les respecte pas, il les corrompt.
Sa parole morte n’est qu’une jonchée des feuilles sèches.
[…]

Neruda rend compte de ces attaques dans ses mémoires J’avoue que j'ai vécu (Barcelone, Seix Barral, 1974), dans le chapitre «Ennemis littéraires», où il en reconnaît deux principaux. Le premier est un Chilien qu'il nomme “Perico de los palotes”, expression qui désigne en espagnol une personne indéterminée, un sujet quelconque. Il s'agit du poète Pablo de Rokha, qui eut un long conflit avec Neruda. 
Le deuxième ennemi est délibérément décrit comme "un Uruguayen équivoque au nom galicien, quelque chose comme Ribeyro" sans nommer Paseyro. Ce n'est pas là la seule référence que Neruda fait de l’Uruguayen dans son oeuvre. Dans La Centaine d'amour (Santiago, Ed. Universitaire, 1959), œuvre dédiée à Matilde Urrutia, il fait allusion au personnage dans le premier tercet du sonnet:

XCVI
Ce temps où tu m'aimas, je le sais, s’en ira
Ils s’en iront les dieux cruels et leurs lunettes,
Les carnassiers poilus accompagnés d’un livre
Les pucerons avec les pipipasseyros



Pablo Neruda, La Centaine d’amour
Traduction de Jean Marcenac et André Bonhomme, édition bilingue
Poésie Gallimard, Paris, 1995

L'oeuvre de Ricardo Paseyro a été écrite en espagnol et traduite en Français. Il travailla aussi comme traducteur à l'espagnol, et reçut le prix "Prix du Rayonnement du Langue Française" en 1990. Le "Prix du Rayonnement" est l'un des dix-neuf prix annuels de littérature remis par l'Académie française. Ce prix a été créé en 1960 et il récompense la diffusion d'oeuvres écrites en français traduites en d'autres langues.

Ses livres de poésie : Prière pour les choses, 1950; Poème pour un bestiaire égyptien, 1951; Le côté du feu, de 1956; Musique pour des hiboux, 1959; Dans la haute mer de l'air et l'amour Mortel de la bataille, de 1965; L'âme divisée, 1981; Pour affronter l'ange, 1993; Échec, 1998; La mer et les Nuages, 1999 ont été réunis dans Poésies complètes (1950-1999), Biblioteca Nueva, Madrid 2000.

Les essais, les pamphlets, les oeuvres de critique ainsi qu’une biographie de son beau-père Jules Supervielle ont été traduits et publiés en français.
M. C.




Ñ


3 commentaires:

lea a dit…

Bravo à Ricardo Paseyro!
Pablo Neruda est la honte de la poésie sud américaine. Le courage de Paseyro face à Neruda est une merveille. Ceci dit, il n'est besoin que de très peu de professionalisme pour être "anti nerudiste". La lecture de sa poésie seule suffit. C'est pourquoi je crois que titrer un article sur la mort d'un aussi grand homme que Ricardo Paseyro, (tant dans ses écrits que dans sa vie politique), "mort d'un anti nérudiste professionnel",est très réducteur. Paseyro n'était vraiment pas que celà. Il suffit de lire le "pipipasseyro" de Neruda pour s'en rendre compte : même Neruda n'est pas capable de trouver un mot qui existe pour attaquer Paseyro!
Toutefois, bel article, et bravo : Ricardo Paseyro a eu le courage de fustiger Neruda alors qu'il était très en vogue, et il faut également du courage pour le reciter dans un site consacré à Neruda!

Gnou L. a dit…

Je ne crois vraiment pas que Neruda soit la honte de la poésie sud américaine.Il est un très grand poète avec les défauts de ceux qui écrivent beaucoup, ce qui donne une oeuvre inégale. Beaucoup d'écrivains, en dédiant des poèmes à Staline ou à Mao, ont fait la même erreur historique que Neruda: Aragon, Guillevic, Sartre etc.

Ceci dit, peu importe les convictions poétiques de l'un ou de l'autre, je trouve que Paseyro est un poète qui vaut aussi le détour.

Jean Enflag a dit…

paseyro pigeait pour la CIA.