Citation de Pablo Neruda

dimanche 31 janvier 2010

LE POÈTE PABLO NERUDA AU CERCLE DE LECTURE

Un début de causerie sous le charme : « Né à Parral, il vécut jusqu'à l'âge de 17 ans à Temuco, dans le sud du Chili. Il fut donc un enfant du froid et du vent, de la pluie éternelle, du grand sud austral, dont les sens ont été éveillés à la vie par une nature exubérante et odorante, renaissant, comme le Phénix, de sa perpétuelle décomposition. » Lorsqu'il fait parler l'écrivain, le glissement s'opère douceur : « Qui ne connaît pas la forêt chilienne ne connaît pas la planète : C'est de ces terres, de cette boue, de ce silence que je suis parti cheminer et chanter à travers le monde. » Quid du maître et de l'élève !Le décor est planté, le bain poétique assuré à travers les propos de l'orateur et les extraits.

L'auditoire scotché allait suivre avec passion la carrière de cet écrivain, doublé d'un politique, un court moment ambassadeur en France.

samedi 30 janvier 2010

Exposition « Allende-Neruda – Inoubliables»

Exposition "Allende – Neruda - Inoubliables’’ : chapeau pour la Une du 29 janvier au 19 février à l'Aubette


Des peintures, des photographies, des objets de collection et des poèmes illustrent la vie et l’œuvre de Pablo Neruda, Prix Nobel de littérature, poète, écrivain, diplomate et homme politique.
En cette année du bicentenaire de l’indépendance du Chili (1810-2010), l’exposition rend hommage à Pablo Neruda, Prix Nobel de littérature, poète, écrivain, diplomate et homme politique.
L’exposition rassemble des œuvres inspirées par la vie et l’œuvre du poète chilien, des peintures, des photographies, des ouvrages, mais aussi des objets de collection ayant appartenu à Pablo Neruda. On peut y admirer quelques peintures de grands artistes tels David Alfaro Siqueiros, José Balmes, Oswaldo Guayasamin et Roberto Matta.
Rythmée par des poèmes de Pablo Neruda et des textes de Salvador et Isabel Allende, cette exposition propose un parcours en quatre parties. Plusieurs peintures évoquent une de ses œuvres majeures, Les hauteurs du Machu Picchu. L’Espagne au cœur retrace son engagement auprès des Républicains espagnols. Sa collection de bouteilles bleues, de cloches et de figures de proue nous révèle un Neruda plus intime. Enfin, des œuvres d’artistes de diverses nationalités illustrent celui qui fut aussi un grand poète de l’amour.
Pablo Neruda a partagé avec Salvador Allende des rêves de justice et de liberté. Il a plusieurs fois soutenu la candidature de celui qui deviendra président de la République du Chili en 1971. Morts tous les deux en septembre 1973, ces ‘’Inoubliables’’ ont profondément marqué l’histoire et la pensée du Chili.
du 29 janvier au 19 février
salle de l'Aubette - place Kléber
du lundi au samedi de 10 heures à 20 heures
en partenariat avec le Consul du Chili à Strasbourg et sous le parrainage du ministère des Affaires étrangères du Chili, l’ambassade du Chili en France, l’association sexto-sol Chili et l’association Allende 93.

Le Chant général


Le jour même de la mort de son père, le 7 mai 1938, Pablo Neruda (1904-1973) commence la rédaction du Chant général du Chili, qu'il intitulera plus tard, en raison de sa dimension continentale, Chant général. La mort de ses parents semble détacher à jamais Neruda du Chili de son enfance, de ce Temuco de la forêt, de la pluie et des chemins de fer que conduisait son père. C'est un nouveau processus créatif, puissant et profond, qui se met en marche et qui engendrera ce qu'on considère aujourd'hui comme l'œuvre majeure du poète chilien.

Avec Résidence sur la terre (1933-1935), Neruda avait fait la double expérience de l'éloignement géographique - il est alors amené à occuper un poste diplomatique en Asie du Sud-Est - et de la plongée dans son propre enfer personnel, après avoir publié en 1924 Vingt Poèmes d'amour et une chanson désespérée, qui lui confèrent une renommée qui ne se démentira plus. En 1935, en poste en Espagne, il renforce ses liens avec une pléiade de poètes dont certains seront évoqués avec émotion dans le Chant général : Alberti, García Lorca, Aleixandre, Miguel Hernández. La guerre d'Espagne sera pour lui l'épreuve de la solidarité, qui se cristallise dans Espagne au cœur (1937), publié l'année suivante en français avec une préface d'Aragon. C'est une tout autre image de l'Espagne que véhiculera le Chant général : celle d'une puissance colonisatrice, rapace et impitoyable.

De 1940 à 1945 Neruda est en poste au Mexique ; en 1942, il publie les premiers extraits du Chant général ; en 1943, il fait un voyage au Pérou, où il visite les ruines de Macchu Picchu. Cette visite est à l'origine de « Hauteurs de Macchu Picchu », une des séquences les plus inspirées du Chant général. À la suite de graves divergences politiques avec le nouveau président du Chili, Gabriel González Videla, Neruda entre dans la clandestinité. Il met à profit cette période difficile pour progresser dans la rédaction de son recueil. En février 1949, il réussit à sortir du Chili en traversant la partie australe de la Cordillère des Andes. Il se rend en Union soviétique - il a adhéré au Parti communiste chilien en 1945 - et c'est au Mexique que, en 1950, sera publié le Chant général. Parallèlement, deux éditions clandestines de l'œuvre vont circuler au Chili. La même année, le livre est publié en Chine, aux États-Unis, en Inde, en Syrie, en Roumanie, en Pologne, en Suède et en Union soviétique, dans une édition tirée à 250 000 exemplaires. Neruda ne rentrera au Chili qu'en août 1952.

1. Une poésie engagée


Œuvre monumentale, le Chant général s'élabore sur une période d'environ douze années, avec des phases d'accélération et de ralentissement. Bien entendu, l'engagement politique du poète se fait sentir dans cette fresque où sont condamnés avec vigueur « les avocats du dollar », l'implantation sanglante des grandes compagnies minières et fruitières nord-américaines, la diplomatie du « gros bâton », l'appui aux dictateurs locaux. Mais, plus qu'une vision simpliste de l'histoire qui suivrait les aléas de la guerre froide, le Chant général est avant tout une chaleureuse et vibrante remontée aux sources de l'homme et des paysages américains (Chants I et II), de l'histoire passée et présente du continent (Chants III, IV et V). À partir du Chant VI, la figure du poète prend un relief particulier. Son retour au Chili en 1939 est évoqué (Chant VII), puis sa volonté de chanter le sacrifice des humbles (Chant VIII), son hostilité à la politique des États-Unis (Chant IX), ses aventures dans la clandestinité (Chant X), sa solidarité avec les déshérités (Chant XI), le salut qu'il adresse à ses frères en poésie (Chant XII), son dialogue avec une patrie à la fois généreuse et hostile (Chant XIII), sa fascination devant l'océan Pacifique (Chant XIV) et, enfin, les aléas de sa vie personnelle (Chant XV : « Je suis »), anticipation de sa future autobiographie.

2. Neruda, chantre et conteur


Dès le premier poème, Pablo Neruda affirmait : « Je suis ici pour raconter l'histoire. » Dans le Chant général, il est à la fois témoin et acteur, chantre et conteur. L'épique et le lyrique, le sarcasme et l'émotion, l'histoire et le mythe se mêlent. Les métaphores s'enchaînent en une ronde éblouissante ; la diction poétique brasse diatribe, mélopée, déploration, dithyrambes, pastiches. La chronique s'ouvre sur l'hymne :« Je ne prononce pas ton nom en vain, ô Amérique: Nuit et jour je vois les martyres,/ jour et nuit je vois l'enchaîné,/ le blond, le noir, l'indien/ écrire avec leurs mains battues et lumineuses/ sur les murs sans fin de la nuit. »


Claude FELL, docteur ès lettres, professeur à l'université de Paris-III - Sorbonne nouvelle dans Encyclopædia Universalis

vendredi 22 janvier 2010

DE VALPARAISO À VICUÑA, SUR LES PAS DE PABLO NERUDA ET DE GABRIELA MISTRAL


FILM ADHEMAR ORELLANA RIOJA

L'extraordinaire situation de "La Sebastiana", la demeure où Pablo Neruda (1904-1973) s'installa dans les années 1960, laisse penser que quiconque vivant ici quelque temps pourrait être saisi d'une inspiration comparable à celle du poète. Las, la maison n'est pas à louer et il est même interdit de s'allonger sur le lit ou de s'asseoir devant le bureau.

Faute de mieux, La Sebastiana peut tout de même se visiter, puisqu'elle est devenue un musée. On peut la parcourir, avec dévotion, amusement ou curiosité. S'extasier devant le bar, si petit que l'on se demande comment ce ventripotent poète pouvait passer derrière, tant le passage est étroit. Toujours est-il que c'est là qu'il préparait le coqueleton, un cocktail de son invention composé de parts égales de cognac et de champagne, et de quelques gouttes de Cointreau et de jus d'orange.

En attendant de confectionner soi-même ce breuvage, force est de méditer devant la vieille enseigne qui trône au-dessus du bar. "Au coeur couronné percé d'une flèche", est-il inscrit. Où Neruda a-t-il bien pu trouver cet objet qui porte le nom de l'auberge parisienne devant laquelle le bon roi Henri IV fut poignardé par le dénommé Ravaillac ? La maison regorge d'objets aussi étranges qu'hétéroclites, autant de souvenirs rapportés de tous les bouts du monde.

"Port fou", "toujours surpris par la vie", "extravagant", Valparaiso est aussi, sous la plume de Neruda, la "fiancée de l'océan", "lumineuse et nue, feu et brouillard", "reine de toutes les côtes du monde". Erigée sur une quarantaine de collines dessinant un immense amphithéâtre face à l'océan, la ville peut conduire le promeneur au diable vauvert s'il n'y prend garde, ce qui serait dommage : "Ces collines portent des noms profonds. Voyager parmi ces noms est un voyage sans fin, parce que le voyage, à Valparaiso, ne prend fin ni sur la terre ni dans les mots", assure celui qui reçut le prix Nobel de littérature en 1971.

Heureusement, les fameux funiculaires de Valparaiso, appelés "ascensores", fonctionnent à merveille. Celui de La Concepción grimpe du bas de la ville à la place Gervasoni. A l'entrée, grilles et tourniquet métalliques d'un autre âge. Une cabine sommaire, pour sept personnes, un petit banc de bois, et on comprend vite le pourquoi du terme ascenseur. "Vous venez de gravir 44,5 mètres en 34 secondes environ, détaille Juan Riquelme, le machiniste. Des problèmes ? Il n'y en a jamais, sauf quand il y a des pannes d'électricité. Les pompiers viennent récupérer les passagers et ça repart comme en 1883", s'amuse-t-il.

A l'origine, en 1883 donc, ce funiculaire fonctionnait grâce à un système de contrepoids. Dans le réduit où Juan Riquelme dirige les manoeuvres, rien ne semble avoir changé : la vitesse se règle avec une étrange manivelle, l'arrêt est assuré grâce à un énorme frein métallique, la porte de la cabine s'ouvre par l'étonnante action d'un imposant levier. "Aujourd'hui, nous sommes une quarantaine à assurer le fonctionnement des quinze ascenseurs de la ville, explique le machiniste, mais nous étions soixante-huit il y a encore trois ou quatre ans."

Loin des folies de Valparaiso, à 500 kilomètres environ vers le nord, et loin des fumées toxiques du rallye Dakar - qui a sévi dans les parages -, se trouve la ville natale de l'autre Chilienne à avoir été honorée par le prix Nobel, en 1945. Gabriela Mistral (1889-1957) est née à Vicuña, une bourgade de 20 000 habitants, située dans la vallée d'Elqui aux magnifiques paysages et dont les collines sont hérissées d'innombrables copaos, des cactus parfois immenses, propres à cette région. "La vallée d'Elqui, ceinte de cent montagnes ou peut-être plus qui, comme des offrandes ou des tributs, s'embrasent en rouge et safran", chantait la poétesse.

Vicuña, également connue pour ses vignes et la production de pisco - boisson apéritive -, abrite un musée consacré à Gabriela. Malgré son nom, qu'elle emprunta à Frédéric Mistral, auquel elle vouait une grande admiration, Gabriela ne jouit pas d'une grande reconnaissance en France : peu de ses poèmes ont été traduits et les rares recueils édités sont épuisés depuis longtemps. Elle est pourtant vénérée au Chili. "Te voici, Gabriela, fille aimée de ces plantes, de ces pierres, de ce vent gigantesque. Nous t'accueillons avec bonheur. Personne n'oubliera tes chants aux épines, aux neiges du Chili. Tu es chilienne. Tu es du peuple. Personne n'oubliera tes strophes aux pieds nus de nos enfants...", écrivait Pablo Neruda.

Bien qu'aucune constellation ne porte le nom de Mistral, un détour par l'observatoire astronomique de Mamalluca, à moins de dix kilomètres de Vicuña, s'impose. Une fois la nuit noire venue - elle est particulièrement intense dans cette région où ont pris place plusieurs observatoires professionnels - on pourra contempler à loisir l'étoile du Sud, puis on ira de surprises en ébahissements grâce aux guides qui font visiter le firmament. "Vous allez pouvoir surprendre Vénus toute nue, avertit l'un d'eux avant d'ajouter, feignant une grande désolation : quel manque de chance, on n'en voit que la moitié aujourd'hui, une autre planète jalouse lui fait de l'ombre."


Jean-Louis Aragon

lundi 18 janvier 2010

PABLO NERUDA, HOMME VÉRITABLE ET VRAI POÈTE

La voix de Pablo Neruda, prix Nobel de littérature est surtout connue par quelques titres de son ample œuvre poétique: Vingt poèmes d’amour et une chanson désespérée, les Odes les Résidences, et bien sûr Le Chant Général. Cet ouvrage, publié en 1950 et immédiatement traduit, eut un succès mondial fulgurant sauf en Espagne franquiste où Neruda était interdit et ne fut publié qu’en 1976. C’est un poème épique au souffle puissant, unique dans la langue castillane de notre temps. C’est la première œuvre contemporaine qui tente d’embrasser toute l’histoire du sous-continent américain fondant dans un même sentiment le monde préhispanique et celui postérieur à la colonisation.

Pablo Neruda est de son époque, jeune poète puis diplomate recherchant la vérité, la justice. Il est la joie de vivre même dans la lutte pour ses idéaux. Il lui faudra être un fugitif qui malgré tout ne se sent pas « seul dans la nuit ». Il chante le travail, la faim, la grève, la solidarité entre les hommes qui vivent de leurs mains. L’omniprésence de l’océan et l’amour de sa patrie.

Ce livre est «né de la colère comme une braise». Le Chant Général est l’œuvre d’un grand poète plongé dans un temps sombre. Pour le peuple trahi, il est la voix de tous contre la peur et le silence. Pablo Neruda n’a jamais fui l’engagement, il n’est pas neutre. Déjà, lors de la guerre civile espagnole, il affréta un cargo le « Winnipeg » pour sauver les républicains en détresse.

En exil son souffle puissant a une couleur brillante et singulière. Grâce à cela son œuvre continuera à être la meilleure « espérance pour ceux qui attendent». A la fin des années soixante, candidat du parti communiste populaire, il s’effacera devant son ami Salvador Allende qui sera élu président.

J’avoue que j’ai vécu, autobiographie posthume publiée en1973, est très utile pour vivre cette aventure du 20e siècle et goûter le plaisir de lire Pablo Neruda.


Cinémovida 2010
Conférence sur Pablo Neruda
Rendez-vous à ne pas manquer.
Pablo Neruda, homme véritable et vrai poète
Salle Paul Eluard, mardi 26 janvier à 20h30.