Citation de Pablo Neruda

mardi 31 mai 2011

PABLO NERUDA AURAIT-IL ÉTÉ ASSASSINÉ ?

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 le poète Pablo Neruda DANS SA MAISON « MICHOACAN»
Manuel Araya, qui était au chevet du poète quelques heures avant sa mort, assure que celui-ci fut éliminé alors qu'il se trouvait hospitalisé. Cette version a été démentie par la Fondation Neruda, qui a rappelé que l'écrivain est décédé le 23 septembre 1973, à la suite de complications d'un cancer de la prostate.

lundi 30 mai 2011

CHANT GÉNÉRAL - PABLO NERUDA (1950)

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Canto general / Pablo Neruda. México, Editorial América, 1950, 447 p.
par Claude FELL

Le jour même de la mort de son père, le 7 mai 1938, Pablo Neruda (1904-1973) commence la rédaction du Chant général du Chili, qu'il intitulera plus tard, en raison de sa dimension continentale, Chant général.

CHANT GÉNÉRAL - PABLO NERUDA (1950)
La mort de ses parents semble détacher à jamais Neruda du Chili de son enfance, de ce Temuco de la forêt, de la pluie et des chemins de fer que conduisait son père. C'est un nouveau processus créatif, puissant et profond, qui se met en marche et qui engendrera ce qu'on considère aujourd'hui comme l'œuvre majeure du poète chilien.


Pablo Neruda


Le poète chilien Pablo Neruda (1904-1973). Il est nommé ambassadeur du Chili à Paris en 1970, et reçoit le prix Nobel de littérature en 1971.

Avec Résidence sur la terre (1933-1935), Neruda avait fait la double expérience de l'éloignement géographique - il est alors amené à occuper un poste diplomatique en Asie du Sud-Est - et de la plongée dans son propre enfer personnel, après avoir publié en 1924 Vingt Poèmes d'amour et une chanson désespérée, qui lui confèrent une renommée qui ne se démentira plus. En 1935, en poste en Espagne, il renforce ses liens avec une pléiade de poètes dont certains seront évoqués avec émotion dans le Chant général: Alberti, García Lorca, Aleixandre, Miguel Hernández. La guerre d'Espagne sera pour lui l'épreuve de la solidarité, qui se cristallise dans Espagne au cœur (1937), publié l'année suivante en français avec une préface d'Aragon. C'est une tout autre image de l'Espagne que véhiculera le Chant général: celle d'une puissance colonisatrice, rapace et impitoyable.


De 1940 à 1945 Neruda est en poste au Mexique; en 1942, il publie les premiers extraits du Chant général; en 1943, il fait un voyage au Pérou, où il visite les ruines de Macchu Picchu. Cette visite est à l'origine de «Hauteurs de Macchu Picchu», une des séquences les plus inspirées du Chant général. À la suite de graves divergences politiques avec le nouveau président du Chili, Gabriel González Videla, Neruda entre dans la clandestinité. Il met à profit cette période difficile pour progresser dans la rédaction de son recueil. En février 1949, il réussit à sortir du Chili en traversant la partie australe de la Cordillère des Andes. Il se rend en Union soviétique - il a adhéré au Parti communiste chilien en 1945 - et c'est au Mexique que, en 1950, sera publié le Chant général. Parallèlement, deux éditions clandestines de l'œuvre vont circuler au Chili. La même année, le livre est publié en Chine, aux États-Unis, en Inde, en Syrie, en Roumanie, en Pologne, en Suède et en Union soviétique, dans une édition tirée à 250 000 exemplaires. Neruda ne rentrera au Chili qu'en août 1952.


1. Une poésie engagée


Œuvre monumentale, le Chant général s'élabore sur une période d'environ douze années, avec des phases d'accélération et de ralentissement. Bien entendu, l'engagement politique du poète se fait sentir dans cette fresque où sont condamnés avec vigueur «les avocats du dollar», l'implantation sanglante des grandes compagnies minières et fruitières nord-américaines, la diplomatie du «gros bâton», l'appui aux dictateurs locaux. Mais, plus qu'une vision simpliste de l'histoire qui suivrait les aléas de la guerre froide, le Chant général est avant tout une chaleureuse et vibrante remontée aux sources de l'homme et des paysages américains (Chants I et II), de l'histoire passée et présente du continent (Chants III, IV et V). À partir du Chant VI, la figure du poète prend un relief particulier. Son retour au Chili en 1939 est évoqué (Chant VII), puis sa volonté de chanter le sacrifice des humbles (Chant VIII), son hostilité à la politique des États-Unis (Chant IX), ses aventures dans la clandestinité (Chant X), sa solidarité avec les déshérités (Chant XI), le salut qu'il adresse à ses frères en poésie (Chant XII), son dialogue avec une patrie à la fois généreuse et hostile (Chant XIII), sa fascination devant l'océan Pacifique (Chant XIV) et, enfin, les aléas de sa vie personnelle (Chant XV: «Je suis»), anticipation de sa future autobiographie.


2. Neruda, chantre et conteur


Dès le premier poème, Pablo Neruda affirmait: «Je suis ici pour raconter l'histoire.» Dans le Chant général, il est à la fois témoin et acteur, chantre et conteur. L'épique et le lyrique, le sarcasme et l'émotion, l'histoire et le mythe se mêlent. Les métaphores s'enchaînent en une ronde éblouissante; la diction poétique brasse diatribe, mélopée, déploration, dithyrambes, pastiches. La chronique s'ouvre sur l'hymne:« Je ne prononce pas ton nom en vain, ô Amérique: Nuit et jour je vois les martyres,/ jour et nuit je vois l'enchaîné,/ le blond, le noir, l'indien/ écrire avec leurs mains battues et lumineuses/ sur les murs sans fin de la nuit.»


Claude FELL docteur ès lettres, professeur à l'université de Paris-III  Sorbonne nouvelle


Suggestions de lecture

- Cent Ans de solitude - Gabriel García Márquez (1967) ,- Le Quatrième Siècle - Édouard Glissant (1964) ,- Martín Fierro - José Hernández (1872-1879) ,- Poète à New York - Federico García Lorca (1929-1930)
Claude FELL
P. NERUDA, Chant général, trad. C. Couffon, coll. Poésie, Gallimard, Paris, 1984.
Études
E. RODRÍGUEZ MONEGAL, Neruda, le voyageur immobile, trad. B. Lelong, Gallimard, Paris, 1973
V. TEITELBOIM, Neruda, trad. A. Marcoux, L'Harmattan, Paris, 1995.
© Encyclopædia Universalis 2004








mardi 17 mai 2011

Pablo Neruda: la thèse d'un assassinat

Le Chili de l'automne 73


SCÈNES DE RUE EN 1973 DANS LE CHILI DE LA JUNTE : AUTODAFÉ DE LIVRES "SUBVERSIFS" ET ENTERREMENT DE PABLO NERUDA (LE 23.09.1973) SOUS LE REGARD "VIGILANT" DES MILITAIRES...


Selon la version connue à ce jour, Neruda est décédé le 23 septembre 1973 à 69 ans des complications d'un cancer de la prostate, aggravé par une détresse émotionnelle: sa mort est survenue deux semaines après le coup d'Etat de Pinochet, qui renversa Salvador Allende, ami de l'écrivain-diplomate.

Mais l'ancien secrétaire, assistant personnel et chauffeur de Neruda, Manuel Araya, a assuré ces derniers jours dans des entretiens à la revue mexicaine Proceso, puis au Chili, que Neruda a été assassiné pour éviter qu'il ne devienne depuis l'exil un opposant influent du nouveau régime militaire.

« Pinochet était l'assassin, il a fait tuer Neruda pour qu'il ne s'en aille pas du pays, parce qu'il était un intellectuel qu'il (Pinochet) ne souhaitait pas avoir comme opposant », a affirmé Araya, 65 ans, à l'AFP.
Araya, qui a été au chevet du poète jusque quelques heures avant sa mort, assure que Neruda avait été hospitalisé dans la clinique Santa Maria à Santiago «non pour une aggravation de son état de santé, mais pour sa sécurité», car il était « inquiet et tendu», et pensait que le nouveau régime pensait l'éliminer.

Mais selon Araya, Neruda lui avait confié avoir été alarmé par une piqûre administrée en pleine nuit par un médecin de la clinique.

Un avion et un laissez-passer l'attendaient pour le Mexique le 24 septembre, affirme Araya, mais Neruda est décédé la nuit précédente.

La Fondation Pablo Neruda, qui gère l'œuvre et les intérêts de l'écrivain, a réfuté mercredi [12/05/2011] la thèse de l'assassinat. « Aucune indice, aucune preuve de quelque nature que ce soit ne suggère que Pablo Neruda est mort d'une cause autre que le cancer à un stade avancé dont il souffrait ».

« Il ne semble pas raisonnable d'échafauder une nouvelle version de sa mort sur la seule base de l'opinion de son chauffeur, M. Manuel Araya, s'exprimant sans autre élément que son avis personnel », a ajouté la Fondation dans un communiqué.