Citation de Pablo Neruda

dimanche 19 février 2012

LA LLAVE

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COUVERTURE D'UNE MAISON DANS LE SABLE


Pierdo la llave, el sombrero, la cabeza! La llave es la del almacén de Raúl, en Temuco. Estaba afuera, inmensa, perdida, indicando a los indios el Almacén « La Llave ». Cuando me vine al Norte se la pedí a Raúl, se la arranqué, se la robé entre borrasca y ventolera. Me la llevé a caballo hacia Loncoche. Desde allí la llave, como una novia blanca, me acompañó en el tren nocturno. 

Me he dado cuenta de qué cuanto extravío en la casa se lo ha llevado el mar. El mar se cuela de noche por agujeros de cerraduras, por debajo y por encima de puertas y ventanas.

Como de noche, en la oscuridad, el mar es amarillo, yo sospeché sin comprobar su secreta invasión. Encontraba en el paragüero, o en las dulces orejas de María Celeste gotas de mar metálico, átomos de su máscara de oro. Porque el mar es seco de noche. Guardó su dimensión, su poderío, su oleaje, pero se transformó en una gran copa de aire sonoro, en un volumen inasible que se despojó de sus aguas. Por eso entra en mi casa, a saber qué tengo y cuánto tengo. Entra de noche, antes del alba: todo queda en la casa quieto y salobre, los platos, los cuchillos, las cosas .restregadas por su salvaje contacto no perdieron nada, pero se asustaron cuando el mar entró con todos sus ojos de gato amarillo.

Así perdí la llave, el sombrero, la cabeza.

Se los llevó el océano en su vaivén. Una nueva mañana los encuentro. Porque me los devuelve una ola mensajera que deposita cosas perdidas a mi puerta.

Así, por arte de mar la mañana me ha devuelto la llave blanca de mi casa, mi sombrero enarenado, mi cabeza de náufrago.

Una casa en la arena, dans « De Arte de pájaros a El mar y las campanas ». 1966-1973, page 107, Obras completas, tomo III. Galaxia Gutemberg, Barcelona, 2002. 

LA CLEF

PHOTO SARA FACIO

Comme de nuit, dans l'obscurité, la mer est jaune, j'ai soupçonné sans vérifier sa secrète invasion. Je trouvais dans le porte-parapluie, ou dans les douces oreilles de Marie Céleste des gouttes de mer métallique, atomes de son masque d'or. Parce que la mer est sèche de nuit. Elle a gardé sa dimension, son pouvoir, sa houle, mais elle s'est transformé en grande coupe d'air sonore, en un volume insaisissable qui s'est dépouillé de ses eaux. C’est pourquoi elle entre dans ma maison pour savoir ce que j'ai et combien j'ai. Elle entre de nuit, avant l'aube : tout reste dans la maison tranquille et saumâtre, les assiettes, les couteaux, les choses frottées par son contact sauvage n'ont rien perdu, mais elles ont eu peur quand la mer entra avec tous ses yeux de chat jaune.

C’est ainsi que j'ai perdu la clef, le chapeau, la tête.

L'océan les a emportés dans son va-et-vient. Un nouveau matin je les trouve. Parce qu’ils me sont rendus par une vague messagère qui dépose des choses perdues à ma porte.

Ainsi, par art de mer le matin m'a rendu la clef blanche de ma maison, mon chapeau ensablé, ma tête de naufragé.




Una casa en la arena, dans « De Arte de pájaros a El mar y las campanas ». 1966-1973, page 107, Obras completas, tomo III. Galaxia Gutemberg, Barcelona, 2002. Traduction M.C.

vendredi 10 février 2012

UNE MAISON DANS LE SABLE

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PABLO NERUDA À  ISLA NEGRA
PAR SERGIO LARRAIN
Né en 1931 à Santiago du Chili, il fait ses premiers pas dans la photographie en 1949.

Photographe engagé, il consacre très tôt ses travaux au témoignage de la pauvreté et de la misère, comme on le voit dans le projet qu’il a mené auprès des enfants vivant sur les bords du fleuve Mapocho.


PABLO NERUDA À ISLA NEGRA, SUR LA COTE PACIFIQUE CHILIENNE,
PHOTOGRAPHIE PAR SERGIO LARRAIN DANS LES ANNEES 60.


Il jouit très vite d’une renommée internationale : le Musée d’Art Moderne de New York  acquiert certaines de ses photographies. Il part en Angleterre où il réalise en 1959 le projet « London », qui sera publié en 1998 aux éditions Hazan, et qui propulse sa carrière. Grâce à l’aide du français Henri Cartier-Bresson, il entre à l’agence Magnum cette même année et devient membre à part entière en 1961.
PABLO NERUDA À  ISLA NEGRA PAR SERGIO LARRAIN
En 1961, le poète chilien Pablo Neruda l'invite à travailler à sa maison d'Isla Negra, collaboration qui s'étendra sur plusieurs années.

En 1965, ce Valparaíso fabuleux sera publié dans le mensuel zurichois DU, accompagnée d’un texte de son ami Pablo Neruda, ondulant dans le port, «navire échoué mais vivant».

COUVERTURE D'UNE MAISON DANS LE SABLE

En 1966, il publie aux éditions Lumen avec le poète Pablo Neruda l’œuvre Una casa en la arena (Une maison dans le sable) qui consiste en une description poétique et photographique de la maison du poète chilien à Isla Negra et de son environnement. L’océan, les pierres, la végétation, les collections du poète y sont chantés à travers des poèmes illustrés par l’œil perspicace de Sergio Larraín.

VALPARAISO, TEXTES DE PABLO NERUDA, PHOTOGRAPHIES DE SERGIO LARRAIN, ÉDITIONS HAZAN, PARIS, 1991. UNE COUVERTURE MINIMALISTE ET DÉPOUILLÉE REPREND DANS SON GRAPHISME LE THÈME DES COLLINES DE LA VILLE DE VALPARAISO, SES ESCALIERS, ET AUSSI SON FUNICULAIRE TYPIQUE QUI DESSERT DES HAUTEURS PEUPLÉES SUSPENDUES SUR L’OCÉAN. VALPARAISO, « ENFONCÉ VERS LE HAUT », COMME L’A CHANTÉ NICANOR PARRA, AUTRE VOIX MAJEURE DANS UN PAYS DE POÈTES.

Une réédition de Valparaíso ─ouvrage photographique de Larraín avec des textes de Neruda─ est parue aux éditions Hazan en 1991, témoignage d’une longue amitié et de la féconde collaboration entre le photographe et le prix Nobel de littérature.