Citation de Pablo Neruda

dimanche 16 juillet 2017

ERNEST PIGNON-ERNEST SUBLIME LE MONDE URBAIN À SA MANIÈRE


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PABLO NERUDA PAR ERNEST PIGNON-ERNEST 1981 
Ses œuvres sont devenues des icônes mondiales. De Rimbaud à Pasolini en passant par Neruda, les représentations humaines d’Ernest Pignon-Ernest réalisées au fusain, à la pierre noire, laissant une place gigantesque à l’ombre portée, ont fait le tour du monde. Associé à des prises de position fortes contre la guerre d’Algérie ou l’Apartheid en Afrique du Sud, Ernest Pignon-Ernest est devenu une icône du street-art. Il expose à Antraigues-sur-Volane une partie de sa galerie consacrée aux poètes (Maison Ferrat, jusqu’au 1er octobre).
Par Jérémy ECOFFET
ERNEST PIGNON-ERNEST POSE
DEVANT L’UNE DES ŒUVRES EN
L’HOMMAGE À PABLO NERUDA.
PHOTO JÉRÉMY ECOFFET
Né en 1943 à Nice, Ernest Pignon-Ernest a rapidement compris que la peinture et lui seraient amenés à faire un bout de chemin ensemble. « Je venais d’un milieu modeste. Très jeune, j’aimais déjà beaucoup dessiner», explique-t-il.



À 13 ans, c’est la rencontre avec Picasso et Guernica via les feuillets de Paris Match. Ernest Pignon-Ernest trouve son maître pour les décennies à venir.

À Tours, Nice, Avignon où l’artiste a pris une position forte sur l’avortement en passant par Ramallah en Palestine avec son œuvre sur Mahmoud Darwich, et la prison Saint-Paul à Lyon, pour finir à Rome, Naples, Matera et Ostie en Italie avec l’œuvre rendant hommage à Pasolini, Ernest Pignon-Ernest a installé ses dessins sérigraphiés aux quatre coins du globe.

« Mes œuvres ont pour but de perturber les lieux »

PABLO NERUDA 1981
ERNEST PIGNON-ERNEST
À chaque fois, la même manière de fonctionner. «Je ne décide pas de venir appliquer mes œuvres sur des lieux au hasard. Je les avais auparavant beaucoup étudiés. Je les ai vus plusieurs fois, de jour, de nuit, pour savoir où l’ombre portée sera le mieux. Ses œuvres sérigraphiées sont toujours de la même taille.

« Elles sont grandeur nature, de manière à ce qu’elles perturbent le lieu. Je souhaite que mes images, plusieurs années après, réactivent le lieu en faisant remonter l’histoire à la surface. »

Pour arriver à ses fins l’artiste puise dans la lecture. « Des étudiantes qui font une thèse sur moi ont remarqué que j’avais déjà lu plus de 100 livres pour établir mes créations. »

L’exposition à la Maison Ferrat permet de redécouvrir 19 poètes au destin tragique ; souvent identique mais qui ont mené des combats sans relâche pour faire vivre leurs idées. Un combat finalement presque semblable mené par Ernest Pignon-Ernest, véritable métronome dans son domaine.

« Ceux de la poésie vécue », exposition visible à la Maison Ferrat jusqu’au 1er octobre tous les jours de 9 à 12 heures et de 14 à 18 heures. Tél. 04 75 94 73 49. Tarif : adulte : 5 €, moins de 18 ans, gratuit. Accès libre ce week-end dans le cadre du Festival Ferrat.

Par Jérémy ECOFFET  


lundi 10 juillet 2017

JEUNE HOMME SEUL

Les jeunes homosexuels et les jeunes filles amoureuses,
et les longues veuves qui souffrent d’insomnies délirantes,
et les jeunes dames fécondées il y a trente heures,
et les chats rauques qui traversent mon jardin de ténèbres,
tel un collier de palpitantes huîtres sexuelles
entourent ma résidence solitaire,
tels des ennemis établis contre mon âme,
tels des conspirateurs en tenue de nuit
qui auraient pour consigne d’échanger de longs baisers épais.

Le radieux été conduit les amoureux
en d’uniformes régiments mélancoliques,
composés de gros et maigres et joyeux et tristes couples :
sous les élégants cocotiers, près de l’océan et de la lune,
il y a une vie constante de pantalons et de jupes,
une rumeur de bas de soie caressés,
et des seins féminins qui brillent comme des yeux.

Le petit employé, après un lourd,
après un long ennui hebdomadaire, et les romans lus la nuit au lit
a définitivement séduit sa voisine,
et l’emmène dans les misérables cinémas
où les héros sont des poulains et des princesses passionnées,
et il caresse ses jambes pleines de duvet
avec ses mains humides, ardentes et qui sentent la cigarette.

Les soirées du séducteur et les nuits des époux
se fondent comme deux draps qui m’ensevelissent,
et les heures après le déjeuner où les jeunes étudiants
et les jeunes étudiantes, et les prêtres se masturbent,
et les animaux forniquent sans détours,
et les abeilles sentent le sang, et les mouches colériques bourdonnent,
et les cousins jouent étrangement avec leurs cousines,
et les médecins regardent avec fureur le mari de leur jeune patiente,
et les heures du matin où le professeur, comme par mégarde,
accomplit son devoir conjugal et déjeune,
et plus encore, les adultères, qui s’aiment d’un véritable amour
sur des lits hauts et longs comme des navires :
sûrement, éternellement m’entoure
cette grande forêt respiratoire et enchevêtrée
de grandes fleurs comme des bouches et des dentitions
et de noires racines en forme d’ongles et de chaussures.


Pablo Neruda (1904-1973) – Résidence sur la terre (Residencia en la tierra, 1935) – Traduction de Guy Suarès

CABALLERO SOLO

Los jóvenes homosexuales y las muchachas amorosas,
y las largas viudas que sufren el delirante insomnio,
y las jóvenes señoras preñadas hace treinta horas,
y los roncos gatos que cruzan mi jardín en tinieblas,
como un collar de palpitantes ostras sexuales
rodean mi residencia solitaria,
como enemigos establecidos contra mi alma,
como conspiradores en traje de dormitorio
que cambiaran largos besos espesos por consigna.

El radiante verano conduce a los enamorados
en uniformes regimientos melancólicos,
hechos de gordas y flacas y alegres y tristes parejas:
bajo los elegantes cocoteros, junto al océano y la luna 
hay una continua vida de pantalones y polleras, 
un rumor de medias de seda acariciadas, 
y senos femeninos que brillan como ojos.

El pequeño empleado, después de mucho, 
después del tedio semanal, y las novelas leídas de noche, en cama,
ha definitivamente seducido a su vecina, 
y la lleva a los miserables cinematógrafos 
donde los héroes son potros o príncipes apasionados, 
y acaricia sus piernas llenas de dulce vello 
con sus ardientes y húmedas manos que huelen a cigarrillo.

Los atardeceres del seductor y las noches de los esposos
se unen como dos sábanas sepultándome,
y las horas después del almuerzo en que los jóvenes estudiantes,
y las jóvenes estudiantes, y los sacerdotes se masturban,
y los animales fornican directamente,
y las abejas huelen a sangre, y las moscas zumban coléricas,
y los primos juegan extrañamente con sus primas,
y los médicos miran con furia al marido de la joven paciente,
y las horas de la mañana en que el profesor, como por descuido,
cumple con su deber conyugal, y desayuna,
y, más aún, los adúlteros, que se aman con verdadero amor
sobre lechos altos y largos como embarcaciones:
seguramente, eternamente me rodea
este gran bosque respiratorio y enredado
con grandes flores como bocas y dentaduras
y negras raíces en forma de uñas y zapatos.

jeudi 6 juillet 2017

PABLO NERUDA: LA VÉRITÉ SUR LA MORT DU POÈTE ENFIN DÉVOILÉE EN OCTOBRE


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LE POÈTE CHILIEN PABLO NERUDA EN 1965 À LONDRES.
PHOTO NEIL LIBBERT

Le prix Nobel de littérature est décédé mystérieusement dans une clinique en 1973. Des experts se réuniront en octobre au Chili pour déterminer si le poète a bien été empoisonné ou non.
Par Guillaume Narduzzi avec l'AFP
PABLO NERUDA ET MATILDE URRUTIA.
PHOTO ARCHIVE FUNDACIÓN NERUDA
Le mystère s'apprête à prendre fin. Des experts internationaux seront réunis en octobre à Santiago du Chili pour élaborer un rapport sur les causes de la mort de Pablo Neruda, a indiqué mardi 4 juillet la famille du poète chilien, qui soupçonne un empoisonnement sous la dictature d'Augusto Pinochet (1973-1990).


Ces spécialistes du Canada, du Danemark, des États-Unis, d'Espagne et du Chili se retrouveront mi-octobre dans la capitale chilienne pour étudier les derniers examens réalisés, et rédiger un rapport qu'ils remettront au juge Mario Carroza, chargé du dossier, afin de peut-être clore la procédure initiée il y a quatre ans.

Les restes du poète et prix Nobel de littérature, décédé dans une clinique de Santiago en 1973, quelques jours après le coup d'État contre le président socialiste Salvador Allende dont il était proche, ont été l'objet ces dernières années de nombreuses expertises. Exhumés en 2013, ils ont finalement été remis en terre en avril 2016 sans que le mystère soit totalement levé.

La thèse de l'assassinat de plus en plus crédible

En mai 2014, une équipe de chercheurs espagnols avait révélé la présence massive de bactéries, des staphylocoques dorés, qui auraient pu être inoculées par des agents de la dictature. Quatre laboratoires, aux États-Unis, en Espagne, en Norvège et au Danemark, ont été chargés d'analyser l'ADN de ces bactéries. D'après le certificat de décès rédigé par la junte militaire alors au pouvoir, le poète était mort à 69 ans d'un cancer de la prostate.
«Neruda a été assassiné.»

Manuel Araya, ancien chauffeur de Pablo Neruda
Mais en 2011, son chauffeur de l'époque et assistant personnel, Manuel Araya, a affirmé que sa mort était due à une mystérieuse injection faite la veille de son départ pour le Mexique, où il comptait s'exiler pour y mener l'opposition au général Pinochet. «Neruda a été assassiné», déclarait M. Araya à l'AFP en 2013.

Une enquête judiciaire a alors été ouverte, tandis que d'autres témoignages ont semé le doute en assurant que Pablo Neruda était en forme jusqu'à la fameuse injection. La mort en 1982, dans la même clinique, de l'ex-président Eduardo Frei (1964-1970), venu pour une opération de routine et qui pourrait avoir été empoisonné, a renforcé la thèse d'un assassinat du poète.


mercredi 5 juillet 2017

80ÈME ANNIVERSAIRE DU « SECOND CONGRÈS INTERNATIONAL DES ÉCRIVAINS POUR LA DÉFENSE DE LA CULTURE »


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80ÈME ANNIVERSAIRE DU « SECOND CONGRÈS  INTERNATIONAL DES ÉCRIVAINS POUR LA DÉFENSE DE LA CULTURE » 
1937 - 4 au 11 juillet - 2017 

Le 80ème anniversaire du mythique « Second congrès international des écrivains pour la défense de la culture », qui se tint à l'été 1937 (du 4 au 11 juillet 1937) à Valencia, Barcelona et Madrid en guerre, sous les bombes, en présence de Neruda, Aragon, Hemingway, Octavio Paz, André Malraux, Nicolas Guillen, Maria Zambrano,  Rafael Alberti, José Bergamin, Miguel Hernandez, Ramon Sender, Luis Bunuel, Cernuda, Pedro Garfias, Manuel Altolaguirre......sera marqué en Espagne, à la rentrée, par un Congrès d'écrivains, d'artistes et d'intellectuels « pour l'engagement », aussi nécessaire, aujourd'hui... Isaac Rosa, Emma Cohen, Vazquez de Sola, Marcos Ana, Lourdes Ortiz,  Alfonso Sastre... et des dizaines d'autres grandes figures du monde de la culture, en sont les promoteurs.

PARTICIPANTS  AU II CONGRÈS INTERNATIONAL D'ÉCRIVAINS
POUR LA DÉFENSE DE LA CULTURE, MADRID, JUILLET 1937
Le  légendaire « manifeste » de 1937 et le congrès furent un moment fondateur: ils posaient plus fort que jamais, et sans détours, la question de la responsabilité de l'écrivain sur le terrain politique, condamnaient le « soulèvement criminel de militarisme, cléricalisme et aristocratisme de caste, contre la République démocratique espagnole, contre le peuple, représenté par son gouvernement de Front Populaire », fustigeaient le « monstrueux soulèvement du fascisme », et « déclaraient l' identification totale et active (des intellectuels) avec le peuple, qui lutte glorieusement aux côtés du Gouvernement du Front Populaire ».

PÉRIODIQUE  «EL MONO AZUL»  
NUMÉRO 24, 15 JUILLET 1937
Jamais sans doute les intellectuels du monde entier, les écrivains, ne se levèrent aussi nombreux , déterminés, politisés, conscients des enjeux, dans une dialectique écrivains/société, pour défendre une cause juste: la république espagnole et l'antifascisme... Ils « prenaient parti » aux côtés des ouvriers « jusqu'à se souiller » (Gabriel Celaya), devenaient «bardes », certains même miliciens, soldats, allaient réciter leurs poèmes sur le front, se faisaient militants, éveilleurs de conscience, ouvreurs d'horizons nouveaux, organisaient des veillées culturelles pour les combattants de l'armée républicaine, inventaient un nouvel humanisme (très anti-capitaliste), de nouveaux langages poétiques de lutte , à la hauteur des exigences du moment (sans renoncer pour autant à la qualité de la langue, de l'esthétique) ,  enfantaient l'art de l'affiche d'agit-prop, du documentaire de combat, et produisirent le magnifique « cancionero » (floraison poétique) de la guerre d'Espagne. Des « vents du peuple" (Miguel Hernandez) les portaient, les poussaient. « Vents du peuple", ce poème-drapeau publié pour la première fois le 22 octobre 1936, dans la revue « El mono azul ».

L'Alliance des Intellectuels antifascistes pour la Défense de la Culture, créée le 30 juillet 1936, dynamisa le congrès. Elle publiait la célèbre revue «El mono azul »; elle multiplia  conférences, récitals, spectacles, manifestes... Elle s'inspira du premier Congrès d'écrivains qui se tint à Paris le 22 juin 1935 (le PCF y joua un rôle de premier plan), et donna naissance à l'Alliance des Intellectuels antifascistes pour la défense de la culture.

« La poésie » était et reste, « une arme chargée de futur", comme l'écrira plus tard (1955) le poète Gabriel Celaya, de cette génération emblématique.

Jean Ortiz