Citation de Pablo Neruda

samedi 29 septembre 2018

NANCY CUNARD, UNE FEMME DÉBOUT CONTRE LES OPPRESSIONS

J’ai découvert Nancy Cunard lors de la lecture d’un article du Monde des livres intitulé, Ce qu’être noir de peau veut dire, de Philippe Dagen (Le Monde, 01/06/2018). Il revenait à l’écrivain et critique d’art au Monde de présenter la réédition en version originale de « Negro Anthology » de Nancy Cunard, œuvre monumentale et pionnière tirée comme lors de sa première parution, à Londres en 1934, à 1000 exemplaires. Dans cet ouvrage collectif consacré à l’histoire des Noirs et à leurs combats, il s’agissait pour Nancy Cunard, « d’accumuler le plus grand nombre possible de connaissances et de réflexions sur la situation des peuples et des cultures noirs », écrit Philippe Dagen. 
NANCY CUNARD, 1926
PHOTO CURTIS MOFFAT 
D’où la forme anthologique et la contribution d’écrivains, d’artistes et de militants venant d’horizons divers :

• de la résistance noire comme W.E.B Du Bois, figure majeure de l’histoire américaine, Jomo Kenyatta, père de l’indépendance du Kenya… ; 
• de la Renaissance de Harlem comme Langston Hughes et Zora Neale Hurston… ; 
• des communistes engagés dans la cause africaine comme James W. Ford et Raymond Michelet… ; 
• et des écrivains surréalistes comme Georges Sadoul, René Crevel et Louis Aragon. 

Mais qui est cette amie du monde noir des Amériques, de l’Afrique, des Antilles… et des écrivains surréalistes ? Qui est cette passeuse de langues et de cultures ? Certes, j’ai croisé, lors d’une recherche sur les grandes figures noires en 2010 [1], cette militante connue pour la justesse de ses combats dans les années 20 et 30, mais sans trop m’attarder. L’article de Philippe Dagen, m’incite à la faire connaître à un public plus large et parler de ses combats.

Une riche héritière blanche au parcours inattendu


 ENSEMBLE DE PIÈCES D’IDENTITÉ ET DE
CARTES DE PRESSE DE NANCY CUNARD
HARRY RANSOM CENTER
Femme au destin exceptionnel, Nancy Cunard fut de tous les combats de son époque, tout en étant à la fois journaliste, traductrice, éditrice, poétesse, collectionneuse d’art africain, mondaine et militante politique. Elle est le modèle immortalisé par les photographes Man Ray, Barbara Ker-Seymer et Cécile Beaton. Fille de l’américaine Maud Alice Burke et de Sir Bache Cunard, magnat et héritier, Nancy est née, à Neville Holt, dans un château médiéval à une centaine de Kilomètres de Londres, en Angleterre, en mars 1896. C’est dans une ambiance de liberté, de licence, d’intelligence et de sensibilité artistique que grandit Nancy, tout en fréquentant les meilleures écoles. A ses 18 ans, veille de la première guerre mondiale, elle largue les amarres avec sa mère et son milieu pour vivre une vie de bohème hors-norme. Elle boit, fait la fête, raffole des tenues excentriques, fréquente les artistes de la contre-culture, de T.S. Eliot à Jacob Epstein, et tombe sans cesse amoureuse. Elle acquière la réputation sulfureuse de croqueuse d’hommes, de vamp [2]. La jeune Miss Cunar a néanmoins des objectifs ambitieux. Elle fréquente régulièrement l’influent « Bloomsbury group » où se retrouvent les époux et écrivains Leonard (1880-1969) et Virginia Woolf (1883-1946), l’économiste Maynard Keynes (1883-1946), les peintres Roger Frey (1866-1934) et Duncan Grant John (1885-1978) et d’autres grands noms de l’époque. Elle écrit des poèmes. Ses premiers textes sont publiés en 1916 dans l’anthologie des frères Sitwell consacrée à la « nouvelle poésie » contemporaine et moderne.


Une passeuse culturelle d’exception

Á Paris, où elle s’installe en 1920, elle fréquente les milieux littéraires qui contestent les valeurs traditionnelles, tout en participant aux nombreuses fêtes parisiennes qui rassemblent tous les avant-gardes artistiques du moment. Parlant plusieurs langues, Nancy fait le lien entre les artistes et intellectuels anglo-saxons et l’avant-garde littéraire et artistique parisienne. Son appartement de l’île Saint-Louis devient très vite un lieu de rencontre interculturelle où défilent toutes les avant-gardes. C’est elle qui est au centre de tout ce petit monde
En 1927, elle achète une maison à La Chapelle-Réanville en Normandie et fonde avec Aragon sa maison d’édition Hours Press pour « défendre l’innovation et une nouvelle vision des choses » (Cunard, 1969). Elle édite en tirages limités plus d’un vingtaine d’ouvrages. Mais elle cesse son activité éditoriale en 1931 pour mieux se consacrer à la préparation de son grand œuvre : Negro Anthology. Nancy n’a alors que 35 ans et elle a déjà de fortes convictions antiracistes, anticolonialistes et antiimpérialistes qu’elle partage avec ses amis surréalistes. Avec Negro Anthology, elle veut montrer que le « préjugé racial ne repose sur aucune justification (…) que les Noirs ont derrière eux une longue histoire sociale et culturelle, et que ceux qui les rejettent comme des sous-hommes ignorent tout de leur histoire passée, de leurs civilisations, de leurs luttes », écrit son collaborateur Raymond Michelet [3].

Femme de tous les combats

En l’été 1928, Nancy rencontre le pianiste noir américain de jazz, Henry Crowder (1890-1955). Elle apprend de Crowder ce que signifie être noir aux Etats-Unis. Leur histoire sentimentale ‒ assez insolite pour l’époque ‒, provoque le scandale et soulève des réactions indignées et violentes Sa mère qui pourtant n’est pas une sainte lui coupe les vivres. Profondément interpellée par le racisme de sa société et la violence de la condition des Noirs américains, Nancy riposte violemment par une petite brochure, intitulée Black Man and White Ladyship. C’est la rupture définitive de Nancy avec son milieu et une nouvelle étape dans son parcours. Elle est plus que jamais déterminée à réaliser Negro Anthology en vue d’apporter un regard nouveau sur les Noirs et leurs cultures.

Cette même année, Nancy Cunard est aux Etats-Unis avec Henry Crowder à la recherche des contributeurs pour son anthologie. Ils descendent à Harlem et s’installent dans un hôtel réservé aux Noirs, l’hôte l Grampion. La presse crie au scandale. Elle n’est pas également toujours bien reçue par les Noirs. L’année 1931 est également celle de l’affaire des Scottsboro Boys. Le 8 avril, neuf garçons noirs âgés de douze à vingt ans sont jugés de manière expéditive pour le viol de deux Blanches dans un train de marchandises traversant l’Etat de l’Alabama. Huit des neuf accusés sont condamnés à mort par le tribunal de Scottsboro, soit quinze jours après les faits présumés. Ce procès expéditif par un jury composé exclusivement de blancs et, de surcroît, dans une région où le lynchage reste monnaie courante, suscite l’indignation des progressistes noirs et bancs.

Farouchement antiraciste, anticolonialiste et antifasciste

Nancy est à la pointe du combat en Europe. Elle constitue à Londres un comité de soutien et mobilise ses réseaux parisiens et londoniens. Elle lève des fonds qui sont envoyés au comité new-yorkais et aux familles des accusés ; elle organise des réunions à son domicile londonien, informe et mobilise la presse en livrant un récit détaillé des procès – à procès à rebondissement qui défraye la chronique judiciaire pendant près de vingt ans

Quant éclate la guerre civile en Espagne, le 17 juillet 1936, Nancy quitte sa Normandie pour rejoindre immédiatement Barcelone, la républicaine. C’est là, en Espagne, à Madrid, qu’elle rencontre le poète et diplomate chilien Pablo Neruda (1904-1973). Elle fonde avec lui, en 1937, la revue Los Poetas del mundo defienden pueblo espanol (Les poètes du monde défendent le peuple espagnol ‒ six numéros au total) qu’ils impriment dans sa maison de La Chapelle-Réanvlle, en Normandie.

L’engagement de Nancy pour la cause républicaine/espagnole est sans faille. Là encore, Nancy Cunar fait preuve d’une lucidité qui a manquée à beaucoup de ses contemporains. « Pour tout intellectuel honnête, il est impossible, disait-elle, d’être profasciste » [4]. On la retrouve ensuite à Londres en 1941 où elle œuvre comme traductrice pour la résistance française. Après la guerre, en 1950, elle s’installe dans le Lot, à Lamothe-Fénelon. Dans sa nouvelle maison, qu’elle dit « incroyablement petite et rudimentaire », elle continue à recevoir ses amis et à soutenir les républicains espagnols, tout en continuant à écrire.

Morte épuisée au combat

Le rythme de travail qu’elle s’est imposé, ses multiples combats et voyages, ses excès d’alcool… ont fini par dégrader sérieusement sa santé physique et mentale. Elle est morte le 16 mars dans une salle commune de l’hôpital Cochin, à Paris. Parmi les personnes présentes à son enterrement ‒ les seules d’ailleurs ‒, on retrouve le critique d’art Douglas Cooper, Raymond Michelet et ses deux amies intimes, Janet Flanner et Solita Solano. Pablo Neruda, amant d’un temps et ami jusqu’à sa mort, écrit : « Mon amie Nancy Cunard est morte à Paris en 1965. C’est là qu’elle ferma ses magnifiques yeux bleus pour toujours… Elle s’était consumée dans une longue bataille contre l’injustice du monde. ». Elle souhait qu’on retienne trois choses essentielles : « Égalité de “races”, égalité des sexes et égalité des classes. Je suis en accord avec tous les individus de tous les pays qui ressentent la même chose, et agissent en conséquence. »


[1] Cf. MICHEL Reynolds, voir Journal Témoignages, 21/06/2010 ; 05/07/2010 ; 12/07/2010 ; 11/10/2010 ; 18/10/2010 ; 25/10/2010 ; 28/10/2010.
[2] FRIOUX-SALGAS Sarah, Introduction « L’Atlantique noir » de Nancy Cunard, Negro Anthology, 1931-1934, In Revue Gradhiva, 19/2014. Sarah Frioux-Salgas est commissaire de l’exposition « l’Atlantique noir de Nancy Cunard » au quai Branly en 2014 à l’occasion du 80e anniversaire de la sortie de Negro Anthology. Elle est une grande spécialiste de l’histoire africaine. C’est cette exposition consacrée à Nancy Cunard qui l’a fait sortir de l’oubli.
[3] FRIOUX-SALGAS Sarah, Ibid.
[4] SCHIFFER Liesel, Nancy Cunard par François Buot, 02/10/2009. www.lieselschiffer.fr
SUR LE MÊME SUJET :

vendredi 17 août 2018

« LORCA EST LE DISPARU LE PLUS REGRETTÉ DU MONDE »

Publié le 16 Août 2018. « Lorca es el desaparecido más llorado del mundo  » ,(Lorca est le disparu le plus regretté du monde »
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« TÊTES COUPÉES DE FEDERCO GARCÍA LORCA
ET PABLO NERUDA », BUENOS AIRES 1934

 DESSIN DE FEDERICO GARCÍA LORCA 

Ian Gibson né le 21 avril 1939 à Dublin, est un auteur et hispaniste irlandais, connu pour ses biographies d'Antonio Machado, Salvador Dalí, Henry Spencer Ashbee, et surtout pour ses livres sur Federico García Lorca, pour lesquels il a reçu plusieurs prix comme le Prix James Tait Black Memorial en 1989. Son livre La represión nacionalista de Granada en 1936 y la muerte de Federico García Lorca (La répression nationaliste de Grenade en 1936 et la mort de Federico García Lorca) fut censuré en Espagne sous Franco.

ENTRETIEN

IAN GIBSON AUTEUR ET 
HISPANISTE IRLANDAIS
PHOTO EMILIA GUTIÉRREZ

Il y a 82 ans aujourd'hui, Lorca était arrêté.
À cinq heures de l'après-midi.

Où ?
Au centre de Grenade, dans la maison des Rosales, où il fut abrité, protégé des agressions.

Quelles agressions?
Des matons avaient pénétré par effraction dans la maison familiale des García Lorca, la Huerta de San Vicente, et l'ont maltraité ...

Qui étaient les voyous?
Des escouades qui, chaque jour, assassinaient des dizaines de Grenadiens soupçonnés d’être républicains, sous la protection du gouverneur putschiste José Valdés depuis le 20 juillet.

Pourquoi Lorca n'a-t-il pas fui Grenade ?
Il craignait que s'il fuyait ils attaqueraient son père. La famille Rosales était des amis, et c'est là-bas qu'il s'est réfugié.

Pourquoi a-t-il cru que c'était un lieu sûr ?
Le père de famille Rosales était quelqu'un de très respecté. Et ses enfants étaient des phalangistes éminents, et faisaient partie des vainqueurs du coup d’état. L'un d'entre eux était Luis, âgé de 26 ans, poète, disciple et ami de Federico.

Et qui a osé aller l'arrêter dans cette maison ?
C’est Raymond Ruiz Alonso, un ex député ambitieux cediste : il détestait les Rosales pour l’avoir empêché de rejoindre la Phalange. Il a dénoncé Lorca en le faisant passer pour un espion russe !

Calomnie !
La mère Rosales lui a tenu tête et a appelé l'un de ses fils, Miguel, qui a accompagné Lorca.

Et on n'en a jamais plus entendu parler
José et Luis Rosales sont allés le secourir au gouvernement civil. Il y eût une forte altercation, mais Valdés n'était pas là, et ils n'ont pas libéré Lorca.

Où était Lorca ?
Il a passé la nuit sur place. Le lendemain, José est revenu le chercher, et Valdés lui a dit : « Ils l'ont emmené ». Il a menti, Lorca était là !

Comment le savez-vous ?
Angelina, la bonne des García Lorca, a porté ce matin un panier de nourriture et a pu le voir : elle me l'a raconté en 1966 et elle ne me mentait pas !

N'y avait il pas une manière de sauver Lorca ?
Manuel de Falla est allé le chercher, et Valdés l'a mis dehors. Et ils ont failli fusiller Luis Rosales pour avoir protégé un rouge ! Le père a payé une grosse somme et l'a libéré.

Et si le père de Lorca avait payé?
Ils le voulaient mort ! Pour avoir été le protégé du socialiste Fernando de los Ríos. Pour des vers contre la Garde Civile. Pour avoir fait du théâtre pour les pauvres. Parce qu’il était homo  ! Et pour avoir dit que « à Grenade, s'agite la pire bourgeoisie d'Espagne »

Et c'était vrai!
Certaines familles bourgeoises de la Vega enviaient la famille García Lorca, libérale et couronnée de succès.

Quand et comment fut le crime? 
À l'aube du 17 au 18 août, sur la route de Víznar à Alfacar. Et ils l'ont torturé.

C'est une hypothèse ...
Je sais qu'ils voulaient le voir souffrir. Le Cediste Trescastro s'est vanté dans un bar : « Le poète à la grosse tête, je viens de lui mettre deux coups dans le cul à ce pédé ». Et c’est là qu’ils l’ont enterré.

Est-ce que Lorca avait peur de ce qui allait lui arriver?
Lorca avait tout compris.

Comment pouvez-vous le savoir?
« Allez-vous beaucoup pleurer s'ils me tuent ? » demandait-il quelques jours avant aux bonnes à la Huerta... Il était obsédé par sa mort. Jeune, déjà il faisait semblant d'être mort : ça effrayait Dalí ! 

Dalí a dit "olé!" après avoir su sa mort.
Ce fut son élégie à son ami. Il reconnaissait dans cette mort la dimension poétique, comme Lorca l'avait exprimé dans son élégie à la mort dans l’Arène du torero Ignacio Sánchez Mejías.

Dalí n’était pas en train de se réjouir.
Non! Pour Dalí, Lorca a été le meilleur ami qu’il avait eu dans sa vie! J'ai rendu visite à Dalí déjà intubé, et j’ai juste entendu « Lorca » ... et il a pleuré!

Où sont les ossements de Lorca ?
En 1966 c'est Manuel Castillo Blanco le Communiste, son fossoyeur qui me l'a révélé : « Près de cet olivier ».

Pensez-vous qu'ils y sont toujours?
Durant les travaux du parc García Lorca, en 1986, des ossements sont sortis. Et, sans rien dire, ils les ont mis dans un sac et ils ont été réenterrés dans un autre coin du parc!  

Où ?
Sous le creux du goudron de cette énorme fontaine qu’ils ont faite là. Le géoradar de l'expert Luis Avial a révélé où ils sont!

Cela ne coûterait rien de les déterrer 
Certains d’entre nous en avons fait la demande: nous attendons la permission de la Junta de Andalucía.

Qui a fait taire ce transfert des ossements de Lorca?
La Députation de Grenade, du PSOE, a voulu inaugurer rapidement le parc García Lorca, et mettre ce sujet sur la table…aurait reporté l'inauguration.

Quel désastre, les politiciens. 
Antonio Ernesto Molina Linares l’a avoué alors qu'il était encore deuxième vice-président de la Députation.

Et pourquoi la famille du poète s'oppose-t-elle toujours à l'exhumation de Lorca ?
Personne ne comprend. Je crois qu'il y a eu en 1953 un accord avec Franco : ne rien remuer et ne pas critiquer publiquement le régime ... en échange de pouvoir éditer les œuvres Lorca en Espagne, vivre ici et toucher des droits d'auteur.

Quelles explications donnait Franco au sujet de la mort de Federico García Lorca?
Que ce fut un accident fortuit de la guerre.

Et maintenant, nous allons déterrer Franco ...
Le plus grand assassin espagnol de tous les temps, il n’est pas mort au combat : hors de ce mausolée, maintenant ! Quelle honte pour l'Espagne : Lorca est le disparu le plus célèbre au monde! Le plus aimé et pleuré de tous les disparus ... Quelle honte pour l'Espagne !

vendredi 3 août 2018

EN 1939, UN « BATEAU DE L’ESPOIR » PARTI DE PAUILLAC A MIS À L’ABRI 2500 MIGRANTS ESPAGNOLS


Le 4 août 1939, le poète Pablo Neruda a organisé depuis le port de Pauillac l’évacuation par bateau de 2500 réfugiés espagnols vers le Chili. Cet épisode méconnu de l’histoire française revêt un caractère particulier avec l’actualité des migrants, de l’asile, et de l’immigration.
PABLO NERUDA REND VISITE AUX ESPAGNOLS RÉPUBLICAINS
RÉFUGIÉS À BORD  DU WINNIPEG, BORDEAUX 1939 

PHOTO IONE ROBINSON
C’est un anniversaire quelconque, même pas  rond. Mais par les temps qui courent, l’histoire de ce bateau parti de Gironde il y a 79 ans avec des migrants espagnols à bord, qui seront accueillis en héros à leur port d’arrivée, fait écho avec une cruelle actualité. La loi sur l’asile et l’immigration est définitivement adoptée à l’Assemblée depuis ce 1er août et 108 migrants viennent d’être ramenés par un bateau commercial italien jusqu’en Libye alors qu’il était censé les secourir, sans revenir sur les mésaventures de l’Aquarius, bateau de SOS Méditerranée.

Nous sommes en 1939, la guerre civile espagnole vient de prendre fin. Une dictature s’installe au pouvoir jetant sur les routes de l’exil vers la France près de 400 000 républicains. Accueillis dans des camps d’internement et dans l’impossibilité de retourner en Espagne, 2500 d’entre eux trouvent leur salut grâce à un bateau qui les conduira en Chili : Le Winnipeg, affrété par le poète chilien Pablo Neruda, Ricardo Eliécer Neftalí Reyes Basoalto de son vrai nom.

Le Winnipeg

En 1935, Pablo Neruda est consul en Espagne où il entretient des relations amicales avec Federico García Lorca, poète et dramaturge espagnol. Après le putsch de Franco du 18 juillet 1936, l’assassinat de García Lorca bouleverse son ami Neruda qui choisit le camp de la République espagnole. Il est révoqué comme consul et quitte Madrid pour Paris.

La France, tout comme l’Europe, est alors à la veille d’une deuxième guerre mondiale. L’Amérique latine devient une terre d’espoir et d’exil. Pablo Neruda œuvre pour convaincre le président du Chili, Pedro Aguirre Cerda, d’accueillir des républicains espagnols. Il est nommé consul spécial pour l’immigration espagnole à Paris et est chargé d’organiser l’expédition.

Dans la capitale française, Pablo Neruda organise des entretiens pour effectuer une sélection parmi les réfugiés en vue d’un voyage pour Valparaison à bord du Winnipeg.

Appartenant à France navigation, une compagnie créée par le Parti communiste français, Le Winnipeg est un ancien cargo français de 9 000 tonnes. Habituellement utilisé pour transporter de la marchandise et une centaine de passagers entre le port de Marseille et l’Afrique du Nord, il est réaménagé pour recevoir plus de 2500 personnes : les cales accueillent des matelas pour faire dormir les réfugiés et une cale sert de cantine. Le bateau est fin prêt début août 1939.

« Interdiction de rester en France »

La sélection est annoncée dans les journaux français. Le Point relate l’histoire de Victor Pey qui a « traversé les Pyrénées avec une boussole, en hiver ». Arrivé à Paris, le réfugié espagnol se rend au consulat chilien pour un entretien avec Pablo Neruda qui « n’a pas été très chaleureux » : « Mais au bout de dix jours j’ai reçu un avis nous demandant d’embarquer immédiatement sur le Winnipeg, à Trompeloup. »

Le témoignage de Mercedes Corbato est également recueilli. Elle parle d’une interdiction de vivre en France et d’une « peur d’être déportés ». Elle fera elle aussi partie du voyage.

Sur la page Wikipedia du navire, un contributeur rapporte que le poète chilien privilégie les communistes staliniens et empêche les troskistes et les anarchistes d’embarquer. Il cite l’historien allemand David Schidlowsky : « 86% des demandes des réfugiés anarchistes furent refusées » et « les anarchistes qui arrivent finalement au Chili représentent 0,9 % de l’ensemble ».

Sur la page Wikipedia du poète, on peut lire que Pablo Neruda se « verra reprocher d’avoir délivré un visa chilien à David Alfaro Siqueiros, organisateur de la première tentative d’assassinat de Trotsky du 24 mai 1940 ».

« Accueillis en héros »

Sur le site de Radio France international (RFI), Julio Galvez, auteur d’un livre sur le Winnipeg, est repris pour souligner les différences idéologiques qui ont opposé certains passagers :

« Quand on perd une guerre, il faut toujours chercher des coupables. Et dans ce bateau, où il y avait des représentants des différentes tendances politiques qui avaient participé à la guerre civile, on cherchait aussi des coupables. Les anarchistes blâmaient les communistes, les socialistes blâmaient les deux autres… Donc la traversée a été compliquée. Mais tout cela a changé en arrivant au Chili, où l’accueil a été spectaculaire. Les républicains espagnols n’en croyaient pas leurs yeux. Ils ne comprenaient pas pourquoi ils ont été accueillis en héros, alors qu’ils avaient perdu la guerre. C’est à ce moment-là que leur perception sur l’exil a changé. »

« Nous sommes arrivés à la tombée de la nuit au port de Valparaiso » et « la première chose que l’on a vue, c’était très joli, les collines de Valparaiso toutes illuminées », raconte Victor Pey. Le jour suivant, la plupart des voyageurs se rend en train à la capitale, Santiago, où « une foule de gens nous a reçus avec beaucoup de tendresse ».

« La droite chilienne s’opposait fermement à l’arrivée des républicains espagnols, explique Julio Galvez. Elle affirmait que si des ouvriers d’autres pays arrivaient, ils allaient piquer le travail des Chiliens. Mais après l’arrivée, il a été évident que cette accusation était infondée, que les républicains s’intégraient parfaitement au Chili, et qu’ils apportaient une contribution extraordinaire. »

Le président chilien avait expressément demandé à Pablo Neruda « des milliers de républicains en tenant compte des nécessités de l’industrie chilienne ». Cependant, RFI rappelle la présence sur le bateau de la famille de la peintre Roser Bru qui avait 16 ans à l’époque.

Une opération humanitaire oubliée

Le voyage dure exactement 30 jours et le Winnipeg touche terre le 3 septembre 1939. Il reviendra en Europe et continuera à naviguer jusqu’en 1942, avant d’être détruit par un sous-marin allemand alors qu’il traversait l’Atlantique de Liverpool au Canada.

La petite fille de Roser Bru, qui fait partie des 20 000 descendants des passagers de ce bateau, parle d’un « bateau de l’espoir ». Même si, après le coup d’Etat d’Augusto Pinochet en septembre 1973, plusieurs réfugiés espagnols pro Salvador Allende, ont dû fuir à nouveau. Elle rappelle l’importance de Neruda qui « a eu l’intelligence de mélanger non seulement des professionnels techniciens qualifiés, mais aussi des intellectuels. C’est un bateau extrêmement symbolique, […] il ramène aussi au Chili un groupe de personne qui va faire beaucoup de bien au développement culturel, industriel, politique et social au Chili. »

Pour ces raisons, l’histoire du Winnipeg est célébrée en Amérique latine, alors qu’elle est très peu connue et reconnue en Europe, en France, voire à Pauillac où, à l’occasion d’une discrète cérémonie en 2017 (la seule et la première) hommage a été rendu à cette unique opération humanitaire.

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LIVRET D'ACCUEIL « LE CHILI VOUS ACCUEILLE »  
CONÇU PAR  MAURICIO AMSTER


jeudi 28 juin 2018

HOMMAGE À PABLO NERUDA

« HOMMAGE À PABLO NERUDA, PRIX NOBEL UNE LITTÉRATURE.
AU STADE NATIONAL DE SANTIAGO DU CHILI, LE 5 DÉCEMBRE 1972.»
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    lundi 18 juin 2018

    «PABLO NERUDA, ODE À L’AMOUR»


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    ILLUSTRATION LE TEMPS
    Chaque semaine, un écrivain d’ici présente l’auteur classique qui l’inspire et le nourrit. José-Flore Tappy a choisi d'évoquer le Chilien Pablo Neruda
    VINGT POÈMES D’AMOUR ET
    UNE CHANSON DÉSESPÉRÉE
    Vingt poèmes d’amour et une chanson désespérée, publiés pour la première fois à Santiago en 1924, marquent le début d’une œuvre passionnée, politique, amoureuse des femmes et du Chili, solidaire d’un peuple et de tous les opprimés. Neruda a 20 ans. Traduits pour la première fois en français en 1970 par André Bonhomme et Jean Marcenac pour les Editeurs français réunis, maison fondée par Aragon après la guerre, ces 21 poèmes ne m’ont jamais quittée. Je préfère cette traduction à celle, ultérieure, de Claude Couffon et Christian Rinderknecht. Elle est plus directe, plus concrète, sans effets.

    Un objet d’abord, un format: presque carré (13,5 x 10), un peu comme une boîte de cigares, la jolie boîte de ces «Petit Nobel» que j’ai longtemps fumés avec délice durant les longues soirées d’été. Sous sa couverture toilée bleu turquoise, le livre détonne sur les rayons de ma bibliothèque où se côtoient les éditions blanches, rectangulaires, légères comme des stèles, certains volumes revêtus de pergamine. Trop petit, trop criard, inclassable. Le jour où j’ai déniché chez un libraire un second volume de cette même collection: Papiers du poète grec Yannis Ritsos, sous couverture rouge vif, le rouge écarlate du pavot, il a trouvé sa place: Neruda et Ritsos… mes compagnons de route. Quand on ouvre le recueil, son papier couleur tabac clair sent la terre mouillée après la pluie, et c’est l’océan qui s’engouffre! Chez Neruda, le désir amoureux est inséparable du paysage, du monde, de la collectivité humaine. Romantique? non, juvénile et magnétique, où les adresses à l’aimée disent les émois d’un cœur passionné: «Volume de baisers englouti et brisé/que le vent de l’été vient combattre à la porte», «tourne mon cœur, et c’est un volant fou».

    Vieux de presque un siècle, ce livre est d’une fraîcheur inaltérée. Rien d’éthéré, aucune effusion tremblante. La femme aimée (ou rêvée, ou seulement regrettée) est physique, charnelle, presque géographique: «Accueillante, pareille à un ancien chemin.» Tout jeune, Neruda a déjà le verbe affirmé. Il parle franc, sans détours: «Ici je t’aime.» Il pose sur la table l’évidence, et la répète: «Seul. […] La mer au loin sonne et résonne./Voici un port./Ici je t’aime.» Difficile de choisir un poème en particulier, une strophe plutôt qu’une autre… j’aime le mouvement qui fait tourner les pages, le glissement des vers sur ce papier bistre, tel le ressac effaçant sur le sable les empreintes mouillées des mots d’avant.

    L’amour est partout chez Neruda, aussi bien dans le sombre Résidence sur la terre que dans L’Espagne au cœur, écrits sous le choc du franquisme et de l’assassinat de Garcia Lorca, et même dans Hauteurs de Machu Picchu, chant de fraternité pour les bâtisseurs incas. Redoutable force révolutionnaire, l’amour traverse l’effroi, balaie le découragement, transcende la colère. Plus tard encore et plus conquérant, Neruda fera sonner les mots pour l’amante clandestine devenue sa compagne. Erotisme et passion, tendresse et rage, le poète ne cache pas ses désirs sous une feuille de vigne. Ce sont les très beaux poèmes de La Centaine d’amour dédiés à Matilde Urrutia, précédés de ces lignes qu’il lui adresse, en octobre 1959: «J’ai construit par la hache, le couteau, le canif, ces charpentes d’amour et bâti de petites maisons de quatorze planches pour qu’en elles vivent tes yeux que j’adore et que je chante.»

    Par leur sensualité, par une intensité presque douloureuse dans la douceur, les poèmes de Neruda n’ont d’égal à mes yeux que les poèmes d’amour chez Eluard, et peut-être certains vers de Michaux d’une brusquerie aérienne – entre tous, celui-ci: «Emportez-moi sans me briser, dans les baisers» (Mes propriétés). Plus latin, avec une fougue autrement plus violente mais toujours tendre dans ses adresses, Neruda me rappelle, à chaque moment de doute ou de fatigue, que les mots sont des appuis, qu’ils nous protègent et nous font avancer: «Incliné sur les soirs je jette un filet triste/sur tes yeux d’océan./Là, brûle écartelée sur le plus haut bûcher,/ma solitude aux bras battants comme un noyé».

    Entier et jusqu’au fond du désespoir, Neruda prend le monde à bras-le-corps. J’aime cet emportement qui s’émerveille, prolifique et généreux. Rien n’est dérisoire, et de la femme aimée aux choses les plus modestes, tout sera célébré avec le même lyrisme, celui des Odes élémentaires: Ode à Valparaíso, Ode à la tomate, Ode à une montre dans la nuit, Ode à l’artichaut, Ode à l’espoir, Ode à une châtaigne tombée… Ode à l’amour.

    Profil
    JOSÉ-FLORE TAPPY.
    PHOTO YVONNE BOEHLER
    José-Flore Tappy est l’auteure de plusieurs recueils de poèmes, parmi lesquels Pierre à feu, Terre battue, Hangars, Lunaires. Le dernier, Trás-os-Montes, porte le nom d’une province portugaise à la beauté âcre et sèche. Elle a traduit des poètes de langue espagnole, dont le Costaricien Laureano Albán, et avec Marion Graf la poésie d’Anna Akhmatova.

    1954 Naissance à Lausanne.

    1983 Prix de poésie C.F. Ramuz pour «Errer mortelle» (Payot).

    1997 Traduction pour la scène du «Pierrot lunaire» de Schönberg, interprété en français au Festival de la Bâtie de Genève et au Théâtre de Vidy à Lausanne par Yvette Théraulaz (mise en scène François Rochaix).

    2006 «Hangars» sous couverture peinte par Pierre Oulevay (Empreintes).

    2011 Anna Akhmatova, «L’Eglantier fleurit», traduction avec Marion Graf (La Dogana).

    2013 «Tombeau», avec des dessins de Juan Martinez (Empreintes).

    2018 «Trás-os-Montes», poèmes (La Dogana). Laureano Albán, «Psaumes pour conjurer la guerre» traduction (Calligrammes, Rennes). 



    mardi 5 juin 2018

    À MON PARTI

    PABLO NERUDA DANS LA PLACE D'ARMES
    D'ARAUCO CIRCA 1963 - 1964
    PHOTO SÉLIM MOHOR
    Tu m'as donné la fraternité envers celui que je ne connais pas.

    Tu as ajouté à mon corps la force de tous ceux qui vivent.

    Tu m'as redonné la patrie comme par une autre naissance.

    Tu m'as donné la liberté que ne possède pas le solitaire.

    Tu m'as appris à allumer, comme un feu, la bonté.

    Tu m'as donné la rectitude qu'il faut à l'arbre.

    Tu m'as appris à voir l'unité et la variété de l'homme.

    Tu m'as montré comment la douleur de l'individu meurt avec la victoire de tous.

    Tu m'as appris à dormir dans les durs lits de mes frères.

    Tu m'as fait bâtir sur la réalité comme on construit sur une roche.

    Tu m'as fait l'adversaire du méchant, tu m'as fait mur contre le frénétique.

    Tu m'as fait voir la clarté du monde et la possibilité de la joie.

    Tu m'as rendu indestructible car grâce à toi je ne finis plus avec moi.

    Canto General, Pablo Néruda


    LE CRIME A EU LIEU À GRENADE

    FEDERICO GARCÍA LORCA
    À   NEW YORK EN 1929
    «Tout commença pour moi le soir du 19 juillet 1936. Un Chilien sympathique et aventureux, Bobby Deglané, était imprésario de ‘catch as catch can’ au cirque Prince de Madrid. Je lui avais exposé mes doutes au sujet de ce "sport" et de son sérieux, et il m’avait convaincu d’aller sur place, avec Garcia Lorca, vérifier l’authenticité du spectacle. Federico ayant accepté, nous avions décidé de nous retrouver à la porte du cirque à une heure convenue. Nous passerions un bon moment à regarder les truculences du Troglodyte Masqué, de l’Étrangleur Abyssin et de l’Orang-Outang Sinistre.

    Federico ne vint pas au rendez-vous. Il avait pris le chemin de sa mort. Nous ne nous revîmes plus. Il avait rendez-vous avec d’autres étrangleurs. C’est ainsi que la guerre d’Espagne, qui allait transformer ma poésie, commença pour moi par la disparition d’un poète.

    Et quel poète ! Je n’ai jamais vu réuni comme en sa personne la grâce et le génie, le cœur ailé et la cascade cristalline. Federico Garcia Lorca était le farfadet dissipateur, la joie centrifuge qui recueillait dans son sein le bonheur de vivre et l’irradiait comme une planète. Ingénu et comédien, cosmique et provincial, musicien étonnant, mime parfait, ombrageux et superstitieux, rayonnant et bon garçon, il résumait en quelque sorte les âges de l’Espagne, la floraison populaire ; c’était un produit andalou-arabe qui illuminait et parfumait comme un buisson de jasmins la scène entière de cette Espagne hélas ! disparue.

    (…) Federico Garcia Lorca n’a pas été fusillé ; on l’a assassiné. Naturellement, personne n’imaginait qu’on le tuerait un jour. De tous les poètes d’Espagne il était le plus aimé, le plus choyé, et le plus ‘enfant’ par sa merveilleuse allégresse. Qui aurait pu croire qu’il y aurait sur la terre, et sur sa terre, des monstres capables d’un forfait aussi inexplicable ? »

    (extrait de : « J’avoue que j’ai vécu », 1974 / traduction de Claude Couffon, Éditions Gallimard) pages 183-187

    lundi 14 mai 2018

    LE POÈTE PABLO NERUDA ÉVOQUÉ


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    CÉCILE MAGNET ET LE VIOLONISTE SOURINE
    PHOTO LA DÉPÊCHE DU MIDI

    Au cours d'un spectacle baptisé « Dans le murmure d'une vague au Chili » l'actrice Cécile Magnet, à l'invitation de l'association «Vivre à Belaye», a dit une sélection des poèmes du célèbre poète chilien Pablo Neruda le samedi 5 mai. 
    MARUJA MALLO ET PABLO NERUDA
    AU CHILI 1945
    La comédienne a offert aux spectateurs, accompagnée par les improvisations au violon du musicien pradinois Sourine, des extraits du «Chant général» un passage de son autobiographie «J'avoue que j'ai vécu». Une heure durant, elle a transporté l'assistance dans les vagues et leurs murmures, dans le temps, les Andes, l'amour, les amants, les saisons mais aussi les noyés, les abandonnés… Prochaine rencontre de «Vivre à Belaye» le samedi 2 juin à 20 heures repas spectacle soirée tahitienne.

    samedi 12 mai 2018

    NERUDA : FUNÉRAILLES SURVEILLÉES



    NERUDA : FUNÉRAILLES SURVEILLÉES

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    Documental del francés Bruno Muel sobre el golpe de Estado en Chile en 1973. Muel, quien formara parte del afamado grupo Medvedkine, junto a Chris Marker y Jean-Luc Godard, entre otros, capturó uno de los retratos más poderosos de los primeros días de la Dictadura. Profundamente solidario con la causa socialista, Muel y su equipo mostraron gran audacia al mezclar el registro de las triunfantes imágenes oficiales con aquellas, clandestinas, de la naciente oposición. La cinta incluye los testimonios de Isabel Allende y de algunos militantes de la Unidad Popular que relatan sus experiencias frente a la salvaje represión de esos primeros días. Muel filmó también imágenes al interior del campo de prisioneros del Estadio Nacional así como del funeral de Pablo Neruda, probablemente la primera manifestación pública de la oposición al régimen. "Septembre chilien" 1973, 39 min., color Bruno Muel, Théo Robichet et Valérie Mayoux




    dimanche 1 avril 2018

    LE VOYAGEUR

    HOMMAGE AU GRAND POÈTE NERUDA, EN MUSIQUE LATINO

    HOMMAGE AU GRAND POÈTE NERUDA, EN MUSIQUE LATINO. Vous spectateurs qui ne connaissez rien des rivages du sud du Pacifique et qui n’avez jamais vu les étoiles au-dessus de Temuco ou de l’île Noire, vous qui n’avez pas foulé les montagnes jaunes du Chili et qui ne vous êtes pas assis sur une place de Valparaiso un soir de chaleur, quand résonnent au loin les sons du Bandonéon, venez découvrir le cheminement de l’homme et du plus grand poète sud-américain. Entendez s’élever avec puissance son grand Canto Général, écrit en fuite pendant les temps furieux....                                

    Certes, si l’homme est célèbre par son prix Nobel de littérature en 1971, son oeuvre reste souvent peu connue, et pour ceux qui entreront pour la première fois dans le vaste monde Nérudien, l’étonnement sera au bout du spectacle !

    C’est le thème du voyage qui s’est imposé comme fil conducteur, guide émerveillé dans le choix d’une oeuvre foisonnante. L’inspiration principale vient de deux pièces majeures de l’auteur : l’une en prose « j’avoue que j’ai vécu » et l’autre en vers « Canto General », considéré comme son chef-d’oeuvre et le sommet poétique qui allait imposer au monde le génie de Neruda. L’opposition des rythmes de l’une et l’autre, soutenus par les voix de trois comédiens et magnifiés par le bandonéon et la guitare, cherche à retraduire l’émotion première éprouvée à la lecture de ces textes si différents. Trois voix, trois interprétations de Neruda pour la rencontre d’un seul poète qui a rêvé d’un monde plus juste et plus beau.

    Quittant sa terre natale chérie et ses incroyables boues hivernales, Neruda nous embarque dans ses premières découvertes, craintes, frayeurs et enthousiasmes.
    La plume hallucinée décrit la pluie australe, les chemins de terre rouge, les villes étrangères.

    Elle s’enivre de mots puis repart vers les mers, dans les horizons lointains de l’Orient... elle s’égare vers l’île de Pâques, puis se révolte dans Canto General avant de s’apaiser dans la contemplation des lumières de Valparaiso. Et toujours, la femme aimée...

    C’est une vision impressionniste de Neruda qui a été imaginée, avec cinq artistes sur le plateau. Cette vision d’une beauté qui n’a cessé de hanter Neruda dans toute son oeuvre.

    FRANÇOISE PETIT

    Elle commence en 1980 une carrière de metteur en scène et signe les réalisations suivantes à Lyon et Paris : Le mariage de Figaro de Beaumarchais et Trente millions de Gladiator d’Eugène Labiche aux Amandiers de Nanterre. Une journée particulière d’Ettore Scola au Théâtre de la Ville, Samedi, dimanche et lundi d’Eduardo de Filippo et la Servante maîtresse de Pergolèse au Théâtre du 8ème avec l’Opéra de Lyon. Au terme du contrat de six ans au CDN de Lyon, Françoise Petit est invitée à réaliser des mises en scène dans différents théâtres : à Anvers, au Théâtre des Célestins, puis une création en Suisse Les Enchaînés de O’Neil, reprise au Théâtre Renaud-Barrault à Paris.

    Depuis les années 2000, on la retrouve dans de nombreux spectacles, dont une création au festival de Cracovie, puis au théâtre du Rond-Point à Paris dans Une nuit de Casanova, un opéra-jazz, L’Archipel de François Mechali, direction Philippe Nahon au festival de Picardie, le Faiseur de Balzac avec Jean-François Balmer au Théâtre des Célestins à Lyon.


    En 2011/2012, elle créée à la Scène Nationale les Gémeaux à Sceaux, le spectacle Voyage au bout de la nuit de Céline, avec une reprise au Théâtre de l’oeuvre à Paris, pour 100 représentations. Elle participe enfin à l’adaptation et fait la mise en scène du spectacle Le voyageur, sur les textes et la poésie de Pablo Neruda, dont la création à eu lieu à Nouméa en 2014.