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Les poèmes qui le constituent furent écrits ici et là et jalonnent mon exil en Europe. Ils furent publiés anonymement à Naples, en
Pour la première édition, le peintre Paolo Ricci se procura un papier somptueux, des caractères Bodoni, anciens, et des gravures dont les motifs étaient empruntés aux vases de Pompéi. Avec une ferveur fraternelle, il établit aussi la liste des souscripteurs. Et le beau volume parut bientôt, tiré tout juste à cinquante exemplaires. Nous célébrâmes longuement l’évènement : table fleurie, frutti di mare et vin transparent comme de l'eau — un cru qui était le fils unique des vignes de Capri. Sans oublier l'allégresse des amis qui aimaient notre amour.
Quelques critiques méfiants attribuèrent des raisons politiques à l'anonymat du livre. « Le parti s'y est opposé, le parti ne l'approuve pas », dirent-ils. C'était faux. Par bonheur, mon parti ne s'oppose pas à l'expression, quelle qu'elle soit, de la beauté.
La vérité est que je n'ai pas voulu pendant longtemps, que ces poèmes blessent Délia, dont je me séparais. Délia del Carril, très douce passagère, fil d'acier et de miel qui lia mes mains dans les années sonores, avait été pour moi pendant dix-huit ans une compagne exemplaire. Ce furent là les raisons profondes, personnelles, respectables — et les seules — de mon anonymat.
Plus tard le livre, même sans nom et sans prénom, se fit homme, un homme naturel et courageux. Il se fraya un chemin dans la vie et je dus, finalement, le reconnaître. Aujourd'hui, dans tous les ports, entendez dans les librairies et les bibliothèques, les « vers du capitaine » circulent signés du nom de leur vrai et authentique capitaine.»
Extrait de J'avoue que j'ai vécu de Pablo Neruda. Traduit par Claude Couffon. Éditions Gallimard, collection "Folio" pages 325 et 326
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