Le calligramme, formé de beauté et de lettres, est le nom de l'acte poétique par lequel Apollinaire entend faire un pas décisif vers la « synthèse des arts, de la musique, de la peinture, de la littérature ».
Mieux que l'« idéogramme lyrique », ce nom rappelle la tradition hellénique de la poésie figurative dont l'invention est attribuée à Simmias de Rhodes (~ IVe s.). Chez lui, comme chez Théocrite ou Rabelais, la longueur des vers varie de façon à décrire le volume et les silhouettes d'un objet (de culte), comme l'œuf, la syrinx ou la « Dive Bouteille ». Cet objet représenté constitue le sujet des poèmes rhopaliques (du nom grec de la massue dont la forme peut être imitée). Cependant, le mot et l'image ne se superposent pas chez Apollinaire : ils forment une nouvelle entité.
Cette prouesse est déjà réalisée par Raban Maur (780 env.-856). Sa technique consiste à attribuer au texte linéaire originel deux dimensions supplémentaires par la mise en valeur picturale d'un îlot de significations s'inscrivant dans une surface qui dessine la silhouette de l'objet - église, crucifix, aigle - évoqué. L'unité de la page, respectée jusqu'à Mallarmé, éclatera avec celui-ci, les différents caractères typographiques soulignant la présence des textes virtuels qui s'emboîtent dans Un coup de dé. Loin d'être « harmonie imitative », proscrite par Apollinaire, ce texte ouvre la voie à la poésie concrète et spatiale pratiquée, avant l'heure, par Christian Morgenstern, dans une page des Chants du gibet (1905), Fisches Nachtgesang (Chant nocturne du poisson) :
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