jeudi 3 août 2017

UN POÈTE AUX COMMANDES, NERUDA ET LES RÉFUGIÉS RÉPUBLICAINS ESPAGNOLS


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PABLO NERUDA REND VISITE AUX ESPAGNOLS RÉPUBLICAINS
RÉFUGIÉS À BORD  DU WINNIPEG, BORDEAUX 1939 

PHOTO IONE ROBINSON

Le hasard a voulu qu'à peine avais-je achevé la lecture du livre passionnant de Georges Orwell, Hommage à la Catalogne, ce reportage sans concession sur la guerre d'Espagne, vue du côté des miliciens du POUM et des anarchistes engagés dans une lutte étrange contre les troupes franquistes dans laquelle ils semblent bien abandonnés par le gouvernement républicain qui ne leur fournit que des armes à moitié inutilisables, reportage complété d'une analyse politique sans concession du sabotage de la révolution par les staliniens, de la désinformation systématique organisée par la presse de gauche européenne sur la situation réelle,  un article paru dans la Croix a attiré mon attention. « L'Odyssée oubliée des réfugiés du"Winnipeg". »
J'y ai découvert qu'en août 1939,  quelques mois après la fin désastreuse de la guerre, Pablo Neruda avait, depuis Bordeaux, organisé le départ vers le Chili de 2500 réfugiés républicains, une petite partie de ceux que la France avait accueillis dans des camps de sinistre mémoire - je rappelle que leur nombre s'élevait à peu près à 400 000 -. Il avait fallu au poète une sacrée réactivité pour monter cette opération : s'assurer d'abord de l'accord d'un gouvernement chilien de type Front Populaire, obtenir une accréditation auprès des autorités françaises, se mettre à chercher un bateau d'un tonnage suffisant pour embarquer dans des conditions acceptables le plus grand nombre possible de passagers - cela fut possible grâce à l'aide du PCF qui avait créé une compagnie maritime, deux ans auparavant, pour venir en aide aux communistes espagnols - leur faire parvenir des armes soviétiques (l'information aurait fait bondir Orwell qui se plaignait à juste titre de l'obsolescence des armes qu'on avait données aux miliciens !). le plus gros bâtiment de cette flotte, le Winnipeg, est acheminé vers Pauillac, sur l'estuaire de la Gironde ; il faut encore le transformer, y aménager dortoirs et réfectoire. Les réfugiés arrivent en trains spécialement réservés et commencent d'être recensés par Neruda lui-même et des délégués des différents partis politiques républicains. Il s'agit de ne pas privilégier les uns au détriment des autres - on a, bien sûr, accusé Neruda d'avoir embarqué plus de communistes que d'anarchistes, accusation qui a depuis été démentie. Enfin tout le monde peut embarquer et le Winnipeg rejoindra le Chili un mois plus tard. Longue traversée au cours de laquelle il faut bien occuper les passagers - des activités culturelles sont organisées : lectures, chorale, ateliers de peinture ... Cette façon de ne pas oublier que l'homme ne vit pas seulement de pain est caractéristique d'une certaine idéologie de gauche dont il faut souhaiter qu'elle continue de se développer.

Bel exemple de solidarité qu'il est utile de rappeler. Je rappelle que, quelques années plus tard, sous le joug allemand, quand sera édifiée la Base sous-marine, ce monstre de béton qui devait recevoir les sous-marins et qui sert maintenant à accueillir des manifestations culturelles, les prisonniers politiques espagnols qui n'auront pu quitter la France paieront un lourd tribu à sa construction.

Je n'ai pas vu dans la presse que cet épisode qui a été commémoré au printemps dernier en présence de descendants des rescapés ait été rappelé.Mais je peux me tromper. Merci à Jean-Jacques Allevi dont l'article m'a fourni l'essentiel de ce billet.

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