mercredi 29 septembre 2010

OPÉRA: PLACIDO DOMINGO DANS LA PEAU DE PABLO NERUDA À LOS ANGELES

A 69 ans, le ténor le plus actif de la planète -- chanteur, professeur, chef d'orchestre, directeur des opéras de Los Angeles, où il a été reconduit jusqu'en 2014, et de Washington, qu'il quittera en juin prochain-- se voit offrir un rôle sur mesure, exploitant toutes les ressources d'une voix exceptionnelle sur laquelle le temps semble n'avoir aucune prise.
"Il Postino", à l'affiche à Los Angeles jusqu'au 16 octobre, est co-produit avec le théâtre viennois An der Wien et le Théâtre du Châtelet à Paris. Il retrace la rencontre et l'amitié -- fictives -- entre Pablo Neruda, alors exilé en Italie pour fuir la dictature, et un jeune postier tombé sous le charme de la poésie et de l'idéal communiste.
Si l'opéra reprend dans les grandes lignes la trame du film oscarisé -- dans lequel Philippe Noiret interpétait Pablo Neruda -- il retourne également à la source du livre qui avait inspiré le film, "Une ardente patience", du Chilien Antonio Skarmeta, en remettant notamment la politique au coeur de l'intrigue.
"Il y a des scènes entières qui n'étaient pas dans le film. Mais nous avons dû les inventer pour donner de la force au thème politique", expliquait récemment à l'AFP Daniel Catan, 61 ans, qui signe son sixième opéra.
Pour Placido Domingo, l'oeuvre a été l'occasion de se replonger dans la poésie "incroyablement difficile" de Neruda, que Daniel Catan a largement utilisée pour la rédaction du livret: "C'est une poésie que je connaissais depuis l'enfance, mais je n'ai été capable de la comprendre qu'une fois adulte", expliquait-il lors de la présentation de l'oeuvre à la presse.
Le ténor espagnol raconte également comment la relation entre le poète et le postier fait écho à sa propre expérience de chanteur au contact de jeunes artistes. "J'essaie d'enseigner des choses aux chanteurs, de leur montrer la voie, de leur donner des conseils", dit-il.
Le rôle du postier Mario est justement interprété par un jeune ténor américain, Charles Castronovo, tandis que la femme du poète, Matilde Urrutia, a la voix de la soprano chilienne Cristina Gallardo-Domas, "honorée de chanter en espagnol une histoire en rapport avec (son) pays", déclare-t-elle à l'AFP.
Elle qualifie la musique de Daniel Catan "de romantique, très mélodique, avec quelques dissonances, mais sans excès. C'est une musique qui touche le public, facile a écouter et à comprendre", assure-t-elle.
De fait, le soir de la première, on a découvert une partition puissamment tonale, à l'orchestration et aux lignes vocales largement inspirées par Puccini, et empruntant par endroits à Bizet -- à mille lieues de l'avant-gardisme musical en vigueur dans la création lyrique européenne.
Une sorte de retour au passé -- ou d'oubli du présent -- qui a plu au directeur du Châtelet Jean-Luc Choplin, qui accueillera "Il Postino" en juin.
"Je suis habitué maintenant à cette musique américaine qui ose revenir à la mémoire, sans passer par toute la série de cases musicales que nous avons en Europe", a-t-il déclaré à l'AFP après le spectacle. "Une musique qui ose plaire, ose la nostalgie, ose la beauté. On n'est plus habitué à ces valeurs".
L'écrivain Antonio Skarmeta goûtait lui aussi son plaisir en découvrant l'opéra tiré de son oeuvre, "sans être un spécialiste de l'art lyrique", avoue-t-il. "Je suis plutôt un garçon pop. Je suis un enfant du rock! Quand j'avais des cheveux, je m'identifiais aux Beatles ou aux Rolling Stones. L'opéra a commencé à m'intéresser plus tard, grâce à Mozart".

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