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PABLO NERUDA PENSIF À ISLA NEGRA AU CHILI 1969.
PHOTO SARA FACIO IMAGE RECADRÉE PAR ÉRIC ATLAN, POUR LE FILM « PABLO NERUDA » D’AMALIA ESCRIVA POUR UN SIÈCLE D'ÉCRIVAIN |
« PIDO SILENCIO » -Ñ- DE PABLO NERUDA LU PAR LE POÈTE LUI-MÊME,
CE TITRE EST EXTRAIT DE L' ALBUM « ESTRAVAGARIO » (VAGUEDIVAGUE),
PROJET DISCOGRAPHIQUE PRODUIT EN 1966, AVEC UNE SÉLECTION
DE POÈMES DU LIVRE DE NERUDA DU MÊME NOM, ÉDITÉ PAR EMI ODEON
Qu’on me laisse tranquille à présent
Qu'on s'habitue sans moi à présent
Je vais fermer les yeux.
Et je ne veux que cinq choses,
cinq racines préférées
L'une est l'amour sans fin.
La seconde est de voir l'automne
Je ne peux être sans que les feuilles
volent et reviennent à la terre.
La troisième est le grave hiver,
La pluie que j'ai aimée, la caresse
Du feu dans le froid sylvestre.
Quatrièmement l’été
rond comme une pastèque.
La cinquième chose ce sont tes yeux,
ma Mathilde, bien aimée,
je ne veux pas dormir sans tes yeux,
je ne veux pas être sans que tu me regardes :
je change le printemps
afin que tu continues à me regarder.
Amis, voilà ce que je veux.
C'est presque rien et presque tout.
A présent si vous le désirez partez.
J'ai tant vécu qu'un jour
vous devrez m'oublier inéluctablement,
vous m'effacerez du tableau :
mon cœur n'a pas de fin.
Mais parce que je demande le silence
ne croyez pas que je vais mourir :
c’est tout le contraire qui m’arrive
il advient que je vais me vivre.
Il advient que je suis et poursuis.
Ne serait-ce donc pas qu'en moi
poussent des céréales,
d'abord les grains qui déchirent
la terre pour voir la lumière,
mais la terre mère est obscure,
et en moi je suis obscur :
je suis comme un puits dans les eaux duquel
la nuit dépose ses étoiles
et poursuit seule à travers la campagne.
Le fait est que j'ai tant vécu
que je veux vivre encore autant.
Je ne me suis jamais senti si vibrant,
je n'ai jamais eu tant de baisers.
A présent, comme toujours, il est tôt.
La lumière vole avec ses abeilles.
Laissez-moi seul avec le jour.
Je demande la permission de naître.
« Je demande le silence » de Pablo Neruda, dans « Vaguedivague », page 9, traduction de Guy Suarès, Poésie/ Gallimard, mai 2013
Ce poëme est de toute beauté, avec une puissance indescriptible, tant dans les mots, dans les phrases que dans l'amour....
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