dimanche 2 avril 2017

POÈME XIV DE L'ŒUVRE POSTHUME
« ÉLÉGIE »


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LES CLOWNS CÉLESTES 



Evtouchenko est un fou,
c'est un clown,
c’est ce qu’on dit, bouche fermée.
Viens, Evtouchenko,
nous allons ne pas discuter,
nous avons déjà tout dit
avant d'arriver dans ce monde,
et il y a dans ta poésie
des rayons de nouvelle lune,
des pétales électroniques,
des locomotives,
des larmes,
et de temps en temps, salut!
en haut! en bas!
tes pirouettes, tes hautes acrobaties.

Et pourquoi pas un clown ?

Ils nous font défaut dans le monde
Napoléon, un clown des batailles
(égaré plus tard dans la neige),
Picasso, clown du cosmos,
Dansant sur l'autel
des miracles,
et Colomb, ce triste clown
qui, humilié sur toutes les pistes
nous a découverts il y a des siècles.

Il n’y a que le poète qu’on ne veut pas laisser,
ils veulent lui voler sa pirouette,
ils veulent lui enlever son saut mortel.

Je le défends 
contre les nouveaux philistins.

En avant Evtouchenko,
montrons dans le cirque
notre dextérité et notre tristesse,
notre plaisir de jouer avec la lumière
pour que la vérité étincelle
entre ombre et ombre.

Hourra !
maintenant entrons,
que s'éteigne la salle et avec un réflecteur
éclairez nos visages
pour qu'ainsi ils puissent voir
deux oiseaux joyeux
disposés à pleurer avec tout le monde.



Pablo Neruda, Poème XIV de l'œuvre posthume « Élégie » (Œuvres complètes, Tome  III) p. 766  de l'Édition d'Hernán Loyola. Chez Galaxia Gutemberg 1999. 


Traduit de l’espagnol par M.C.

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