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Placido DOMINGO. -
Je connaissais les œuvres du compositeur mexicain Daniel Catan et je voulais absolument lui passer une commande pour l'Opéra de Los Angeles, que je dirige. Il a réfléchi pendant un mois, puis il est revenu vers moi avec le projet du Postino… en me proposant par surcroît le rôle de Pablo Neruda ! J'avais adoré le film de Michael Radford, sorti en 1994. J'ai aussitôt accepté de me lancer dans l'aventure. Les créations à Los Angeles, puis à Vienne, au Theater an der Wien, se sont très bien passées. Hélas, Daniel est mort brusquement voici deux mois…
Je connaissais les œuvres du compositeur mexicain Daniel Catan et je voulais absolument lui passer une commande pour l'Opéra de Los Angeles, que je dirige. Il a réfléchi pendant un mois, puis il est revenu vers moi avec le projet du Postino… en me proposant par surcroît le rôle de Pablo Neruda ! J'avais adoré le film de Michael Radford, sorti en 1994. J'ai aussitôt accepté de me lancer dans l'aventure. Les créations à Los Angeles, puis à Vienne, au Theater an der Wien, se sont très bien passées. Hélas, Daniel est mort brusquement voici deux mois…
Parlez-nous de sa musique…
J'ai coutume de dire (avec distance, bien entendu) que c'est une sorte de Debussy sud-américain. Il y a un côté très debussyste et ravélien dans cette œuvre. Il Postino est mélodique sans pour autant renier les évolutions de la seconde moitié du XXe siècle, qui le portent parfois vers l'atonalité.
Comment avez-vous abordé le personnage de Pablo Neruda ?
Je suis depuis toujours un amoureux de la poésie. C'est un art qui est aux fondements de la culture mondiale. Mais il semble - hélas !- bien loin des préoccupations de la nouvelle génération. J'ai donc abordé Neruda comme un grand poète, mais surtout comme un être humain. S'il est bien sûr un exilé politique à la très forte conscience sociale, c'est surtout un bon vivant, amoureux fou de sa femme, et qui trouve dans cette passion le socle de sa vie.
Est-il facile de mettre ses pas dans ceux de Philippe Noiret ?
C'était un acteur incommensurable, mais il ne faut pas chercher à faire de comparaison. Un comédien parle avec son propre ton ; un chanteur, en revanche, épouse la musique, qui elle-même décrit l'action, comme les vagues de l'orchestre illustrent les mouvements de la mer face à Neruda.
Pablo Neruda est un rôle qui vient après 136 autres. Pourquoi cette boulimie ?
Je suis toujours en recherche de ce qui peut s'adapter à ma voix à un instant T. J'ai tenté dans ma carrière de marquer systématiquement une rupture dans les genres et les styles. Alterner les répertoires dramatiques et lyriques, le vérisme et le bel canto, Wagner et les grands Russes. Je parviens même maintenant à la musique baroque, avec Tamerlano, de Händel.
Vous chantez également en baryton…
C'était mon timbre d'origine et j'y reviens. J'ai récemment chanté Simon Boccanegra et Rigoletto de Verdi. L'an prochain, je serai Athanaël dans le Thaïs de Massenet. C'est un personnage mystique et surtout sans âge, comme Cyrano. Après cinquante ans de carrière, je ne peux plus chanter Roméo !
Votre longévité est fascinante. Quel est votre secret ?
Je ne peux pas l'expliquer, désolé… (Rires.) Je crois juste qu'étant moi-même musicien je me suis toujours préparé seul, face à mon piano. Je ne suis pas l'esclave d'un coach, mais j'étudie quand je veux, tout en prenant le temps de vraiment me reposer. Je crois surtout que j'ai la même passion qu'à mes débuts. Et il y a ma femme, qui reste ma meilleure conseillère : elle seule ose me dire ce qui va… ou ne va pas.
Allez-vous arrêter ?
Je ne chanterai pas un jour de trop, mais jusqu'à ce que mon intuition me dise qu'il est temps de cesser. J'imagine que je me concentrerai alors sur les récitals, mais l'opéra va me manquer : c'est une si belle maladie !
Vous avez eu des problèmes de santé. Comment allez-vous ?
Tout va très, très bien, merci !
Chérissez-vous un rôle entre tous ?
Je suis comme un Espagnol père de dix enfants : je les aime tous ! Si on en préfère un, cela signifie qu'on délaisse les autres. Alors qu'il faut chanter dans Fedora avec la même flamme que dans Parsifal. Toujours y croire. Toujours !
Quel conseil donneriez-vous à un ténor qui voudrait devenir… Placido Domingo ?
Je lui dirais d'abord qu'il doit être lui-même. Je lui expliquerais ensuite qu'il s'avance vers une vie de discipline, de sacrifice. Je lui conseillerais d'être toujours à l'écoute des autres, de garder sa curiosité, d'aller au théâtre. Je lui rappellerais que la chose la plus importante est de tenir ses engagements, même si son agent lui dit qu'il a une meilleure offre ailleurs… J'insiste sur ce point car il est essentiel ! Je lui dirais enfin qu'il lui faut un guide - un proche - en qui il puisse avoir une confiance absolue…
Quand vous entendra-t-on à l'Opéra de Paris ?
Je ne sais pas. J'ai beaucoup de rêves, ici. Je rêve de chanter dans La Walkyrie à Bastille ou dans Iphigénie de Gluck à Garnier. Je rêve aussi de diriger Le Trouvère de Verdi, car c'est le premier opéra que j'aie jamais chanté à Paris. Ce ne sont encore que des rêves, mais j'aime croire que tout est toujours possible.
Il Postino, au Châtelet, les 20, 24, 27 et 30 juin. Orchestre symphonique de Navarre, sous la direction de Jean-Yves Ossonce, mise en scène de Ron Daniels. Tél. : 01 40 28 28 40 . www.chatelet-theatre.com
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