Citation de Pablo Neruda
jeudi 1 mars 2012
HOMMAGE À PABLO NERUDA À DEUX-SÈVRES
dimanche 19 février 2012
LA LLAVE
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COUVERTURE D'UNE MAISON DANS LE SABLE |
Pierdo la llave, el sombrero, la cabeza! La llave es la del almacén de Raúl, en Temuco. Estaba afuera, inmensa, perdida, indicando a los indios el Almacén « La Llave ». Cuando me vine al Norte se la pedí a Raúl, se la arranqué, se la robé entre borrasca y ventolera. Me la llevé a caballo hacia Loncoche. Desde allí la llave, como una novia blanca, me acompañó en el tren nocturno.
Me he dado cuenta de qué cuanto extravío en la casa se lo ha llevado el mar. El mar se cuela de noche por agujeros de cerraduras, por debajo y por encima de puertas y ventanas.
Como de noche, en la oscuridad, el mar es amarillo, yo sospeché sin comprobar su secreta invasión. Encontraba en el paragüero, o en las dulces orejas de María Celeste gotas de mar metálico, átomos de su máscara de oro. Porque el mar es seco de noche. Guardó su dimensión, su poderío, su oleaje, pero se transformó en una gran copa de aire sonoro, en un volumen inasible que se despojó de sus aguas. Por eso entra en mi casa, a saber qué tengo y cuánto tengo. Entra de noche, antes del alba: todo queda en la casa quieto y salobre, los platos, los cuchillos, las cosas .restregadas por su salvaje contacto no perdieron nada, pero se asustaron cuando el mar entró con todos sus ojos de gato amarillo.
Así perdí la llave, el sombrero, la cabeza.
Se los llevó el océano en su vaivén. Una nueva mañana los encuentro. Porque me los devuelve una ola mensajera que deposita cosas perdidas a mi puerta.
Así, por arte de mar la mañana me ha devuelto la llave blanca de mi casa, mi sombrero enarenado, mi cabeza de náufrago.
Una casa en la arena, dans « De Arte de pájaros a El mar y las campanas ». 1966-1973, page 107, Obras completas, tomo III. Galaxia Gutemberg, Barcelona, 2002.
LA CLEF
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PHOTO SARA FACIO |
Comme de nuit, dans l'obscurité, la mer est jaune, j'ai soupçonné sans vérifier sa secrète invasion. Je trouvais dans le porte-parapluie, ou dans les douces oreilles de Marie Céleste des gouttes de mer métallique, atomes de son masque d'or. Parce que la mer est sèche de nuit. Elle a gardé sa dimension, son pouvoir, sa houle, mais elle s'est transformé en grande coupe d'air sonore, en un volume insaisissable qui s'est dépouillé de ses eaux. C’est pourquoi elle entre dans ma maison pour savoir ce que j'ai et combien j'ai. Elle entre de nuit, avant l'aube : tout reste dans la maison tranquille et saumâtre, les assiettes, les couteaux, les choses frottées par son contact sauvage n'ont rien perdu, mais elles ont eu peur quand la mer entra avec tous ses yeux de chat jaune.
C’est ainsi que j'ai perdu la clef, le chapeau, la tête.
L'océan les a emportés dans son va-et-vient. Un nouveau matin je les trouve. Parce qu’ils me sont rendus par une vague messagère qui dépose des choses perdues à ma porte.
Ainsi, par art de mer le matin m'a rendu la clef blanche de ma maison, mon chapeau ensablé, ma tête de naufragé.
Una
casa en la arena, dans « De
Arte de pájaros a El mar y
las campanas ». 1966-1973, page
107, Obras completas, tomo III. Galaxia Gutemberg, Barcelona, 2002.
Traduction M.C.
vendredi 10 février 2012
UNE MAISON DANS LE SABLE
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PABLO NERUDA À ISLA NEGRA PAR SERGIO LARRAIN |
Né en 1931 à Santiago du Chili, il fait ses premiers pas dans la photographie en 1949.
Photographe engagé, il consacre très tôt ses travaux au témoignage de la pauvreté et de la misère, comme on le voit dans le projet qu’il a mené auprès des enfants vivant sur les bords du fleuve Mapocho.
Il jouit très vite d’une renommée internationale : le Musée d’Art Moderne de New York acquiert certaines de ses photographies. Il part en Angleterre où il réalise en 1959 le projet « London », qui sera publié en 1998 aux éditions Hazan, et qui propulse sa carrière. Grâce à l’aide du français Henri Cartier-Bresson, il entre à l’agence Magnum cette même année et devient membre à part entière en 1961.
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PABLO NERUDA À ISLA NEGRA, SUR LA COTE PACIFIQUE CHILIENNE, PHOTOGRAPHIE PAR SERGIO LARRAIN DANS LES ANNEES 60. |
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PABLO NERUDA À ISLA NEGRA PAR SERGIO LARRAIN |
En 1965, ce Valparaíso fabuleux sera publié dans le mensuel zurichois DU, accompagnée d’un texte de son ami Pablo Neruda, ondulant dans le port, «navire échoué mais vivant».
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COUVERTURE D'UNE MAISON DANS LE SABLE |
En 1966, il publie aux éditions Lumen avec le poète Pablo Neruda l’œuvre Una casa en la arena (Une maison dans le sable) qui consiste en une description poétique et photographique de la maison du poète chilien à Isla Negra et de son environnement. L’océan, les pierres, la végétation, les collections du poète y sont chantés à travers des poèmes illustrés par l’œil perspicace de Sergio Larraín.
Une réédition de Valparaíso ─ouvrage photographique de Larraín avec des textes de Neruda─ est parue aux éditions Hazan en 1991, témoignage d’une longue amitié et de la féconde collaboration entre le photographe et le prix Nobel de littérature.
jeudi 19 janvier 2012
QUI A EMPOISONNÉ NERUDA ? ET QUI NE VOUDRAIT PAS LE SAVOIR ?
Nous y sommes donc. Manuel Araya, assistant du poète, a eu beau se faire traiter de chauffeur, dans une vaine tentative pour le décrédibiliser, il n'en a pas moins fait voler en éclat les certitudes du Chili. « Pablo Neruda disposait d'une grande influence dans le monde. Il voulait appeler les intellectuels et les présidents du monde à l'aider dans sa volonté de restaurer la démocratie dans le monde. »
Si les soupçons ont perduré durant des dizaines d'années, c'est désormais un assassinat par empoisonnement que l'on soupçonne, alors que le poète s'apprêtait à fuir le pays. En 24 heures, le Chili était passé sous la gouvernance d'Augusto Pinochet, et 12 jours plus tôt, c'est Salvador Allende qui passait l'arme à gauche.
Le juge d'instruction en charge de l'affaire n'a pas encore statué sur la demande d'exhumation. La veuve de l'écrivain, et la fondation qui porte son nom réfutent d'ailleurs la théorie d'un meurtre. Et quarante ans plus tard, difficile de savoir si un médecin a bien administré une dose mortelle au patient qu'il était censé soigner.
La coïncidence est troublante, explique l'ancien assistant, Manuel Araya : Neruda se plaint de douleurs, on vient lui administrer une dose d'analgésique - du Dipirona - qui finit par le tuer..? De quoi agrémenter la théorie du complot qui plane, évidemment, et agiter plus encore les doutes sur le gouvernement Pinochet, qui avait tout intérêt à se débarrasser de l'auteur.
Pour le docteur Sergio Draper, à l'origine de la décision, il est honteux qu'après toutes ces années on le mette en accusation. « Je n'ai rien été de plus qu'un messager. Il est scandaleux que nous soyons encore constamment soupçonnés. »
D'autant plus qu'après tout ce temps, trouver des traces de produits toxiques encore présentes dans un corps qui doit approche de la décomposition, relève de la gageure médicale. « C'est une chose de détecter une substance. Une autre de montrer qu'elle existe en quantité suffisante pour entraîner la mort. Il est difficile de déterminer si une certaine quantité a été mortelle ou thérapeutique », explique à l'AP le docteur Luis Ravanal, expert en médecine légale.
Dans tous les cas, les uns et les autres semblent s'accorder : Neruda n'est pas mort d'un cancer, comme l'histoire réécrite par le dictateur a voulu le faire croire. Au moment de son décès, le poète pesait encore 100 kg, et bien qu'ayant maigri, du fait d'une mauvaise nutrition, il était encore un homme résistant et solide - en dépit de ses 69 ans.
Chose étonnante, la fondation aujourd'hui souhaiterait plutôt que l'on n'insiste pas trop sur cette époque, ces circonstances, et que l'on ne tente pas de démêler le vrai du faux. Pour eux Manuel Araya, par qui les soupçons ont commencé, n'était après tout que son chauffeur - argument déjà déployé pour tenter de le confiner à un rôle mineur dans toute cette quête de la vérité.
Et la Fondation de confirmer que Neruda, selon elle, est bien mort de causes naturelles.
Une attitude étrange, voire incompréhensible...
mardi 17 janvier 2012
LA POÈTE CHILIEN PABLO NERUDA A-T-IL ÉTÉ EMPOISONNÉ?
Il était âgé de 69 ans et souffrait d'un cancer de la prostate lorsqu'il s'est éteint, exactement 12 jours après le brutal coup d'État au cours duquel son ami proche, le président socialiste Salvador Allende, a été tué.
Selon la version officielle, Pablo Neruda est mort de causes naturelles.
Certains Chiliens remettent en question depuis des années cette version des faits, soupçonnant plutôt que le régime de Pinochet y serait pour quelque chose.
Ces doutes pourraient revenir à l'avant-scène de l'actualité chilienne puisque le Parti communiste du Chili a demandé que la dépouille de Pablo Neruda soit exhumée afin de vérifier si les allégations à l'effet que le poète aurait été empoisonné s'avèrent.
Le juge qui enquête sur le décès de M. Neruda pourrait ordonner à tout instant que l'on procède à l'exhumation du corps.
L'avocat du Parti communiste, Eduardo Contreras, croit que le poète a été assassiné. Manuel Araya, qui a été chauffeur, garde du corps et assistant de Pablo Neruda au cours de l'année de sa mort, partage le même avis, et ce, même si la théorie de l'assassinat a été écartée par la veuve du défunt écrivain et par sa propre fondation.
Mais depuis environ 40 ans, Manuel Araya n'en démord pas: il soutient qu'un médecin, qui n'était pas le médecin habituel de Pablo Neruda, a injecté au poète une dose létale de poison à la clinique Santa Maria ou qu'il a ordonné à quelqu'un d'autre de le faire.
En entrevue avec l'Associated Press, M. Araya a raconté la dernière journée de son ancien patron à la clinique, où il était traité pour son cancer, pour une phlébite et pour un problème à une hanche.
Manuel Araya l'avait accompagné à la clinique à titre de garde du corps avant son départ prévu du Chili. Il n'était pas à la clinique médicale lorsque M. Neruda aurait reçu l'injection qui lui aurait été fatale, mais il affirme qu'une infirmière lui a fait le récit des événements.
«Comme par hasard», dit-il avec sarcasme, le docteur Sergio Draper «passait dans le couloir lorsqu'une infirmière l'a accroché pour lui dire que Neruda souffrait beaucoup. Et ce docteur, dans toute sa gentillesse, lui a alors injecté une dose de Dipirona (un analgésique), et le Dipirona... l'a tué».
Et pour ajouter à la théorie du complot, c'est dans cette même clinique qu'un autre farouche opposant de Pinochet, l'ancien président Eduardo Frei, aurait lui aussi été empoisonné alors qu'il se remettait d'une chirurgie pour traiter une hernie, en 1982. Un juge a accusé quatre docteurs et deux agents du dictateur de la mort d'Eduardo Frei.
L'un des médecins qui a été interrogé dans cette affaire, sans avoir été accusé? Sergio Draper, que l'Associated Press n'a pas réussi à joindre.
vendredi 6 janvier 2012
PABLO NERUDA A-T-IL ÉTÉ ASSASSINÉ ?
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PABLO NERUDA, LE POÈTE ET ALORS L'AMBASSADEUR CHILIEN EN FRANCE, PARLENT AVEC DES JOURNALISTES À PARIS APRÈS LA DÉSIGNATION DU LAURÉAT DU PRIX NOBEL DE LITTÉRATURE 1971. PHOTO LAURENT REBOURS |
Le témoignage du chauffeur a été publié pour la première fois en mai dernier dans le magazine mexicain Proceso. Le Parti communiste du Chili (PCC), au sein duquel militait Neruda, a aussitôt déposé une plainte pour que les causes du décès soient établies. La justice a jugé la plainte recevable et le juge Mario Carroza, qui a instruit des affaires liées aux droits de l’homme au Chili, a ouvert une enquête il y a six mois. Le dossier comprend déjà deux volumes de 500 pages. Au quatorzième étage d’un bâtiment du centre de Santiago, le magistrat évoque “l’existence d’éléments permettant de conclure à la véracité des dires d’Araya”. Actuellement, il étudie la possibilité d’exhumer le corps.
Nous sommes au mois de novembre, un samedi matin printanier à San Antonio, grand port un peu vétuste à 109 kilomètres à l’ouest de Santiago. Manuel Araya habite cette ville côtière avec sa mère de 80 ans. Cette dame craint pour la sécurité de son fils depuis qu’il a parlé, si bien que l’interview a lieu chez un pêcheur ami de la famille. Un portrait d’Allende est accroché au mur. “C’est mon dieu”, avoue la maîtresse de maison. Araya, vêtu d’un costume simple et impeccable, a gardé un souvenir très précis des faits. “Il ne se passe pas un jour sans que je me souvienne de ce qui s’est passé il y a presque quarante ans.” Fils d’un modeste couple de paysans qui ont eu treize enfants, il raconte qu’il est devenu le secrétaire particulier du poète à 26 ans. “Le Parti communiste, où je militais depuis mon plus jeune âge, m’a donné pour mission en novembre 1972 de veiller sur Neruda. Il venait de rentrer au Chili après avoir démissionné du poste d’ambassadeur en France pour raisons de santé.” Le jeune homme s’installe dans la maison de Neruda et de son épouse, Matilde Urrutia, à Isla Negra, pittoresque ville balnéaire des environs de Santiago. Dans cette maison, aujourd’hui transformée en musée, vivaient également la sœur de Neruda et trois autres employés. Au cours de ces quelques mois, Manuel Araya devient l’homme de confiance de l’écrivain. Il lui achète ses journaux et lui sert son petit-déjeuner. Ensemble, ils fréquentent les marchés et visitent les antiquaires. Manuel Araya conduit partout Neruda dans sa voiture, une Citroën.
Le cancer n’a jamais empêché le poète de mener une vie normale, raconte Araya. “Il pesait près de cent kilos. Il recevait ses amis intellectuels et politiques, ou bien leur rendait visite. Et il n’a jamais cessé d’écrire. Cela n’aurait pas été possible s’il avait été dans un état grave.” De fait, le poète a achevé ses Mémoires, J’avoue que j’ai vécu [Gallimard, coll. Folio, 1987], le 14 septembre 1973, neuf jours avant sa mort. “J’écris ces lignes hâtives pour mes Mémoires trois jours seulement après les faits inqualifiables qui ont emporté mon grand camarade, le président Allende”, note-t-il dans son dernier texte. Ainsi, il travaillait encore malgré la présence des militaires qui avaient investi son domicile au lendemain du coup d’Etat. Neruda était un ami d’Allende et l’un des plus fervents partisans de son gouvernement.
Retour sur les dernières heures
Dans la plainte déposée en mai dernier, le Parti communiste chilien reconnaît avoir, dans un premier temps, fait circuler l’idée que le poète était dans un état grave. “Dans le but de le protéger, nous avons fait croire qu’il était plus mal en point qu’il ne l’était en réalité”, précise le document. Le 16 septembre, Luis Echeverría, alors président du Mexique, demande à Gonzalo Martínez Corbalá, son ambassadeur en poste au Chili, d’offrir l’asile politique à l’écrivain et à sa femme. Neruda accepte. “C’est à ce moment-là, raconte Araya, qu’a été organisé le transfert d’Isla Negra à Santiago, d’où il devait partir pour le Mexique avec sa femme. Pour sa sécurité, Neruda fut transporté en ambulance le 19 septembre. Il était accompagné de son épouse. Je les suivais de près, au volant d’une Fiat 125. Le trajet, qui prenait normalement deux heures, a duré six heures. Les militaires nous ont arrêtés à plusieurs reprises, ils cherchaient des armes. Ce fut très humiliant.” Neruda fut admis le jour même à la clinique Santa María, dans la capitale. Selon Araya, il s’agissait d’attendre tranquillement le départ pour le Mexique. Aux dires de Gonzalo Martínez Corbalá, le départ était programmé pour le 22 septembre. “Pablo avait accepté de s’exiler”, expliquait récemment l’ancien ambassadeur dans une interview accordée au quotidien mexicain La Jornada. “A tel point qu’on m’a donné ses bagages et ceux de Matilde, ainsi qu’un paquet contenant le manuscrit de J’avoue que j’ai vécu, écrit à l’encre verte.” Le jour dit, en revanche, quand l’ambassadeur vient les chercher à la clinique pour les conduire à l’aéroport, Neruda lui demande de repousser le voyage au 24. Sans donner d’explication.
Cette conversation, qui a eu lieu la veille de la mort de Neruda, est devenue un élément clé pour les parties civiles. S’il avait été aussi mal en point qu’on le dit, le poète n’aurait pas pu bavarder longuement avec l’ambassadeur mexicain, font-ils valoir. Martínez Corbalá indique que Neruda “parlait tout à fait normalement”. Mais il affirme, contrairement à ce que dit le chauffeur, que l’écrivain ne pouvait plus tenir debout.
Manuel Araya se souvient que, le 23 septembre, l’écrivain lui a demandé d’accompagner Matilde à Isla Negra. L’écrivain voulait récupérer certains objets personnels pour les emporter au Mexique. “Vers 16 heures, tandis que nous rangions les affaires, nous avons reçu un coup de téléphone, raconte Araya. C’était Neruda. Il nous demandait de rentrer immédiatement à Santiago, car il se sentait très mal. Il nous a expliqué que, pendant qu’il somnolait, un médecin était entré dans sa chambre et lui avait fait une piqûre. Nous sommes retournés aussitôt à la clinique. Nous l’avons trouvé fiévreux, rouge, enflé.”
Le chauffeur raconte qu’à ce moment-là un des médecins lui a demandé d’aller acheter un médicament dont le poète avait besoin. “On m’a dit que je ne le trouverais pas dans le centre et que je devais me rendre en banlieue, explique Araya. J’ai trouvé ça bizarre, mais j’ai fait ce qu’on m’a dit. La vie de Neruda était en jeu.” Lors de ce déplacement, deux voitures interceptent son véhicule. Des hommes le font sortir de force. Ils le jettent à terre, le rouent de coups de pieds, et lui tirent une balle en dessous du genou. “Je garde toujours la marque de cette blessure”, précise-t-il, en remontant son pantalon. Ensuite, on l’a emmené au Stade national, l’un des centres d’arrestation et de torture mis en place par la dictature.
D’après ce qu’a établi le juge Carroza au cours de l’instruction, Araya a quitté la clinique à la demande de l’épouse de Neruda, et non du médecin. Elle l’avait envoyé acheter de l’eau de cologne pour frictionner les jambes du poète qui, à 69 ans, était atteint de goutte. Le magistrat confirme toutefois qu’Araya a bel et bien été arrêté ce jour-là et à cette heure-là. Bien des années plus tard, la veuve du poète évoquait cet épisode dans Mi vida junto a Pablo Neruda [Ma vie avec Pablo Neruda], ses mémoires publiées à titre posthume en 1986 : “Le soir commençait à tomber et mon chauffeur n’était toujours pas revenu […]. Il avait disparu avec notre voiture, et avec lui je perdais la seule personne qui m’accompagnait à toute heure du jour.” A 22 h 30, ce 23 septembre, le poète Pablo Neruda décédait à la clinique Santa María. La presse locale annonça qu’il était mort à cause d’une piqûre. Manuel Araya apprit le décès du poète quelques jours plus tard, alors qu’il était en prison. A sa libération, fin octobre, il pesait 33 kg.
Reconstituer le dossier médical
“Pourquoi avez-vous mis trente-huit ans à porter plainte pour cet assassinat présumé ? lui ai-je demandé.
— Pendant tout ce temps, j’ai frappé à mille portes, répond-il, et personne n’a voulu m’entendre. Après le retour à la démocratie [en 1990], je me suis souvent rendu au siège du Parti communiste du Chili. Mais ils ne m’ont jamais écouté. Tout ce que je veux, c’est que le monde sache que Neruda a été assassiné.”
Matilde Urrutia, décédée en 1985, a évoqué à plusieurs reprises la cause de la mort du poète. Dans un entretien paru dans quotidien espagnol Pueblo le 19 septembre 1974, elle confie : “La seule vérité, c’est que le choc de la nouvelle [du coup d’Etat] lui a provoqué, à quelques jours de distance, un arrêt cardiaque. Son cancer était presque guéri et nous n’avions pas prévu un dénouement aussi soudain. Il n’a même pas eu le temps de laisser un testament, car la perspective de sa mort lui paraissait encore très lointaine.” Rodolfo Reyes, neveu du poète et représentant légal des héritiers, s’est dit favorable à l’enquête. Le député et président du Parti communiste chilien Guillermo Teillier aussi. “Pinochet a commis des crimes contre des personnes qui auraient pu nuire à la dictature depuis l’étranger, rappelle-t-il, comme le général Carlos Prats à Buenos Aires (1974) et l’ancien ministre de la Défense Orlando Letelier à Washington (1976). Le poète aurait été un formidable représentant de la résistance.” La Fondation Neruda réfute toutefois la thèse de l’homicide : “Rien ne permet d’affirmer que Pablo Neruda soit mort d’autre chose que du cancer avancé dont il était atteint”, a-t-elle fait savoir dans un communiqué.
Le juge Mario Carroza a déjà interrogé de nombreux témoins, dont Manuel Araya. Dans les prochains jours, il entendra les témoignages de l’ancien ambassadeur du Mexique au Chili et du médecin Sergio Draper, qui s’était occupé de l’écrivain à la clinique Santa María le jour de sa mort.
Le juge Carroza et son équipe ont aussi tenté de reconstituer le dossier médical de Neruda. Ils ont enquêté au Chili et en France, où il avait été traité pour la première fois pour son cancer. La clinique où il est mort, en revanche, a expliqué qu’elle n’avait pas conservé le dossier de l’écrivain. Quoi qu’il en soit, le juge essaie de réunir le plus d’éléments possibles afin que l’Institut médico-légal décide s’il y a lieu d’exhumer le corps. “Il ne doit plus rester grand-chose de la dépouille du poète, explique Carroza. Compte tenu du temps écoulé, il faut être sûr que cette procédure peut apporter des éclaircissements importants.”
“Est-il possible qu’on ne sache jamais comment Neruda est mort ? ai-je demandé au juge. — C’est possible, en effet.”
mardi 13 décembre 2011
GERDA TARO PASSE AU RÉVÉLATEUR
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IMAGE VALENCIENNE DE GERDA TARO (1937) .PHOTO MAGNUM |
«Moment clé». La notoriété de Gerda Taro a été brève, puisque son travail s’est vite trouvé éclipsé par celui de Robert Capa, avec lequel elle a cosigné plusieurs reportages. Beaucoup d’images de la première ont ainsi été attribuées au second. Il faudra attendre 1994 pour voir la figure de Taro ressurgir des limbes grâce à la biographie que lui consacre l’Allemande Irme Schaber. Puis c’est la fameuse affaire dite de la «valise mexicaine», en 2008, qui permet de mieux connaître son parcours et ses techniques. On découvre au Mexique trois boîtes contenant 4 500 négatifs : pour l’essentiel des images faites en Espagne par Capa, Taro et David Seymour (alias «Chim») entre l’été 1936 et mars 1939. Dans ce trésor, 800 négatifs de Taro.
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ROBERT CAPA PHOTOGRAPHIÉ PAR SA COMPAGNE , GERDA TARO, DANS LE FRONT DE SÉGOVIE, DURANT LA GUERRE CIVILE ESPAGNOLE |
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SUR LA PHOTO, DE FRED STEIN (PARIS 1935), GERDA TARO ET ROBERT CAPA. DANS LE MUSÉE D'ART DE STUTTGART, ALLEMAGNE, EN JANVIER 2010, RÉTROSPECTIVE DÉDIÉE À GERDA TARO |
Cerise sur la valise, l’une des trois boîtes retrouvées au Mexique contenait une série de portraits de Gerda Taro réalisés par Fred Stein, où l’on découvre une jolie fille, un peu garçon manqué, avec une belle aptitude à la pose. Sa carrière de photoreporter n’aura duré que onze mois.
mardi 6 décembre 2011
CHILI : LE PC VEUT L'EXHUMATION DE NERUDA, POUR SAVOIR COMMENT EST-IL MORT
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PABLO NERUDA PHOTO ARCHIVE EL MERCURIO |
jeudi 1 décembre 2011
UNA CORBATA PARA NICANOR
No sólo
tiene
uvas
esta parra
de Parra,
sino
frutos mentales:
higos
rugosos
como
reflexiones,
espigas
espinudas
o nueces
encefálicas:
así es la parra
del poeta
Parra.
Él
hace
vino
de
estos
frutos
brutales
que
brotan
de
su
propia
parra,
o de
la burla
que
se hace
racimo
o
de
la bofetada
que
es
un
súbito
fruto
del
parrón
o parral.
Y si por azar puro
o por predilección
queda algún ojo
en tinta,
Nicanor
Parra
escribe
con tinta
de ojo en tinta.
Éste es el hombre
que derrotó
al suspiro
y es muy capaz
de encabezar
la decapitación
del suspirante.
Criminal tentativa!
Pero
luego
y sin remordimiento
con gran cuidado
pega
la cabeza
caída
al cuerpo
separado,
y se dirige
al río
con un saco
de sus
propios
suspiros
que tira
suspirando
a la
corriente.
Éste es el caso
del poeta
Parra
y de
la
misteriosa
fórmula
de
su parra
secreta.
Isla Negra, noviembre de 1966
Portal, núm. 5, Santiago, julio de 1967. Recogido en FDV, pp. 37-40
Obras completas V, Pablo Neruda, Nerudiana dispersa II, 1922-1973, Edición de Hernán Loyola, p121-122
mardi 29 novembre 2011
lundi 21 novembre 2011
LE «WINNIPEG» OU LA POÉSIE EN ACTES DE PABLO NERUDA
En avril 1939, le gouvernement chilien de Front populaire confie à son consul à Paris, le poète Pablo Neruda, la mission de faire émigrer un grand nombre de réfugiés de la guerre d’Espagne, qui vient de s’achever avec l’entrée des troupes franquistes à Barcelone et Madrid. En France, un demi-million de républicains venus chercher refuge sont déclarés indésirables par le gouvernement Daladier, qui les enferme dans des «camps de la honte».
Le PCF met à la disposition du diplomate le cargo Winnipeg, appartenant à une compagnie de fret créée par l’Internationale communiste pour approvisionner clandestinement en armes l’Espagne «rouge». Les cales sont aménagées pour accueillir deux dortoirs et un réfectoire. Les autorités de la République en exil sélectionnent les candidats au départ, en veillant à une juste répartition entre communistes, socialistes, anarchistes et trotskistes. Le livre, comme le documentaire, donnent la parole aux derniers survivants de la traversée. Parti le 4 août 1939 du port de Pauillac, le Winnipeg arrive, non sans péripéties, un mois plus tard à Valparaiso, où la foule attend les réfugiés au son de l’Internationale.
L’équipée ne s’arrête pas là. Le commandant de bord, anticommuniste et futur collabo, accuse l’équipage, formé de militants communistes, de fomenter une mutinerie pour livrer le bateau à l’URSS. Les quarante marins reviennent en France menottés, ils passeront six mois en prison avant que la justice ne prononce un non-lieu général. Nous sommes fin mars 1940, le régime de Vichy est instauré trois mois plus tard et une longue chape d’oubli recouvre l’histoire du Winnipeg et de son voyage vers la liberté.
(1) «Né pour naître», Gallimard, «L’Imaginaire». (2) «De Madrid à Valparaiso, Neruda et le Winnipeg», de Marielle Nicolas et Jean Ortiz. Editions Atlantica, 112 pp., 15 €. (3) «La Traversée solidaire», de Dominique Gautier et Jean Ortiz (52 mn). Dimanche à 16 h 30 à Pessac (33) au festival du film d’histoire. Sur France 3 Aquitaine mercredi à 23 h 55.
samedi 5 novembre 2011
NERUDA : LA MORT INDUITE
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PABLO NERUDA DANS SON CERCUEIL |
Le dossier –un document de 209 pages que la revue Proceso a pu consulter– remet en question l'information livrée par la clinique Santa María le jour de la mort du poète, le 23 septembre 1973, dans laquelle on assure qu'il est mort de « cancer de la prostate métastasé » comme le signale son certificat de décès.
La version de cette clinique a été confirmée par la Fondation Neruda, qui a écarté, à plusieurs reprises, la thèse de l'homicide en contredisant les déclarations de l'assistant personnel et chauffeur de Neruda, Manuel Araya.
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L'enquête judiciaire pour déterminer les causes de la mort du poète chilien a débuté le 8 mai 2011, lorsque cet hebdomadaire a publié le reportage « Neruda a été assassiné » (Revue Proceso N° 1801) dans lequel Araya dénonce que Neruda est mort par l'application d'une injection létale dans l'estomac.
Dans la dite note Araya a aussi écarté l'idée que Neruda se trouvait dans un état grave dans les jours précédants sa mort. Il signala que le transfert depuis Isla Negra vers la clinique Santa María –le 19 septembre 1973- avait pour objet d'échapper au siège dont était victime l'auteur de Crepusculario et d'attendre à Santiago, dans un lieu que l'on croyait sûr, le départ de l'avion que le gouvernement de Luis Echeverría lui avait envoyé pour le conduire au Mexique.
Les antécédents cliniques et les témoignages apparus dans le procès semblent donner raison à Araya.
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Une fausse agonie
Les médecins du Département de Criminalistique de la Police judiciaire chilienne, José Luis Pérez et Patricio Díaz Ortiz, ont envoyé le 16 août à la Brigade de recherche sur les crimes contre les droits de l'homme -chargée des enquêtes dans le cas Neruda- le rapport 75, joint au dossier. Celui-ci contient l'analyse de 13 examens médicaux effectués sur Neruda entre 1972 et 1973.
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LA VEUVE MATILDE URRUTIA ET QUELQUES PROCHES VEILLENT LE CADAVRE DU POETE PABLO NERUDA EN SEPTEMBRE 1973. PHOTO EVANDRO TEXEIRA |
« Le problème dans ce cas –remarquent les médecins de la police– c'est que l'adénome est une tumeur bénigne et non maligne. »
Mais un autre antécédent pointe dans un sens opposé. Dans le deuxième point de la même rubrique, il est précisé que dans les antécédents envoyés, on peut observer un rapport de radiothérapie au cobalt (effectué entre le 19 mars et le 18 avril 1973). « La radiothérapie est un traitement appliqué en général dans le cadre de tumeurs malignes comme par exemple un cancer de la prostate (…) ; la radiothérapie ne s'emploie pas dans le cas des tumeurs bénignes », signalent les médecins.
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LA MISE EN BIERE DE PABLO NERUDA EN SEPTEMBRE 1973, DANS UN COULOIR DE
LA MORGUE À LA CLINIQUE SANTA MARIA, À SANTIAGO DU CHILI - PHOTO EVANDRO TEXEIRA
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Le quatrième point des conclusions précise : « En ce qui concerne l'examen qui pourrait orienter la présence de métastase, c'est-à-dire, les phosphatases acides et sa fraction prostatique; celles-ci sont normales, ce qui pourrait signifier, entre autres possibilités, qu'il n'y a pas de tumeur maligne, ou que celle-ci est circonscrite à la glande ou encore qu'elle fut éliminée par la radiothérapie. Comme on ne dispose pas des antécédents cliniques du patient, il n'est pas possible de tirer des conclusions en ce sens d'après cet examen » .
Ces conclusions coïncident avec des déclarations de la veuve de Neruda, Matilde Urrutia, faites à quelques médias espagnols en 1974 et qui apparaissent dans le dossier judiciaire, dont les contenus sont protégés au Chili par le secret de l'instruction .
Dans une note publiée par la revue Pueblo du 19 septembre 1974, Mme Urrutia soutient que « le cancer dont souffrait (Neruda) était très contrôlé et nous n'avions pas prévu de dénouement si soudain. (Neruda) n'eut même pas le temps de laisser de testament puisque pour lui la mort était encore loin ».
Matilde donna le même mois une interview à l'agence EFE dans laquelle elle a confirmé sa position : « Le cancer ne l'a pas tué. Les médecins, que nous avions vus quelques jours auparavant, lui ont dit qu'ils l'avaient contré et qu'il pourrait vivre quelques années de plus ». Ces déclarations apparaissent dans le reportage « Ombres sur Isla Negra » , du journaliste espagnol Mario Amorós, publié le 22 juillet de cette année dans la revue espagnole Tiempo.
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QUELQUES PROCHES ET MATILDE URRUTIA, A VEUVE DU POÈTE PABLO NERUDA, RECUEILLIES DEVANT SA DÉPOUILLE À SANTIAGO, EN SEPTEMBRE 1973.
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Le dernier point –le numéro cinq– des conclusions du rapport médical mentionné, souligne la nécessité de disposer des fiches cliniques de Neruda et de la biopsie. Ces éléments n'ont pas été fournis par les institutions traitantes malgré la demande du juge Carroza, qui les a sollicités en vertu des démarches menées par les plaignants, les dirigeants du Parti communiste du Chili représentés par l'avocat Eduardo Contreras.
Le 28 juillet, Me. Contreras a demandé que la clinique Santa María fournisse le dossier médical du Prix Nobel. Le 22 août, le docteur Cristián Ugarte Palacios, directeur médical du dit centre de santé a répondu : « Vu le temps écoulé, je dois informer M. le juge que notre clinique ne possède pas l'information sollicitée. »
Dans une interview avec la revue Proceso, Me. Contreras exprime que cette disparition du dossier médical de Neruda « est inimaginable, non seulement parce qu'ils ont l'obligation de le préserver, puisque la loi dispose que les hôpitaux publics et les cliniques privées doivent conserver les fiches au moins 40 ans. De plus, il faut considérer que nous ne parlons pas d'un patient inconnu… Il s'agit de l'historique médical de l'un des deux uniques prix Nobel du Chili. Par conséquent, il semble assez curieux et suggestif que sa fiche n'existe pas à la clinique Santa María. »
Le juriste a ajouté qu'un prestigieux groupe d'oncologues, dont il a préféré taire l'identité pour l'instant, a analysé divers examens médicaux réalisés sur le poète dans sa dernière année de vie. Selon Me. Contreras, ils ont conclu qu'« il n'est pas possible d'accepter qu'il soit mort du cancer, qu'il n'y a pas eu de telle cachexie (affaiblissement profond de l’organisme ), que tout cela serait absolument faux » .
Me. Contreras a ajouté : « Comme on me l'a expliqué, la cachexie produit un état d'abandon dans lequel la personne est pratiquement un cadavre qui ne peut même plus parler. Et il s'avère que Pablo a parlé jusqu'à la dernière minute, et pas seulement avec l'ambassadeur du Mexique, Gonzalo Martínez Corbalá, mais aussi avec d'autres personnes. »
Dans un témoignage publié dans cet hebdomadaire (numéro 1804), Martínez Corbalá déclare que le samedi 22 septembre de 1973, il s'est présenté à la clinique pour l'informer que tout était prêt pour que lui et son épouse Matilde puissent partir pour le Mexique. Il affirme que « le poète avait meilleure mine. Et était également de meilleure humeur (…) ; Il avait l’air tout à fait maître de lui-même et je me risquerais même à dire qu’il semblait un rien optimiste ».
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Dans la feuille 206 du dossier judiciaire apparaît le témoignage de Rosa Núñez, infirmière de Neruda de 1960 à 1973. « Deux ans après la mort de don Pablo, un été, Madame (Matilde Urrutia) est venue me rendre visite. Elle m'a dit qu'elle pensait que son mari avait été tué à la clinique, sans doute par injection. Ce fut la dernière fois que je la vis ».
Cette déclaration apparaît dans la note « La solitude du capitaine », du journaliste Javier García et est publiée dans le journal La Nación du 18 septembre 2005.
Le journal chilien El Mercurio rejoint ces dires en informant le 24 septembre 1973 –un jour après la mort de Neruda– que ce dernier était mort « à la suite d'un choc subi après l’administration d’une injection».
Dans le reportage « Qui a tué Pablo Neruda ? », publié le 6 septembre dernier par la Revue Ñ, du journal argentin Clarín, le médecin Sergio Draper –qui s’est occupé du poète à la Clinique Santa María– a déclaré : « Je n’ai vu Neruda que très rapidement le dimanche 23 septembre, ce n’est pas moi qui m’occupait de lui. Ce jour-là, l'infirmière de garde m'a dit qu'apparemment Neruda avait de graves douleurs, je lui ai dit d’administrer l'injection indiquée par son médecin, si je m’en souviens bien, c'était un anti-douleur… j'ai ordonné qu’on lui administre une injection indiquée par son médecin. J'ai été rien de plus qu'un interlocuteur. C'est un comble que nous soyons constamment soupçonnés ».
Draper s’était déjà exprimé en tant que témoin dans l'enquête pour le meurtre du président Eduardo Frei , survenu dans la même clinique en janvier 1982.
Des obstacles
Dans la feuille 113 du dossier apparaissent les déclarations de nombreuses personnes liées à la Fondation Neruda, qui toutes rejettent la possibilité du meurtre de Neruda. Et ce, en discréditant Manuel Araya.
Entre autres, le chanteur et documentaliste Hugo Arévalo se fait remarquer. Il déclare que « le 18 septembre (1973) et devant les rumeurs de la mort éventuelle de Neruda, je me suis rendu, avec Charo Cofré (son épouse) à Isla Negra dans notre deux chevaux et nous avons été accueillis à l’arrivée par une personne qui s’est présentée comme son chauffeur (Araya) ».
Plus loin Arévalo signale que le poète « ne pouvait pas marcher et se sentait démoralisé » et qu’il leur a raconté que l'ambassadeur du Mexique au Chili lui avait proposé de sortir du pays. Malgré son angoisse Neruda aurait fêté avec eux le 18 septembre (anniversaire de l'indépendance chilienne) « c'est pour quoi, il nous a envoyés acheter des empanadas », affirma Arévalo.
Dans une interview avec Proceso, Manuel Araya a indiqué que le récit d'Arévalo –corroboré par sa femme– « est absolument faux ». Il affirme que ni Arévalo ni son épouse ont été à Isla Negra les jours postérieurs au coup d’Etat et que personne ne pouvait d’ailleurs aller les voir, parce que les militaires qui gardaient la maison empêchaient l’accès aux visiteurs. De plus, il a déclaré qu’ils n’ont jamais pris du vin et des empanadas ces jours-là « parce que nous n’avions pas le moral » . ![]()
Les déclarations de Cofré et d'Arévalo n'ont pas été sollicitées par les plaignants ni par le juge Carroza. Me. Contreras se demande : « Quelle est l'influence de la Fondation Pablo Neruda pour obtenir la déclaration des personnes qui n'ont pas été convoquées pour le faire ? Je le dis du fait qu'il y a une préoccupation curieuse de la Fondation Neruda pour appuyer la recherche, ou plutôt pour la faire pencher dans un certain sens. Alors je me demande : pourquoi est-ce si important pour eux ? Et lui-même se répond : « Je pense que la Fondation a intérêt à préserver l’image de son icône de marketing » .
Matilde Urrutia a mentionné maintes fois dans ses mémoires Manuel Araya : « Le soir approchait et mon chauffeur avait disparu. La veille il m'avait conduit à la clinique (…) c’était la seule personne qui m’aidait. Pauvre garçon qui errait avec Pablo dans les marchés et les brocantes… Il avait disparu avec notre voiture, je perdais avec lui la seule personne qui m'accompagnait à toute heure du jour ».
Traduction MC
N. de l'E. - Publié originellement dans l'hebdomadaire Proceso (30/10/2011), l'auteur a autorisé la diffusion du reportage dans le Clarín du Chili
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