Citation de Pablo Neruda

mardi 26 septembre 2023

TOROS

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TOROS

Toros


I


Entre las aguas del norte y las del sur

España estaba seca,

sedienta, devorada, tensa como un tambor,

seca como la luna estaba España

y había que regar pronto antes de que ardiera,

ya todo era amarillo,

de un amarillo viejo y pisoteado,

ya todo era de tierra,

ni siquiera los ojos sin lágrimas lloraban

(ya llegará el tiempo del llanto)

desde la eternidad ni una gota de tiempo,

ya iban mil años sin lluvia,

la tierra se agrietaba

y allí en las grietas los muertos:

un muerto en cada grieta

y no llovía,

pero no llovía.


II


Entonces el toro fue sacrificado.

De pronto salió una luz roja

como el cuchillo del asesino

y esta luz se extendió desde Alicante,

se encarnizó en Somosierra.

Las cúpulas parecían geranios.

Todo el mundo miraba hacia arriba.

Qué pasa? preguntaban.

Y en medio del temor

entre susurro y silencio

alguien que lo sabía

dijo: “Esa es la luz del toro”.


III


Vistieron a un labriego pálido

de azul con fuego, con ceniza de ámbar,

con lenguas de plata, con nube y bermellón,

con ojos de esmeralda y colas de zafiro

y avanzó el pálido ser contra la ira,

avanzó el pobre vestido de rico para matar,

vestido de relámpago para morir.


IV

Entonces cayó la primera gota de sangre y floreció,

la tierra recibió sangre y la fue consumiendo

como una terrible bestia escondida que no puede saciarse,

no quiso tomar agua,

cambió de nombre su sed,

y todo se tiñó de rojo,

las catedrales se incendiaron,

en Góngora temblaban los rubíes,

en la plaza de toros roja como un clavel

se repetía en silencio y furia el rito,

y luego la gota corría boca abajo

hacia los manantiales de la sangre,

y así fue y así fue la ceremonia,

el hombre pálido, la sombra arrolladora

de la bestia y el juego

entre la muerte y la vida bajo el día sangriento.


V


Fue escogido entre todos el compacto,

la pureza rizada por olas de frescura,

la pureza bestial, el toro verde,

acostumbrado al áspero rocío,

lo designó la luna en la manada,

como se escoge un lento cacique fue escogido.

Aquí está, montañoso, caudal, y su mirada

bajo la media luna de los cuernos agudos

no sabe, no comprende si este nuevo silencio

que lo cubre es un manto genital de delicias

o sombra eterna, boca de la catástrofe.

Hasta que al fin se abre la luz como una puerta,

entra un fulgor más duro que el dolor,

un nuevo ruido como sacos de piedras que rodaran

y en la plaza infinita de ojos sacerdotales

un condenado a muerte que viste en esta cita

su propio escalofrío de turquesa,

un traje de arco iris y una pequeña espada.


VI


Una pequeña espada con su traje,

una pequeña muerte con su hombre,

en pleno circo, bajo la naranja implacable

del sol, frente a los ojos que no miran,

en la arena, perdido como un recién nacido,

preparando su largo baile, su geometría.

Luego como la sombra y como el mar

se desatan los pasos iracundos del toro

(ya sabe, ya no es sino su fuerza)

y el pálido muñeco se convierte en razón,

la inteligencia busca bajo su vestidura

de oro cómo danzar y cómo herir.

Debe danzar muriendo el soldado de seda.

Y cuando escapa es invitado en el Palacio.

Él levanta una copa recordando su espada.

Brilla otra vez la noche del miedo y sus estrellas.

La copa está vacía como el circo en la noche.

Los señores quieren tocar al que agoniza.


VII


Lisa es la femenina como una suave almendra,

de carne y hueso y pelo es la estructura,

coral y miel se agrupan en su largo desnudo

y hombre y hambre galopan a devorar la rosa.

Oh flor! La carne sube en una ola,

la blancura desciende su cascada

y en un combate blanco se desarma el jinete

cayendo al fin cubierto de castidad florida.


VIII


El caballo escapado del fuego,

el caballo del humo,

llegó a la Plaza, va como una sombra,

como una sombra espera al toro,

el jinete es un torpe

insecto oscuro,

levanta su aguijón sobre el caballo negro,

luce la lanza negra, ataca

y salta

enredado en la sombra y en la sangre.


IX


De la sombra bestial suenan los suaves cuernos

regresando en un sueño vacío al pasto amargo,

solo una gota penetró en la arena,

una gota de toro, una semilla espesa,

y otra sangre, la sangre del pálido soldado:

un esplendor sin seda atravesó el crepúsculo,

la noche, el frío metálico del alba.

Todo estaba dispuesto. Todo se ha consumido.

Rojas como el incendio son las torres de España.




jeudi 21 septembre 2023

ANTONIO QUINTANA PHOTOGRAPHE

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AUTOPORTRAIT D'ANTONIO QUINTANA

Professeur de physique-chimie et de géographie, responsable syndical, membre du Parti communiste, Antonio Quintana Contreras est le fondateur de la première école de photographie chilienne dans les années 1940.
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AUTOPORTRAIT D'ANTONIO QUINTANA

Antonio Quintana, né en 1904 et mort le 21 juin 1972, est un photographe, illustrateur, auteur et enseignant chilien. Il est l'auteur d'une œuvre sur le Chili des années 1930 à 1960, proche de la photographie humaniste d'un Robert Doisneau ou Willy Ronis. Il a notamment réalisé une série intitulée Las manos del Hombre (les mains de l'homme), où il photographie des milliers de mains de paysans et de travailleurs du pays.


Antonio Quintana Contreras, photographe engagé, n’aura guère le temps de participer à l’avènement de l’Unité Populaire. Il meurt le 21 juin 1972 dans le jardin de sa maison, rue Fernando Marquez de la Plata à Santiago (à deux pas de la « Chascona », maison de Pablo Neruda à Santiago du Chili) des suites d’une hémorragie cérébrale. À ses funérailles, Salvador Allende le célèbre par ces mots : « avec Quintana disparaît l’un des meilleurs d’entre nous », ainsi se tourne avec sa disparition l’une des pages principales de l’histoire de la photographie documentaire et sociale au Chili.

lundi 3 avril 2023

PROLOGUE DE LA NOUVELLE ÉDITION DE «RÉSIDENCE SUR LA TERRE»

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EL POETA CHILENO, RAÚL ZURITA, EN 2018. FOTO AGENCE OPALE / ALAMY

 

Ñ

Raúl Zurita écrit sur « un miracle » appelé Pablo Neruda / L'auteur chilien, l'un des plus influents de la poésie vivante en espagnol, célèbre dans un nouveau prologue la maestria de son compatriote et lauréat du prix Nobel dans «Résidence sur la terre»

Ce sont des images, des ailes, des solitudes. Neruda : le dernier cap des mots

Parmi les plumes qui effraient, parmi les nuits,

parmi les magnolias, parmi les télégrammes,

parmi le vent du Sud et l'Ouest marin,

 te voici qui viens en volant.

(Voici Alberto Rojas Jiménez qui vient en volant) 1

C'est l'un des poèmes les plus prodigieux jamais écrits et le simple fait qu'il existe, ainsi que le livre qui le contient, est un miracle. Dans un autre poème du livre, on trouve la vision hallucinante d'un début :

Comme des cendres, comme des mers se peuplant,

dans la lenteur submergée, dans l’informe,

ou comme on entend du haut des chemins

la traversée en croix des coups de cloches, 2

RAÚL ZURITA

PORTADA DE
 «RESIDENCIA EN LA TIERRA»

C'est le début de « Galop mort », le premier poème de Résidence sur la terre, et l'effet est immédiat : on parvient à entrevoir les traces d'une nouvelle genèse : le ton, la texture de l'image, sa blancheur, son immensité, et notre impression est une fois de plus celle d'être devant un monument impossible : rien dans Résidence sur la terre n'était prédit. Contrairement à Borges, par exemple, dont l'œuvre, sans doute grandiose, est d'une manière ou d'une autre contenue dans l'horizon spéculatif d'un monde qui a créé la théorie de la relativité et des géométries multidimensionnelles, il n'est donc pas invraisemblable de déduire, à la manière de Borges, que s'il n'avait pas écrit «Les Ruines circulaires» ou « L'Aleph », quelqu'un d'autre, un autre Borges, l'aurait fait. Il n'y avait rien, absolument rien dans une culture ou dans une histoire ou dans une langue qui suggérait que cet ensemble de poèmes allant de «Galop mort» à «Josie Bliss», qui clôt le deuxième volume de Résidence, pouvait être écrit, mais il le fut.

C'est-à-dire que l'immortelle litanie d'Alberto Rojas a été écrite comme un naufrage vers l'intérieur, nous mourons, à partir de « Seule la mort », fut écrite l'eau originelle et les cendres de «Walking around». 

L'instantanée luminosité d'une nouvelle naissance avec l'obscurité informe et ineffaçable d’une nouvelle mort furent écrites d’un même tenant.

Comme on sait, les poèmes qui compsent les deux Résidences ont été écrits entre 1925 et 1935, alors que Neruda était consul en Orient, d'abord à Rangoon, puis à Colombo et Batavia, l'actuelle Jakarta, une période que tous ses érudits s'accordent à signaler comme décisive pour son œuvre et pour sa vie. Cette affirmation est indiscutable et en même temps creuse ; les circonstances biographiques rendent comptent du point blanc de l'écriture, mais sont incapables d’inclure son ombre. Cette rectification centrale des données que l'art imprime sur la vie et qui est précisément ce que nous appelons Rimbaud, Whitman, Borges, Neruda.

Mais même au-delà de cela, il y a quelque chose qui se passe spécifiquement avec la poésie, quelque chose qui n'a pas encore été formulé et qui la rend profondément réfractaire au vice des interprétations. Parallèlement au monde, les grands poèmes représentent la dernière limite du langage, il n'y a rien au-delà, et donc ils sont eux-mêmes l'ultime interprétation, le dernier cap de mots.

Il n'y a d'autre dialogue avec la poésie qui ne soit celui de l'émotion et de l'inférence (mais cette émotion et cette inférence ont forgé les nations, créé des peuples, annoncé d’interminables apocalypses). On peut alors imaginer les paysages et les scènes des Résidences ; ces cendres, ces mers qui se peuplent et, devant elles, cet être encore sans nom qui, en un instant, voyant les brisants balayer encore et encore la plage déserte, comprend soudain qu'ils seront toujours là, s’élevant et descendant sans fin. Mais qu'il y aura une aurore où cet être sans nom ne les verra plus. À partir de là, il fait la plus transcendante des découvertes, celle qui s'insère dans chaque particule de ce que nous sommes (dans ces doigts qui tapent à la machine avec difficulté, dans les chansons que j’écoute dès l'aube pour chasser l'angoisse, dans mon scepticisme, dans ta soif, María): découvre la mort, et immédiatement après découvre le langage, qui est avant tout le sortilège que l'être humain jette face à l’évidence absolue, incompréhensible, terrifiant que nous devons tous mourir. Le premier de ce sortilège est ce que nous appelons le poème.

C'est le fait poétique central et l'apparente étrangeté de la géographie nérudienne, ses lits flottants, ses magasins orthopédiques sont les sortilèges que le langage jette à la mort pour la différer. Dans cet affrontement radical, irrécusable, toutes les sphères de l'existence sont mobilisées. Nous sommes les enfants de cette confrontation, nous sommes les enfants de la mort et du poème. Tendus entre la mort et la vie, les poèmes des Résidences nous font voir que dans cette lutte titanesque, dévastatrice, sans fin que mènent entre eux ces deux frères jumeaux, la langue et la mort, l'histoire de la poésie est l'histoire éternellement vaincue et éternellement renouvelée des sortilèges par lesquels le langage tente de différer le devoir de mourir.

Les poèmes de Résidence sur la terre, dans leur étonnante particularité, dans leur registre unique, dans leur fidélité aux sons réellement entendus par Neruda, fusionnent avec les mots de nos vies, donnant à la langue que nous parlons, à cette langue pour nous datée, la possibilité symbolique d'un nouveau départ. D'une nouvelle alternance où les êtres et les ombres qui parlent dans ces poèmes, dans leur jargon des morts, dans leurs cloches silencieuses, dans leurs océans d'origine et de cendres, sont tour à tour les milliers et millions de fragments d'expériences, d'échecs, d'érotisations, de femmes en train d'uriner et de petits fonctionnaires qui défilent dans les rues de Rangoon et d'autres qui déambulent entre boutiques de tailleurs et vêtements suspendus, hermétiques comme un cygne de feutre, qui, se rejoignant un à un, composent l'humanité qui habite les Résidences. Ce n'est pas une voix, c'est ce recueil gélatineux, presque infini, de sang, de nerfs, de culture, de rêves, de souvenirs, d'héroïsme inattendu, de selles et d'espoirs qui se vident dans le langage, ce qui apparaît dans cette synthèse qui pointe du même coup les limites infranchissables d'un vide. Neruda est Neruda parce qu'il est l'humanité entière, l'humanité entière est l'humanité entière parce que c'est un vide, Neruda est l'humanité entière parce que c'est le vide que la mort laisse derrière elle en paroles :

Mais la mort marche aussi à travers le monde munie d'un balai,

elle lèche le sol cherchant des défunts,

la mort est sur le balai,

c'est la langue de la mort cherchant les morts,

c'est l'aiguille de la mort qui cherchant le fil. 3

Installé au cœur de la langue, seul Pablo Neruda, c'est-à-dire, seul ce chiffre, ce temps que nous appelons aujourd'hui Pablo Neruda, a pu écrire Résidence sur la terre, mais il a pu le faire parce que ses lecteurs sont des êtres blessés, qui saignent, qui suivent le vers de ces poèmes, les stations de son sang et de sa mort. 

Nous résidons sur la terre, c'est-à-dire que nous résidons dans la vérité nue de cette écriture, non dans sa rhétorique, mais dans ce laconisme essentiel qui a l’irrémédiable : nous sommes des êtres morts prêtés à la vie une seconde, nous vivons, nous mourons, et c’est cette condition extrême et paradoxale qui nous est maintes et maintes fois rappelée dans les chefs-d'œuvre : la Comédie de Dante, Don Quichotte, Shakespeare, Dostoïevski, Whitman, Rimbaud, les Cantos de Pound, Résidence sur la terre, le Chant général de Neruda. En d'autres termes, ce que ces œuvres nous montrent, c'est que nous ne sommes pas habités uniquement par nos rêves, tout comme nous ne sommes pas punis uniquement pour nos crimes. 

Dans un monde qui a multiplié à l'infini le présent de Troie, et qui a mené la planète au bord de l'effondrement, ce qui est réel, ce qui est effroyablement réel, c'est le vide laissé par les mots une fois prononcés.

Derrière « Seulement la mort », il n'y a que la mort. Condamnés à ne pas oublier (la destruction de Troie n'a pas eu lieu, elle arrive et Homère n'est que l'ondulation de son avenir), nous plongeons dans ce passé intemporel où l'immense fantasmagorie qui survole Alberto Rojas Giménez, ces « mers sans personne », ce « seul parmi les morts », ce « seul à jamais » arrivent en volant sans ombre et sans nom, sans sucre, sans bouche, sans rosiers. De plus, tout se passe comme si ces entités abstraites, mortes, transformées en concepts dans ce présent perpétuel qu'est la poésie, en faisaient la dernière interprétation, nous montrant au passage que l'humain (j'insiste pour appeler ainsi cette mer, ce débordement) non seulement il n'est pas propriétaire de la langue qu'il parle, mais, au contraire, il est pris dans une invention de mots. Dans un monde qui a multiplié à l'infini le présent de Troie, et qui a la planète au bord de l'effondrement, ce qui est réel, ce qui est effroyablement réel, c'est le vide laissé par les mots une fois prononcés, la tache noire laissée par les mots une fois écrits, le bruit infernal des bombardements, des massacres, des millions d'émigrés mourant aux frontières qui laissent les mots une fois entendus...

On comprend alors que la poésie n'est pas le confessionnal du moi, c'est le confessionnal des autres.

Voici Alberto Rojas Jiménez qui vient en volant. Ce sont des images, des ailes, des solitudes...

La mer est là. Je descends la nuit et je t'entends

venir en volant sous la mer désertée,

sous la mer qui m'habite, obscurcie :

te voici qui viens en volant.


J'entends tes ailes et ton vol lent,

et l'eau des morts me frappe

comme des colombes aveugles et mouillées :

 te voici qui viens en volant.


Te voici qui viens en volant, seul solitaire,

seul parmi les morts, seul à jamais,

te voici qui viens en volant sans ombre et sans nom,

sans sucre, sans bouche, sans rosiers,

te voici qui viens en volant. 1

Ce sont des images. C'est un ton, un timbre, un tremblement. Ancré dans un temps indiscernable, un être encore sans nom comprend que les étoiles qu’il a vues il y a un instant seulement sont la réfutation ultime du temps et de l’histoire.

Raul Zurita. Ospedale Maggiore, Milan, 16 juillet 2019.


Ce texte est le prologue de la nouvelle édition de «Résidence sur la terre» que la maison d'édition Lumen [maison d’édition espagnole du groupe Penguin Random House] publie ce jeudi. [23 février 2023]

Notes: 

* 1. « Voici Alberto Rojas Jiménez qui vient en volant», Page 120-123.

* 2. « Galop mort », Page 15-16.

* 3. « Seulement la mort », Page 78-79.

Dans Résidence sur la Terre, Poésie Gallimard Traduit de l'espagnol par Guy Suarès, préface de Julio Cortazar, 224 pages sous couv. ill., 108 x 178 mm. Collection Poésie/Gallimard (No 83) (1972), Gallimard -poés. ISBN 9782070318834. 8,60 €


samedi 1 avril 2023

LA BANDERA

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LA BANDERA NERUDIANA




Mi bandera es azul y tiene un pez horizontal que encierran o desencierran dos círculos armilares. En invierno, con mucho viento y nadie por estos andurriales, me gusta oír la bandera restallando y el pescado nadando en el cielo como si viviera. Y por qué ese pez, me preguntan. ¿Es místico? Sí, les digo, es el simbólico ictiomín, el prescristense, el cisternario, el lucicrático, el fritango, el verdadero, el frito, el pescado frito.

—¿Y nada más?

—Nada más.

Pero en el alto invierno allá arriba se debate la bandera con su pez en el aire temblando de frío, de viento, de cielo.


Neruda, Pablo. Una casa en la arena.
Barcelona, Lumen, 1966.
  PABLO NERUDA. SERGIO LARRAIN (Foto) 1966


LOGO NERUDIANO

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mardi 28 mars 2023

lundi 20 mars 2023

CHILI - UN PANEL D’EXPERTS RÉVÈLE QUE NERUDA EST DÉCÉDÉ APRÈS L’INOCULATION « BIO-TERRORISTE » DE LA SOUCHE ALASKA E43 DE CLOSTRIDIUM BOTULINUM

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LE TOMBEAU DE PABLO NERUDA 
PHOTO RODRIGO GARRIDO 
Lundi 6 février 2023 - Une source bien informée sur le sujet – qui a préféré taire son identité – nous a indiqué que ce crime a exigé des connaissances importantes en chirurgie et en microbiologie, pour révéler l’évidence de la réalité des faits.

par Francisco Marín Castro

PHOTO FINA TORRES
La souche Alaska E43 de Clostridium botulinum, dont l’ADN a été détecté dans la pulpe d’une molaire de Pablo Neruda est la cause de sa mort survenue à 22h30 dans la nuit du 23 septembre 1973.

C’est la conclusion principale qui ressort des deux communiqués de 30 pages chacun élaboré par les experts du Centre de l’ADN ancien de l’Université de Mac Master (Canada) et de la section de Génétique légale du département de médecine légale de l’Université de Copenhague (Danemark).

« NERUDA FUT  ASSASSINÉ »
(FRANCISCO MARIN. PROCESO N°1801,
8 MAI 2011 PAGE 56)

C’est ainsi que serait corroborée la version de l’assistant du poète, Manuel Araya à ce rédacteur, déclarant que Neruda avait été assassiné par une injection non programmée dans l’abdomen, aux environs de 4 h de l’après midi du 23 septembre. Version rendue célèbre par un reportage « Neruda a été assassiné (Francisco Marin. Proceso n°1801, 8 mai 2011) qui a décidé de l’ouverture de l’investigation, Ref 1038-2011, « Le cas Neruda » du même mois et de la même année que la publication citée.

Ce troisième panel d’experts en « génomique protéomique » a surgi après que dans le deuxième panel – qui a été réalisé entre 2015 et 2017- a été découvert l’ADN de Clostridium botulinum dans la pulpe d’une molaire, ce qui imposait de définir le caractère homicide ou non de celui-ci.

« NERUDA FUT  ASSASSINÉ »
(FRANCISCO MARIN. PROCESO N°1801,
8 MAI 2011 PAGE 57)

Cette instance a conclu également à la non validité du certificat médical de décès émis le 24 septembre 1973 qui établissait que la cause de la mort était due à un cancer métastasé de la prostate.

Le certificat de décès a été délivré le 24 septembre 1973 par le médecin traitant de Pablo Neruda, l’urologue Roberto Vargas Salazar, qui n’était pas présent dans la clinique au moment du décès de Neruda ni dans les heures qui ont suivi.

« NERUDA FUT  ASSASSINÉ »
(FRANCISCO MARIN. PROCESO N°1801,
8 MAI 2011 PAGE 58)

Divers témoignages recueillis par cet enquêteur, outre celui de Araya, comme celui fourni par l’ambassadeur du Mexique au Chili, Gonzalo Martínez Corbalá aujourd’hui décédé, ainsi que d’autres qui sont consignés dans le dossier (de plus de 4mille pages), comme ceux émanant de Matilde Urrutia elle même et des infirmières qui étaient au chevet de Neruda dans ses derniers instants, affirment tous que Neruda n’était pas dans un état grave, loin de là, dans la clinique Santa María.

« NERUDA FUT  ASSASSINÉ »
(FRANCISCO MARIN. PROCESO N°1801,
8 MAI 2011 PAGE 59)

En fait, il travaillait à ses mémoires, assisté de son secrétaire (également assassiné) Homero Arce : « il lisait presque toute la journée », comme l’atteste l’infirmière Patricia Albornoz (page 256). Il était alité. Il aimait avoir des peluches dans son lit, des jouets en peluche, et il en avait pas mal …il plaisantait …il blaguait…il conversait » selon ce que nous a dit l’ambassadeur Martínez Corbalá (Marín et Casasús, El doble asesinato de Neruda, 8 Libros, 2012).

Les examens de laboratoire de Neruda – de son vivant – révélaient qu’il souffrait d’une infection urinaire sévère qui apparemment n’était pas correctement traitée, mais qui en aucun cas n’aurait pu provoquer une mort aussi brutale que celle dont il a souffert. Neruda n’a jamais été en soins intensifs et les seuls traitements qui lui étaient administrés étaient ceux que lui donnait son épouse.

S’il avait été dans un état grave – comme l’affirment les proches de la Fondation Neruda – le minimum aurait été l’hospitalisation dans la meilleure clinique privée du pays : contrôle de ses constantes vitales, perfusion et il n’aurait pas été assisté seulement de son entourage et d’une amie, comme ce fut le cas.

La vérité est que Neruda avait prévu une consultation dans cette clinique avant son voyage au Mexique qui devait avoir lieu le matin du 22 septembre et qui fut repoussé au 24 de ce mois là, raison pour laquelle le voyage n’a pas eu lieu.

Une longue attente

Le représentant du Second panel d’expert génomique, Aurelio Luna, professeur au Département des sciences socio-sanitaires de l’Université de Murcia a indiqué – assisté de 11 autres experts réunis à l’hôtel San Francisco de la capitale chilienne, le 20 octobre 2017- que des études de génomique microbienne permettront de confirmer ou d’exclure, en un laps de temps d’entre six mois et un an, l’intervention d’un tiers dans la mort du poète « alors que, au vu des résultats qui existent actuellement et l’attente de ces nouveaux résultats, nous ne pouvons ni exclure ni confirmer le caractère de mort naturelle ou de mort violente de Neruda.

Cependant ces six mois se sont transformés en plus de 5 ans. En cela ont été déterminants les délais et les obstacles imposés par les Services de médecine légale (SML) pour élucider le cas. Cette institution a même refusé de remettre les échantillons de terre recueillis près de l’urne de Neruda que détenait sa veuve Matilde Urrutia, à Isla Negra. Ceux-ci étaient nécessaires pour analyser la présence de toxine botulique dans l’entourage de la tombe de Neruda, fait qui aurait pu en expliquer la présence dans le corps de Neruda (par contamination) de cette bactérie létale.

Le ministre Mario Carraza (qui a instruit cette cause jusqu’à fin de 2019) a du ordonner la perquisition de SML pour obtenir ces échantillons, qu’il a finalement obtenus.

Un autre obstacle a été l’absence de soutien du gouvernement de Sebastián Piñera (2018- 2022) au financement de ce troisième panel, qu’il a finalement accepté. La pandémie a aussi été un obstacle à l’élucidation du cas Neruda car les laboratoires internationaux impliqués ont du privilégier – pour un temps- la lutte contre l’épidémie sur l’élucidation de la mort du Prix Nobel chilien. À l’occasion de la commémoration du cinquantième anniversaire du coup d’État, il semblerait qu’est arrivé pour Neruda le moment de la vérité.

Troisième panel « génomique protéomique

Ce troisième panel (de caractère hybride ou semi-présentiel) a débuté le 24 janvier et se prolonge jusqu’ au 3 février, jours où les experts remettront les premières conclusions à la ministre Paola Plaza, en charge de la cause depuis janvier 2020

Cela aura lieu en réunion à partir de 15h le vendredi 3 mars. Après cela les experts et les avocats des parties en présence (Parti communiste, Succession Reyes et Ministère de l’intérieur) seront à disposition de la presse. Cependant les rapports définitifs et les conclusions seront remis à la ministre Plaza le 7 mars. Ce sera elle (et non les experts) qui déterminera si Neruda a été assassiné ou non.

En accord avec la résolution du 12 janvier de cette magistrate, le travail de « recherche et détermination de vestiges moléculaires au moyen de la technologie Next Generation Sequencing (NGS) est de la responsabilité des docteurs Debi et Hendrick Poinar (Mac Master) et de Niels Morling et Marie-Louise Kampmann.

Les experts en NCS Romilio Espejo (PhD Chimie, biologie moléculaire et génétique, outre le Prix national des Sciences du Chili) et Maria Paz Weisshaar (docteure en microbiologie et ingénierie génétique) ont été désignés superviseurs indépendants des rapports et des concluions de Mac Master de Copenhague, respectivement.

L’infectiologue Alexis Diomedia a du rapporter des antécédents concernant le Clostridium botulinum et les maladies associées à sa présence dans les humains. La coordinatrice de ce troisième panel est la docteure Gloria Ramírez Donoso (M.Sc International Health Management Development) nommée à cette fonction par le juge Carroza, en mars 2018.

Lors de la troisième réunion décisive des experts du cas Neruda – à laquelle de toute évidence n’a pas été convié le SML – « la grande différence a été l’application de NCS qui a permis de réaliser un analyse de microbiologie légale » selon ce que nous a indiqué une source importante.

Comme l’a indiqué le Docteur Ramilio Espejo- dans son rapport du 9 juin 2013 adressé au ministre Carroza– « les nouvelles méthodologies de séquençage massif de l’ADN (NGS en anglais) ont été utilisées en médecine, y compris en médecine légale, permettent de mettre en évidence ce qu’il est impossible d’obtenir avec les méthodes antérieures. Cette technologie se distingue par le fait qu’elle permet d’obtenir de grandes quantités de données de séquence ADN qui permettent d’identifier l’origine de l’échantillon et la présence d’ADN d’organismes étrangers, même quand les tissus ont subi des dégradations importantes »

Cette méthodologie permet l’utilisation d’équipements d’auto-analyseurs de milliers d’échantillons en même temps. Comme résultat de leur utilisation on a pu trouver la souche Alaska E43 dans la seule molaire sans carie ni obturation de Neruda et qui empêchait la contamination par des agents extérieurs.

Les dents, à l’apex de la racines ont un micro-orifice par où pénètre le sang envoyé par le cœur depuis le ventricule gauche, qui est celui qui irrigue les tissus. C’est là qu’arrivent les globules et éventuellement des bactéries anaérobies (qui ont besoin d’un milieu avec peu ou pas d’oxygène) comme c’est le cas de Clostridiuum botulinum.

Les conclusions

L’organisation de la rédaction des conclusions du Panel s’est faite autour de trois questions :

 1.- La bactérie découverte dans la molaire était-elle endogène ou exogène ? Ce qui conduit à discerner si cette bactérie pénétra dans le corps de Neruda avant ou après sa mort.

Les deux laboratoires (du Canada et du Danemark) sont arrivés aux mêmes conclusions : la bactérie a atteint Neruda avant sa mort, c’est à dire qu’elle était endogène. Il faut savoir qu’il n’est pas normal qu’un organisme qui contient cette bactérie ne développe pas une forme grave de botulisme.

À noter que la toxine botulique (produite par le Clostridium botulinum) est la « cause de l’empoisonnement puissant le plus connu » selon The New Encyclopaedia Britannica 15° Ed.( fondée en 1768) , vol. 3 : Micropaedia.

 2.- Jusqu’à quelle point est pathogène la souche de clostridium botulinum trouvée chez Neruda. La souche Alaska E43 est une des plus pathogènes de celles qui sont enregistrées et classées.

De cette bactérie est resté du matériel génétique mais pas de matériel toxicologique. Néanmoins cela s’explique par ce que c’est une protéine qui se dégrade avec le temps.

 3.- la bactérie pourrait-elle expliquer la mort de Neruda ?

Oui ; elle le pourrait. Il n’est pas courant que dans un centre hospitalier apparaissent des cas de Clostridium botulinum. Par ailleurs, durant l’hospitalisation de Neruda il n’y a pas eu d’autres cas de présence de Clostridium botulinum. Donc, étant donné son caractère létal il n’y a pas eu de transmission asymptomatique de ce bacille ou de cette bactérie.

Le fait qu’il ait été trouvé dans la pulpe d’une molaire implique qu’il a été transmis par le flux sanguin.

Pour ce qui relève de la question de la juge Plaza quant à la porte d’entrée de la bactérie, l’infectiologue Diomedi a répondu qu’une possibilité est que celle-ci ait pénétré dans le corps de Neruda à travers le tablier des epiplones, qui se situe dans la zone de l’abdomen, riche en vascularisation artérielle, veineuse et lymphatique. Cela implique que cette toxine ait pu se disséminer rapidement au niveau systémique généralisé ce qui pourrait avoir signifié une mort en quelques heures.

Une source bien informée sur cette cause- qui a préféré ne pas révéler son identité - nous a indiqué que ce crime a supposé une connaissance en microbiologie et en chirurgie pour être commis avec une efficacité démontrée. Néanmoins, elle précise que la culture de Clostridiumbotulinum en laboratoire n‘est pas d’une grande complexité, raison pour laquelle elle aurait pu avoir lieu dans le laboratoire même de la clinique.

Selon ce qu’indique la médecin professeure de pédiatrie du laboratoire d’infectiologie et de virologie moléculaire (Université catholique du Chili) Marcela Ferrés « un agent infectieux est sélectionné pour être utilisé comme arme biologique s’il répond aux critères de haute infection, contagiosité élevée, haute létalité (qui n’a pas de traitement antimicrobien disponible ou difficile d’accès ou d’une toxicité élevée), pour laquelle il n’y a pas d’antidote ou de vaccins.

La chercheuse ajoute (dans l’article « Agentes Biológicos y Bioterrorismo » publié dans le n° 73, vol. 1 de la Revista Chilena de Pediatría, janvier 2002) que « des exemples de maladie infectieuses de forte létalité sont l’anthrax par inhalation et l’intoxication botulique ».

En rapport avec celle-ci elle remarque « le botulisme se manifeste par une paralysie musculaire progressive et symétrique qui conduit à une insuffisance respiratoire à des délais variables selon la porte d’entrée de la toxine (…).La paralysie musculaire est irréversible sans le recours à la ventilation qui peut être nécessaire durant des semaines et des mois jusqu’à se régénèrent les terminaisons nerveuses bloquées par la toxine au niveau présynaptique. La toxine botulique est la plus létale de toutes les toxines, à la dose de 0,001 microgramme par kg pour entrainer la mort de 50% de ceux qui sont contaminés ».

Traduction française de Françoise Couedel

 Source (espagnol) El Ciudadano

mardi 7 mars 2023

¡FELIZ RETORNO A CLASES! NERUDA EL ESTUDIANTE

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NERUDA EL ESTUDIANTE 

¡Feliz retorno a clases! Neruda el estudiante  / "En un día del año 1923 pasó por la puerta del viejo Pedagógico el Presidente de la República de entonces, don Arturo Alessandri Palma. Los corrillos de estudiantes allí detenidos no lo saludamos respetuosamente. Lo miramos simplemente con curiosidad, sin hablar. La verdad era que no lo considerábamos nuestro amigo.

Fundación Pablo Neruda 

PROPAGANDA POLÍTICA
CIRCA 1925

El antiguo León de Tarapacá agitó su simbólica melena y su bastón y nos acusó de irrespetuosos e insolentes. Tampoco respondimos, y él pronto siguió andando entre su indignación y su bastón.

Medio siglo ha pasado, y ahora un compañero Presidente viene hacia ustedes a dictar una primera clase magistral, a mezclarse en el conocimiento, en la inteligencia y en la vida de estudiantes y maestros.

También nuestro Presidente, nuestros estudiantes, nuestra vida ha cambiado.

Sin embargo, mis recuerdos recorren tiernamente la vieja escuela universitaria en que conocí la amistad, el amor, el sentido de la lucha popular; es decir, el aprendizaje de la conciencia y de la vida.

De aquella escuela y de mis alojamientos sucesivos de estudiante pobre salieron a las imprentas mis primeros libros: Crepusculario , el año 1923; 20 Poemas, que cumplirá cincuenta años de vida el próximo año de 1974.

La poesía, la curiosidad delirante, la fermentación de todos los libros, la embriaguez juvenil de hallar otros seres que sueñan los mismos sueños que nosotros, las calles Echaurren, República, Av. España, llenas de pensiones juveniles; los poetas Cifuentes, Sepúlveda, Romeo Murga, Eusebio Ibar, Víctor Barberis, desaparecidos de la existencia, pero no de la poesía; las calles inquietas en que lo impresionante al atardecer era una súbita ráfaga, fragancia de madreselvas o de lilas. Aquellos amores gozosos, lancinantes y efímeros, todo esto condicionó mi existencia.

Nuestros pasos más serios iban hacia la Federación de Estudiantes de la calle Agustinas. Al pasar, a pocas puertas de ahí, en el umbral de la Federación Obrera, vi muchas veces en chaleco y en mangas de camisa, al hombre más importante de la clase obrera de este siglo: don Luis Emilio Recabarren.

Vayan estos recuerdos como un saludo en el acto inaugural del académico de 1973, que ustedes celebran en esta mañana. Y, naturalmente, porque ha cambiado todo y porque la transformación revolucionaria que encabeza el Presidente Allende es también acción del pueblo y de la Universidad, pienso que aquellos años son necesario antecedente de lo que hemos alcanzado y de lo que alcanzaremos: ante todo, el sentido de responsabilidad, de lucha, de firmeza hacia nuestros deberes y hacia la generosidad de la cultura, que abre ahora sus más grandes perspectivas históricas en nuestro país. Un fraternal saludo para el vicerrector Ruiz y para el profesor magistral Allende, como para todos ustedes, que son, a la vez, mis antiguos y nuevos compañeros». 

Pablo Neruda

jeudi 23 février 2023

ERNEST PIGNON-ERNEST : PAS DE MOTS DEVANT L'INTOLÉRABLE


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CHILI RÉSISTANCE 1977
ERNEST PIGNON-ERNEST 
Le plasticien Ernest Pignon-Ernest s'est rendu au Chili au début des années quatre-vingt. Repère : la figure de Pablo Neruda, le poète mort du fascisme. Il explique à l'Humanité sa colère devant l'incroyable décision des autorités britanniques et évoque son travail sur place avec les artistes chiliens, menacés par Pinochet et ses sbires.

Quelle est votre réaction devant l'attitude du gouvernement britannique?
PABLO NERUDA,
ERNEST PIGNON-ERNEST 1981
L'intolérable se mesure par rapport à nos propres repères. Regardez tout ce qui s'est passé avec Papon, qui était, si l'on peut dire, un " petit " dans le processus mis en place par les nazis. C'est un peu comme si on disait que Hitler où Pétain pouvaient être libérés. Il y a des responsabilités. Lorsque l'on pense à l'émotion qui a saisi - à juste titre - l'opinion française lors de l'affaire Papon, on se dit que c'est intolérable et insupportable. On se demande quelles sont les pressions qui ont pu être exercées.

Je songe à mon séjour au Chili, au début des années quatre-vingt, alors que Pinochet était en place : c'était la terreur, la crainte, la peur permanente. Et puis, aussi, ce désespoir permanent des gens qui avaient des proches ou des amis disparus. C'est insupportable. Je ne trouve pas les mots pour dire combien je trouve cela scandaleux.

Ne pensez-vous pas que le gouvernement français devrait réagir ?

Oui. Le gouvernement devrait réagir. Il y a aussi des Français qui sont morts ou qui ont disparu au Chili. De toute manière, ça dépasse les questions de frontières. On parle à tout le temps du droit d'ingérence, on y est !

Vous étiez au Chili au début des années quatre-vingt. Comment s'est passée votre intervention là-bas ?

J'y suis allé à la demande d'amis chiliens, en exil en France. Ils avaient le sentiment, en appelant leurs camarades au Chili qu'il y avait un grand désarroi. Tout était désorganisé, les collectifs ne fonctionnaient plus. Ceux qui étaient sur place se sentaient perdus, isolés. Jose Balmes m'a alors suggéré de me rendre dans le pays et de prendre contact avec un certain nombre d'artistes qui s'étaient séparés parce que le fascisme crée une suspicion terrible. On pense aux pièces de Brecht. Les gens avaient peur les uns des autres. J'ai alors esquissé l'idée de réaliser, collectivement, une image, celle de l'image du Chili à ce moment-là. Il n'y avait pas de graffitis dans les rues, pas plus que d'affiches. Le dénominateur commun, c'était une évidence, était Neruda, qui incarnait le Chili. J'ai alors travaillé sur une image du poète. C'était de la sérigraphie et on a ainsi pu réunir des gens et impulser une dynamique assez extraordinaire. Près de cinquante artistes sont passés dans l'atelier mais il y avait tout de même des méfiances. Brunioli me disait toujours : " c'est évident qu'il y a un flic dans le groupe ", mais on n'arrivait jamais à savoir qui c'était. Il y avait tout le temps cette pression, cette peur permanente, quand on sortait. C'est ce que j'ai senti de plus terrible.

On a don fait cette image de Pablo Neruda. L'idée était de le faire comme un drapeau, une incarnation du Chili. On l'a représenté avec un poncho, l'habit populaire, qui permettait de faire une grande surface sur le corps de Neruda. Chacun intervenait alors sur ce poncho : des paysages du Chili, des manifestations, des poèmes. Il incarnait vraiment la résistance, le pays en lutte. À travers l'image que j'avais réalisée, il y avait une rencontre. On en a imprimé près de 500, envoyées à tous les groupes d'artistes, aux quatre coins du Chili.

Vous avez montré ce dessin à la veuve de Neruda ?

J'ai montré le dessin à Matilde. Une beauté grave, un peu comme Irène Papas. Je vais dans leur maison, chargée d'histoire, pillée au moment du coup d'État. Je déroule dessin sur une grande table. Elle reste silencieuse et me dit : " Pablo n'était jamais comme ça ". J'étais gêné. Elle se tait et ajoute : " Mais, vous avez raison. Maintenant il serait comme ça, grave et résolu. Avant il riait toujours. Même quand il a été expulsé de France, nous sommes montés dans le bateau à Cannes et il a offert du champagne pour tout le monde. Dans tout il voyait ce qu'il y avait de positif."

Entretien réalisé par


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ANNIVERSAIRE DE LA NAISSANCE
D'ERNEST PIGNON-ERNEST
1942 - 23 février - 2023