Citation de Pablo Neruda

vendredi 3 avril 2009

LES ENNEMIS LITTÉRAIRES : PASEYRO

Ricardo Paseyro



Aussi malsaine et non moins durable aura été la persécution politico-littéraire menée contre moi et contre mon œuvre par un Uruguayen équivoque au nom galicien, quelque chose comme Ribeyro. Le type publie depuis belle lurette, en espagnol et en français, des pamphlets où il m'écartèle. Le plus drôle c'est qu'il ne se contente pas d'extravaguer ses prouesses antinérudiennes à compte d'auteur sur le papier; il finance aussi des vovages dispendieux, orientés dans une seule direction: mon anéantissement définitif.

Ce curieux personnage prit la route de l'Université d'Oxford quand on annonça qu'on m'y ferait docteur honoris causa. Notre poétereau uruguayen débarqua un beau jour, avec ses accusations fantastiques, prêt pour ma curée littéraire. Mes illustres lords s'amusèrent beaucoup en commentant le réquisitoire dressé contre moi, qui demeurais là en robe écarlate, buvant avec eux le porto rituel, après avoir reçu la distinction honorifique.

Mais plus inconcevable et plus aventureux encore fut le voyage du même Uruguayen à Stockholm, en 1963. On murmurait alors que j'allais obtenir le Prix Nobel. L'individu rendit visite aux académiciens, donna des conférences de presse, parla à la radio pour affirmer que j'étais l'un des assassins de Trotsky. Par cette manœuvre il prétendait me discréditer et m'empêcher de recevoir le Prix.

Le temps a prouvé que le pauvre garçon ne fut pas favorisé par le sort et qu'à Oxford comme à Stockholm il perdit tristement son argent et son énergie.




J'avoue que j'ai vécu (Mémoires), pages 434-435. Editions Gallimard, 1975,
Traduit de l'espagnol par Claude Couffon

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