Citation de Pablo Neruda

lundi 16 août 2004

PABLO NERUDA, LE BARDE D'UTILITÉ PUBLIQUE

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PABLO NERUDA, LE 1ER NOVEMBRE 1970.
PHOTO JERRY BAUER

À l'occasion du centenaire de la naissance du poète, une soirée lui est consacrée, avec une lecture spectacle de ses oeuvres, un concert des Quilapayun et Angel Parra. Lorsque Pablo Neruda s'éteint le 23 septembre 1973, les militaires, emmenés par le général Pinochet, ont pris le pouvoir à Santiago, faisant sombrer le Chili dans une terrible dictature. 
Ce Chili qu'affectionnait tant Pablo Neruda et avec lequel il entretenait une relation fusionnelle. De son pays, il aimait les reliefs, l'histoire, la culture et aussi les blessures douloureuses. «Dans ma patrie, on emprisonne les mineurs et le soldat commande au juge, écrivit Pablo Neruda dans le Chant général. Mais j'aime, moi, jusqu'aux racines de mon petit pays si froid. Si je devais mourir cent fois, c'est là que je voudrais mourir, et si je devais naître cent fois, c'est là aussi que je veux naître, près de l'Araucacia sauvage, des bourrasques du vent du sud et des cloches depuis peu acquises. Qu'aucun de vous ne pense à moi. Pensons plutôt à toute la terre, frappons amoureusement sur la table.» 

Le poète ne verra pas la junte militaire torturer son peuple, brûler les livres ou saccager ses havres d'inspiration de Santiago et d'Isla Negra. Le jour de ses obsèques, une foule brava les interdits pour lui rendre un dernier hommage. «Camarade Neruda: présent!» crient des centaines de femmes et d'hommes. L'enterrement du poète se transforma en une des toutes premières manifestations d'opposition aux généraux félons. Plus de trente ans ont passé depuis ces événements tragiques. 

Et si l'on célèbre aujourd'hui le centième anniversaire de la naissance de Pablo Neruda, c'est qu'il demeure, en Amérique latine, et au-delà, un homme de lettres et d'engagement extraordinaire. 

La soirée d'hommage au poète chilien, qui se tiendra à l'agora de l'Humanité le vendredi 10 septembre, donnera à voir et à comprendre son itinéraire exceptionnel. Car le parcours de Pablo Neruda est un continent à visiter. Écrivain et poète reconnu, dont on prima l'oeuvre du prix Nobel de littérature en 1971, il fut aussi un diplomate qui occupa plusieurs postes de par le monde et qui se distingua en organisant l'exil au Chili de milliers de réfugiés espagnols après la guerre civile. 

Pablo Neruda était aussi une grande figure de la politique, fidèle à l'idéal communiste qu'il embrassa depuis 1945 jusqu'à sa mort. Pour le poète, cet engagement participait d'un mouvement libre pour tendre vers un monde meilleur. «Je veux vivre dans un monde où les êtres seront seulement humains, sans aucun titre que celui-ci, sans être obsédés par une règle, par un mot, par une étiquette, écrit-il à propos du communisme dans ses Mémoires. Je veux qu'on puisse entrer dans toutes les églises, dans toutes les imprimeries. Je veux qu'on n'attende plus jamais personne à la porte d'un hôtel de ville pour l'arrêter, pour l'expulser [...]. Je veux que l'immense majorité, la seule majorité, tout le monde puisse parler, lire, écouter, s'épanouir. Je n'ai jamais compris la lutte autrement que comme un moyen d'en - finir avec la lutte.» 

Chantre du continent qui l'a vu naître le 12 juillet 1904, Pablo Neruda en est devenu l'un de ses plus prestigieux ambassadeurs. Vingt Poèmes d'amour et une chanson désespérée est le premier ouvrage que rédige Pablo Neruda. Après ce recueil de poésies, dont Pablo Neruda disait d'elle «qu'elle un courant fluide qui très souvent s'échappe du propre créateur», viendront plus d'une quarantaine d'autres oeuvres, dont le Chant général, Résidence sur la Terre... L'amour, le monde, l'histoire et la culture indienne inspirent sa poésie, tout comme la nature et les espaces illimités. «J'aime la diversité géographique, le fruit terrestre original sous toutes les latitudes», déclarait-il. 

Tandis que Pablo Neruda occupe un poste consulaire en Espagne éclate la guerre civile. Cet épisode sanglant, dont l'assassinat de son ami, le poète espagnol Federico Garcia Lorca, va profondément transformer sa poésie: «Vous allez me demander pourquoi votre poésie ne parle pas du rêve, des feuilles des grands volcans de votre pays natal? Venez voir le sang dans les rues, venez voir le sang dans les rues, venez voir le sang dans les rues!» écrit-il rageur dans J'explique certaines choses. L'écriture se mue. Les mots, qui, selon Neruda, «brillent comme des pierres de couleur, sautent comme des poissons de platine, sont écume, fil, métal, rosée», deviennent des armes, comme en atteste son Incitation au nixoncide et éloge de la révolution chilienne. 

Ce pamphlet contre la politique impérialiste des États-Unis, Pablo Neruda le rédige en janvier 1973 depuis Isla Negra. «L'Histoire a prouvé que la poésie pouvait démolir et je m'en remets à elle. Sans plus... Je dois être de temps en temps un barde d'utilité publique [...]. Je n'ai pas d'autre issue: contre les ennemis de mon peuple, ma chanson est offensive et dure comme la pierre auracane», prévient-il dans son prologue. 

Visionnaire, Pablo Neruda sait la démocratie et le gouvernement de l'Unité populaire - conduit par son compagnon de route, Salvador Allende, pour lequel il se désista lors de la campagne présidentielle - en danger. Il prend donc la plume et la trempe dans la révolte et l'humanisme. Tout au long de sa vie, Pablo Neruda inscrit ses textes dans le monde et son époque. Les tourments, les maux, les ruptures et les aventures humaines qui ont marqué le XXe siècle le poussent à prendre parti aux côtés des laissés-pour-compte de son pays jusqu'aux combats planétaires tels que la paix aux côtés de Louis Aragon et Pablo Picasso. C'est le «voyageur immobile», le communiste, l'écrivain que les visiteurs de la Fête pourront (re)découvrir «une vie faite de toutes les vies: les vies du poète», selon la propre confession de Pablo Neruda. Cathy Ceïbe Vendredi 11 septembre à partir de 18 heures.

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