Citation de Pablo Neruda

samedi 23 septembre 2017

DERNIÈRES IMAGES DE PABLO NERUDA


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L'ESSAI fort complet consacré à Pablo Neruda par Rodriguez Monegal a le mérite de corriger l'image un peu sommaire que nous avons prise, chez nous, du grand poète sud-américain. On veut absolument le scinder : il y a le poète, et il y a l'homme politique.
 LE 26 JUILLET NERUDA S'ADRESSANT
À NICOLAS GUILLEN PENDANT UNE
RÉCEPTION ORGANISÉE POUR
COMMÉMORER LE 10ÈME ANNIVERSAIRE
DE LA RÉVOLUTION CUBAINE À
L'UNIVERSITÉ DE SANTIAGO AU CHILI,
LE 26 JUILLET 1963.

C'est que nous n'approchons, dans notre langue, qu'une partie de cette œuvre immense, qui fait songer à Victor Hugo, justement, par son désordre " océan " et son abondance généreuse. Mais au moins ce que nous en savons suffit-il pour lire avec profit l'essai de Monegal, heureusement prodigue de citations et qui recourt volontiers à des documents qui nous sont souvent interdits.

Qui examine l'ouvrage complet de Neruda voit que le tout s'organise par cycles successifs, mais singulièrement et étroitement unis entre eux et dépendants les uns des autres. Par exemple, le cycle des Résidences sur la terre, par la troisième série, annonce et permet le Chant général, qui, lui-même, en divers endroits, perpétue les échos des premiers poèmes mais élabore secrètement ce qui sera le matériau, plus tard, des Odes élémentaires. Le chemin du poète, son cheminement, ainsi s'éclaire. La biographie réelle nécessite une biographie allégorique, si bien que le long séjour en Orient, l'effort d'écrire les premières Résidences, devient, littéralement, " saison en enfer ". Et résurrection, la guerre civile espagnole. Puis, par le retour au Chili, l'ouverture au monde, la montée au Machu-Picchu, le moi s'efface et, comme le dit très justement Monegal, le poète dès lors vocalise, c'est-à-dire qu'il parle pour ceux qui sont plongés dans le silence jusqu'à la mort.

A ce moment, et à ce moment seulement (1945), Pablo Neruda s'inscrit au parti communiste chilien : la poésie et la réflexion politique aboutissent, ensemble, au même point focal, l'action. Mais dès lors également, aux temps de la seconde guerre mondiale, de l'exil, de la guerre froide, Neruda va se répéter dans un discours " horizontal ", celui, principalement, du recueil les Raisins et le Vent. Mais, avant même que ce cycle ne se referme, la poésie reprendra le dessus, creusant l'être, verticale à nouveau, mais enrichie, non seulement par l'amour pour Mathilde Urrutia (les Vers du capitaine), mais par l'expérience du vaste monde.

Alors, le poète recommencera à parler de lui (ce seront Vaguedivague, la Centaine d'amour, le Mémorial de l'île noire), mais le je qui s'exprime là concerne et englobe les je de tous. Et s'avoue le Chili, qui est, malgré les voyages, les errances, les exils successifs, le seul lieu, celui de la parole, celui de la fraternité, et le moyeu immobile auquel Neruda est cloué par tous les mots qu'il a écrits, et qui chantent. Ce qui donne à sa mort, dans ce pays fusillé, une dimension terrifiante.


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