Citation de Pablo Neruda

mardi 3 septembre 2019

ANNIVERSAIRE. LE WINNIPEG, UN VIEUX RAFIOT CHARGÉ DE FRATERNITÉ


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L'ÉQUIPAGE DU «WINNIPEG», PARTI SAUVER 2000 ANTIFRANQUISTES,
 RÉFUGIÉS À BORDEAUX. UNE MISSION MONTÉE PAR NERUDA.
IMAGE EXTRAITE DE «LA TRAVERSÉE SOLIDAIRE». DR
Le 3 septembre 1939, le navire débarque à Valparaiso 2000 républicains espagnols. Une épopée de la solidarité internationale grâce au concours du poète Pablo Neruda.

COUPURE DE PRESSE 
« ESPAÑA DEMOCRÁTICA » 
DU 10 DE AOÛT 1939



«J’ai aimé dès le début le mot Winnipeg. Les mots ont des ailes ou n’en ont pas. Les mots rugueux restent collés au papier, à la table, à la terre. Le mot Winnipeg est ailé. Je l’ai vu s’envoler pour la première fois sur le quai d’un embarcadère, près de Bordeaux », a écrit le poète chilien Pablo Neruda à propos de ce navire de la liberté. Le Winnipeg, c’est l’histoire singulière d’un bateau solidaire de la compagnie communiste France-Navigation, une histoire d’exilés accueillis en héros au Chili, d’une «traversée solidaire » (1), l’histoire de l’utilité sociale de la poésie. « Sans cette qualité, la poésie sonne mais ne chante pas », disait encore Pablo Neruda. Le 26 janvier 1939, commence la terrible « Retirada» ; les républicains espagnols sont reçus en France comme des chiens, sous le statut d’« étrangers indésirables ».

« Nous avons du travail pour tous les pêcheurs» 


Au Chili, le 25 octobre 1938, le Front populaire gagne les élections et Aguirre Cerda devient président. Le ministre de la Santé n’est autre que le jeune socialiste Salvador Allende. Le poète Pablo Neruda fut consul en Espagne et s’est lié d’amitié avec Federico Garcia Lorca. Le Chilien est horrifié par les bombardements de Madrid. Désormais sa poésie crie avec l’Espagne martyrisée, mais debout. Neruda proclame que ses mots sont devenus « un drapeau au-dessus de tant de douleurs ». Lui et le Parti communiste chilien (PCCh) proposent au président du Front populaire d’accueillir un nombre significatif de « rouges » espagnols. Le chef de l’État acquiesce. « Amenez-moi des milliers de républicains. Nous avons du travail pour tous les pêcheurs. Amenez-moi des Basques, des Catalans, des gens de l’Estrémadure, des ouvriers, des laboureurs, des menuisiers », proclame-t-il. Il nomme Pablo Neruda « consul pour l’immigration ». L’homme de lettres se consacre à « la plus noble des missions ». Le Winnipeg embarquera plus de 2 000 républicains exilés (1 297 hommes, 397 femmes et 310 enfants). Sous le feu d’une droite chilienne hystérique, xénophobe, le bâtiment arrive à Valparaiso le 3 septembre 1939.

L’histoire du Winnipeg se confond avec celle sans précédent de la compagnie maritime France-Navigation, créée le 15 avril 1937 (en secret) par le Parti communiste français et l’Internationale communiste, afin de contourner la « non-intervention » et approvisionner en avions, tanks, munitions l’Espagne républicaine. La compagnie se crée dans le même mouvement que les Brigades internationales. Elle fait partie d’un vaste réseau d’organisations solidaires. Moscou décide de recourir aux services de France-Navigation, à des navires moins marqués que les siens. Entre 1937 et 1938, elle acquiert 24 navires. Officiellement, il s’agit d’une « compagnie commerciale ». Des communistes, des bolcheviks en assurent la direction : Auguste Dumay, Giulio Ceretti, Émile Sellon… Âgé de 23 ans, Georges Gosnat en devient le secrétaire général. Les bateaux de France-Navigation font la navette entre le port militaire de Mourmansk et ceux plus discrets du Bordelais et de la côte Atlantique. La compagnie a tissé une gigantesque toile de complicités avec des dockers, des syndicalistes, des camionneurs, des policiers, des passeurs, des convoyeurs, des grutiers, des cheminots…

Le Winnipeg, ce vieux cargo marchand, l’un des plus gros au monde, a été aménagé en catastrophe pour transporter des exilés. Au cours de la traversée d’un mois, le commandant Pupin, un « professionnel » devenu très anticommuniste, tente un coup de force contre les militants chargés d’encadrer la traversée de Bordeaux (quai de Trompeloup à Pauillac) jusqu’à Valparaiso. Pupin profite du pacte germano-soviétique pour conspirer. Le commandant Sellon, sorte de commissaire politique à bord, ne décolère pas. Le Winnipeg est devenu une affaire d’État instrumentalisée. Le navire a embarqué plus de 2 000 exilés, liste plurielle établie par Pablo Neruda, le consulat parisien et les partis républicains, contestée par les anarchistes. Sur le quai, le poète est assailli par des dizaines de candidats à l’exil non inscrits.

Les exilés trouveront un travail dans de bonnes conditions au Chili


Le 4 août 1939, le bateau et ses exilés appareillent avec à bord 1  118 professions différentes (208 pêcheurs, 253 agriculteurs, 123 maçons, 176 métallos, 28 boulangers, 26 étudiants…). La plupart trouveront un travail dans de bonnes conditions au Chili, et s’y installeront. Sur le Winnipeg, le service santé, remarquable, repose sur la fille de Marcel Cachin, fondateur du PCF, et sur son époux. L’infirmière en chef Philomène Gaubert, une maîtresse femme, fait face à plusieurs cas de typhoïde. Des assemblées générales de partis (Parti communiste d’Espagne, Parti socialiste (PSOE), Gauche républicaine, CNT-FAI, etc.) se succèdent… Mais, à l’arrivée à Valparaiso, tous les marins, communistes, à la suite des magouilles du commandant, sont déclarés « mutins » (le pacte germano-soviétique avait été signé dans l’intervalle). Les passagers, eux, sont accueillis en héros par une foule en liesse. L’équipage est rapidement libéré. Mais les autorités françaises imposent un rapatriement pour mutinerie. À Bordeaux, les marins seront emprisonnés plusieurs semaines. Le tribunal militaire conclura finalement que l’affaire a été montée de toutes pièces.

« Que la critique efface toute ma poésie, si bon lui semble, mais ce poème dont j’évoque aujourd’hui le souvenir, personne ne pourra l’effacer », assurait Pablo Neruda.

(1) Titre d’un documentaire de Dominique Gautier et Jean Ortiz, France 3.
Jean Ortiz

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Bonsoir je découvre la photo de mon grand père Joseph Le Barzic, j’ai souvent entendu parlé de cette histoire de famille ….