Citation de Pablo Neruda

mardi 1 août 2017

L’ODYSSÉE OUBLIÉE DES RÉFUGIÉS DU « WINNIPEG »


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DES SURVIVANTS DU WINNIPEG. À CE JOUR, ILS NE SONT PLUS
QU’UNE POIGNÉE  MAIS LEURS DESCENDANTS SONT PRÈS DE 10 000
À VIVRE AU CHILI ET À Y PERPÉTUER LE SOUVENIR DU « NAVIRE DE L’ESPOIR ».
PHOTO MARTIN BERNETTI 

Début août 1939, le poète Pablo Neruda organise depuis le port girondin de Pauillac l’évacuation par bateau de 2 500 réfugiés espagnols vers le Chili.

Un épisode méconnu en France de la guerre d’Espagne.
Des survivants du Winnipeg. à ce jour, ils ne sont plus qu’une poignée mais leurs descendants sont près de 10 000 à vivre au Chili et à y perpétuer le souvenir du « navire de l’espoir ». 

En cette fin d’après-midi de printemps, les touristes qui sortent du port de plaisance de Pauillac, à une cinquantaine de kilomètres au nord-ouest de Bordeaux, ne prêtent nulle attention au drapeau à bandes rouges, jaunes et bleues que le vent du large malmène. Si l’oriflamme de la défunte République espagnole a été hissée à deux pas de l’embarcadère, c’est que ce samedi-là, la cité du Médoc commémore, pour la première fois, un épisode oublié en France de l’immédiat après-guerre civile : l’évacuation en août 1939 depuis les quais de la Gironde de quelque 2 500 réfugiés républicains vers le Chili.


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PABLO NERUDA REND VISITE AUX ESPAGNOLS RÉPUBLICAINS
RÉFUGIÉS À BORD  DU WINNIPEG, BORDEAUX 1939
Une spectaculaire opération humanitaire montée de bout en bout par le poète chilien Pablo Neruda, comme le rappelle désormais la stèle dévoilée, ce jour-là, en présence des autorités locales, d’une cinquantaine de descendants de républicains parmi lesquels Carmen Negrín – elle est la petite-fille de Juan Negrín, dernier président du Conseil de la République espagnole – et de militants d’associations mémorielles venus de Bordeaux, de La Rochelle, mais aussi d’Espagne et du Chili.

Retour en 1939. À l’issue de trois ans de guerre, la chute de Barcelone, le 26 janvier, scelle la victoire définitive des franquistes. Sans attendre la prise de Madrid fin mars, quelque 400 000 hommes, femmes, enfants et vieillards prennent la route de l’exil vers la France. Au Chili, où les élections de 1938 ont été remportées par une coalition de Front populaire, Neruda convainc le président de la République, Pedro Aguirre Cerda, d’accueillir une partie de ces vaincus. « Amenez-moi des milliers de républicains… en tenant compte des nécessités de l’industrie chilienne », lance le chef d’État.

Neruda part donc pour Paris, nanti du titre de « consul pour l’immigration » et se met en quête d’une compagnie maritime. France-Navigation lui paraît tout indiquée : les bâtiments de cette flotte créée en 1937 par le PCF pour approvisionner l’Espagne républicaine en armes soviétiques sont libres. Le poète-diplomate réserve le plus gros de ces navires : le Winnipeg. En juillet, deux dortoirs et un réfectoire sont aménagés dans les cales et les soutes de ce quatre-mâts.

Du 1er au 4 août, des dizaines de trains acheminent les exilés vers Pauillac. Les quais de Trompeloup sont noirs de monde. Des familles séparées depuis des semaines dans les camps du sud de la France se retrouvent enfin. Installé sous une tente, Neruda supervise la prise en charge des passagers, sous l’œil des représentants des partis politiques espagnols qui contrôlent – listes nominatives en main –, les opérations d’embarquement. Le bateau n’a pas encore quitté le Médoc que la droite chilienne accuse Neruda, compagnon de route du Parti communiste, de privilégier la montée de militants staliniens. L’allégation sera reprise plus tard par un anarchiste présent sur le Winnipeg.

Une légende aujourd’hui démentie par plusieurs historiens qui conviennent, néanmoins, que le poète a octroyé à sa guise une centaine de places. Quoi qu’il en soit, en ce début août 1939, le cargo vogue vers l’Amérique du Sud. Alors que la chaleur est accablante, le service de santé dirigé par Marcelle Herzog – fille de Marcel Cachin, fondateur du PCF –, est débordé. Si la traversée est rythmée par les trois repas journaliers, les activités lecture, peinture ou chorale, elle est aussi émaillée d’empoignades politiques. La plus tonitruante intervient lorsque parvient la nouvelle de la signature, le 23 août, du pacte germano-soviétique.

Le Winnipeg accoste à Valparaiso dans la soirée du 2 septembre 1939. Les exilés débarquent le lendemain, accueillis en vainqueurs par une foule en liesse qui entonne des chants révolutionnaires. La guerre qui débute le même jour en Europe, laisse espérer à beaucoup un retour prochain dans une Espagne débarrassée de Franco. L’illusion est de courte durée. La plupart des réfugiés resteront sur place.

À ce jour, les survivants du Winnipeg ne sont plus qu’une poignée mais leurs descendants sont près de 10 000 à vivre au Chili et à y perpétuer le souvenir du « navire de l’espoir ».


Jean-Jacques Allevi

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