Citation de Pablo Neruda

lundi 8 décembre 2008

CAMARADA PABLO NERUDA, PRESENTE !



Pour les cent ans de l’Humanité, émouvante soirée, vendredi, en ouverture de l’agora.


Alors ils se sont avancés, drapés dans leur légendaire poncho noir, ils ont salué la salle. Le public s’est levé dans un même élan pour ovationner longuement les Quilapayun. L’agora de l’Humanité avait du mal à contenir la foule nombreuse venue assister, vendredi soir, à la longue et belle soirée consacrée à l’un des poètes majeurs du XXe siècle, Pablo Neruda. Jusqu’au bout de la nuit, l’hommage rendu au poète chilien, à l’occasion de son centenaire, fut à la hauteur de l’événement. Que ce soit avec Charles Dobzinsky, généreux dans son partage avec le public de son ardeur poétique, et Alain Sicard, dont l’érudition brillante a permis d’évoquer la poésie sensuelle, amoureuse et politique de Neruda et d’appréhender son éuvre dans toute sa dimension et ses contradictions ; ou encore avec le musicien de jazz Jeff Sicard, accompagné aux percussions par Fabien Bourdier et entouré des comédiens Nazim Boudjenah et Julie Sicard, sociétaire de la Comédie-Française, où les mots du poète croisèrent le fer avec le saxophone lors d’un montage poétique de très belle facture ; ou, plus tard, avec la présence d’Angel Parra dont la voix profonde, chaleureuse, épouse à merveille les vers du poète ; enfin avec les Quilapayun, dont le récital, trop bref, hélas ! résonne encore comme un instant suspendu dans l’histoire chaotique et tragique du Chili. Et celle des retrouvailles naturelles avec la Fête de l’Humanité.


" Peut-être avons-nous encore le temps ", écrit Neruda à une époque cruciale du XXe siècle. Plus tard, il partagera, avec son ami Aragon, l’intuition des crimes staliniens commis au nom du socialisme. " Soy de los que vuelven a la luz " (je suis de ceux qui reviennent à la lumière), écrira-t-il une autre fois, un retour à la lumière et aux grands espaces andins pour chanter la liberté des hommes loin de la poésie tourmentée de ses débuts, influencée par Baudelaire ou Ruben Dario. Neruda sera le poète de la matière et de l’amour quand bien même l’on connaît davantage ses poèmes politiques. Mais l’inquiétude qui l’habite, et dont jamais il ne se départira, trouvera des échos dans la tourmente du siècle passé. La guerre d’Espagne sera le choc décisif : "Venez voir le sang dans les rues / Venez voir le sang des enfants qui coule dans les rues", écrira-t-il, comme une prière vaine pour dire l’indicible, la tragédie qui fera basculer le monde dans l’horreur d’une guerre sans fin.


Poète, diplomate, communiste, Neruda, à l’instar d’un Picasso ou d’un Aragon, sera un homme de son siècle, totalement engagé dans son art aux côtés de ceux qui souffrent et qui résistent. Le coup d’État au Chili, le 13 septembre 1973, perpétré par le général Pinochet, la répression sanglante qui s’ensuivit, la mort de Salvador Allende, celle de Victor Jara l’affecteront terriblement. Il mourra quelques jours après. Comme Antonio Machado qui ne put se résoudre à vivre en exil et fut enterré à Collioure, Pablo Neruda n’a pas survécu à la chape de plomb qui s’est abattue sur son pays. Ses obsèques donnèrent lieu à un rassemblement des plus impressionnants où le peuple chilien vint lui rendre un dernier hommage. Malgré l’armée qui suivait le cortège, un cri s’éleva au-dessus du cercueil qui s’avançait lentement : " Camarada Neruda, presente ! "
Fête de l’Humanité 2004. Camarada Pablo Neruda, presente !

Aucun commentaire: