Citation de Pablo Neruda

mercredi 10 décembre 2008

CHILI PABLO NERUDA « COMPAGNONS, ENTERREZ-MOI DANS L’ÎLE NOIRE »

Ici, chapeau que je ferai en fonction de ce qu’il y a d’autre dans la double

Vous allez me demander pourquoi votre poésie
ne parle-elle pas du rêve, des feuilles,
des grands volcans de votre pays natal ?
Venez voir le sang dans les rues,
venez voir
le sang dans les rues,
venez voir le sang
dans les rues !
»

La célèbre fin de J’explique certaines choses, l’un des premiers grands poèmes politiques de Neruda (1936) et une des pièces centrales d’Espagne au cour, fut pour beaucoup dans la légende - vraie - de Pablo Neruda grand poète militant. Elle fut aussi à l’origine d’une profonde méconnaissance de la multiplicité des dimensions du grand homme de lettres et du grand homme politique qu’il était.
Ce 24 septembre 1973, cependant, personne ne songe à faire la fine bouche. Les rues de Santiago sont aussi rouges que celles de Grenade. Sa maison de l’ « Île noire », la maison dont il avait, dès 1949, dit dans son Testament I du Chant général :

« Je laisse aux syndicats
Du cuivre, du charbon et du salpêtre
Ma maison près de la mer dans l’ Île Noire »

Sa maison été saccagée par les putschistes. Et lui, dans sa résidence surveillée de Santiago, n’a pas supporté ce crève-cour de plus : il est mort, à soixante-neuf ans, douze jours après Salvador Allende.

À Paris, quelques jours après, un hommage lui fut rendu, où des poèmes de Miguel Angel Asturias, de Rafael Alberti, furent lus. Aragon y fit lecture de la fin de son Élégie à Pablo Neruda, écrite en 1965 au moment où un tremblement de terre avait ruiné sa maison de l’Île.


Il y avait aussi ce très beau texte de Yannis Ritsos, commencé à Athènes pour Allende, terminé pour Neruda.

« Soulevez le beau mort sur la porte de noyer
Le prix du cuivre est déjà monté de trois cents et demi la livre. Le fer,
encore le fer ; le dollar ; les bottes. Une chaudière, une chaudière, - cria-t-il - que j’y noie mes mains - stupides mains
avec les marques des clous - elles n’ont pas encore appris à se nouer autour d’un cou. Soulevez-le,
encore plus haut soulevez le beau mort étendu sur la porte de sortie. Destin,
le plus amer destin : nous passons les héros sous l’histoire en cachette
dans ce train bien clos, plein de mégots, et les corbeilles des pêcheurs, vides
avec les drapeaux mille fois repliés pour qu’on n’en voie pas les couleurs,
posés à terre sur les planches, froissés, travestis en baluchons que portent des mendiants infirmes - et dedans, une pierre. Dessus, assis,
les trois chiens aveugles et la guitare rouge, la guitare au large poitrail de Pablo Neruda. »



(trad. Chrysa Prokopaki et Antoine Vitez)
A. N.
Article paru
le 25 septembre 2003
dans le journal l'Humanité

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